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Festival de Jazz - Trio Jérôme Beaulieu : superbe élan

Trio Jérôme Beaulieu : superbe élan
Jacques E. Trotter

Tout a commencé dans la même salle de L’Astral, il y a trois ans, lorsque le jeune petit génie et ses acolytes remportaient le concours Jazz en Rafale. Dès lors, la vie ne serait plus jamais pareille. Consacré Révélation Jazz Radio-Canada 2013-2014, le band est dans un élan musical singulier et moderne qui risque, avec patience, de le propulser bien loin. Il donnait une prestation au Festival international de jazz de Montréal, jeudi, en début de soirée.

Beaulieu est aux ivoires d’un noir piano à queue. Quant à William Côté, il caresse posément sa batterie. Le contrebassiste Philippe Leduc, lui, pianote sur une vieille machine à écrire disposée au centre de la scène. Trois longs rectangles de tissu blancs tombent derrière eux et permettent la projection d’images d’ambiance. Ils découpent aussi les comparses qui paraissent eux-mêmes dessinés dans le sobre décor. Belle entrée en matière pour Lettre à un vieux politicien, du dernier album Chercher l’équilibre.

Ensuite, on prend la route qui, possiblement, court quelque part au milieu d’une forêt gaspésienne. Au loin, dans le sombre paysage, tourne une grande éolienne pour le morceau Watch Out. Le visuel (travail de José Garcia), simple, accompagne bien les musiciens qui proposent ici un ensemble-débalancé délicat et harmonieux malgré la frappe saccadée du batteur. L’atmosphère est mélancolique, sinon contemplative.

Avancer

Sur les tissus, gros plan sur le marteau d’une machine à écrire qui frappe les mots d’une citation d’Albert Einstein : « La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre ».

Un joli tableau musical prend vie. Au cœur des arrangements romantiques et mélodiques, une chaîne de métal déposée sur l’une des caisses (pour un effet subtil, mais fort intéressant) se marie aux élans vifs des deux autres instrumentistes.

C’est ici que Jérôme Beaulieu se lèvera pour prendre le micro et expliquer cette « version 2.0 » de leur spectacle.

« ...One giant leap for mankind »

Après ces quelques morceaux (Grands Jardins et La tourte) puisés du plus récent disque, voilà qu’arrivent de vieilles images captées de l’espace. Suite en trois mouvements pour Man On the Moon. Exploration nuancée, qui deviendra plus musclée le long du voyage.

Au milieu de l’interprétation, on entend une bribe volée à Neil Armstrong qui explique d’une voix qui grésille que le regard humain ne sera plus jamais tout à fait le même... Sur une batterie solennelle, le piano fait rêver. Soudain, Beaulieu s’emporte pour revenir à la douceur, en conclusion.

Par la suite, très belle structure de pièce jazz, qui encore une fois, ressemble à une chanson conventionnelle. Reprise de Love Is All de The Tallest Man On Earth!

Après un combo réussi des pièces Omnibus et Ti-chien aveugle de Fred Fortin, punché par la narration du slameur québécois Ivy, arrive le plat de résistance...

Sombre inquiétude

Moment sympathique lorsque Leduc se dit tout heureux d’avoir enfin « cette rare permission de parler durant un concert » (l’ironie vole entre Beaulieu et Leduc). Après une minute de mise en contexte, il présente le classique I Might Be Wrong (album Amnesiac) du groupe de rock anglais Radiohead, sans oublier de dédier le morceau au président-directeur général de CBC/Radio-Canada.

Le contrebassiste mène habilement le bal dans cette géniale réappropriation. Le piano n’est pas en reste quand le spectateur a droit à quelques courtes bouffées d’oxygène, ou plutôt d’espérance, avant de retomber dans cette prenante et latente inquiétude qui caractérise si bien le travail du chanteur Thom Yorke. Superbe évolution.

Ce Trio Jérôme Beaulieu, dont le nom fait un peu vieux jeu, est pourtant bien ancré dans un jazz du présent. L’approche, bien que teintée des influences des grands jazzmen comme Bill Evans, est allégée par une logique plus « pop » et mélodique (pensons au travail du trio de jazz américain The Bad Plus) qui a semblé grandement plaire aux festivaliers, qui remplissaient la salle.

Certainement l’un de nos plus beaux talents de la relève québécoise. Du solide.

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