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Sarkozy mis en examen: que signifient les délits de corruption, trafic d'influence et recel?

Que signifient les 3 charges retenues contre Sarkozy (et ce qu'il risque)
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"Mis en examen". Ces trois mots font les gros titres de la presse ce mercredi 2 juillet. Après une quinzaine d'heures de garde à vue, une première pour un ancien président de la République, Nicolas Sarkozy s'est vu notifier sa mise en examen pour corruption active, trafic d'influence actif et recel de violation du secret professionnel.

Les juges d'instruction cherchent à établir si l'ancien chef de l'Etat a essayé d'obtenir des informations couvertes par le secret auprès d'un haut magistrat sur une décision de justice le concernant, en échange de la promesse d'une intervention pour un poste de prestige. Mais que se cache-t-il derrière ces obscurs termes judiciaires?

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La corruption active

sarkozy mis en examen

• Ce que cela signifie : On sait tous ce que signifie le mot corruption, ou "pot-de-vin" dans le langage courant. La corruption active désigne tout simplement celui qui propose le pot-de-vin. La corruption passive étant celui qui le reçoit.

• Ce que dit la loi : Le délit de corruption active est réglementé par l'Article 433-1 du Code pénal. Il la définit comme:

"Le fait, par quiconque, de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui".

L'objectif de celui qui corrompt? Que la personne sollicitée "accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat", ou bien "qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable".

• Dans le cas de Sarkozy : L'ancien président aurait promis à Gilbert Azibert, haut magistrat à la Cour de cassation, un poste de prestige à Monaco en échange d'informations sur les écoutes le visant dans le cadre du financement illégal présumé de sa campagne présidentielle en 2007.

• Ce qu'il risque : La loi prévoit une peine pouvant aller jusqu'à dix ans de prison et 1 million d'euros d'amende.

• Exemple marquant : En matière de corruption active, l'une des condamnations récentes les plus retentissantes est celle de Safran. En septembre 2012, le groupe d'aéronautique et de défense français a été condamné à verser 500.000 euros d'amende pour "corruption active" d'agents nigérians entre 2000 et 2003, en marge d'un contrat de 214 millions de dollars pour la fabrication de cartes d'identité.

Le trafic d'influence actif

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• Ce que cela signifie : La définition du trafic d'influence est très proche de celle de la corruption. Il s'agit en quelque sorte d'une version indirecte du même délit, qui met en oeuvre le fait d'utiliser son influence (réseau, position politique, copinage, lien familial, pouvoir financier, lien de subordination...).

Comme le résume le site Asnierois.org, "le trafic d'influence a une finalité différente de la corruption" dans le sens où le "trafiquant" se présente "comme un intermédiaire entre le bénéficiaire potentiel et le destinataire de cet abus". Cité par Le Nouvel Observateur, l'avocat Me Gosset prend un exemple assez parlant: "rémunérer quelqu'un qui a un gros carnet d'adresses et peut s'en servir".

• Ce que dit la loi : Dans l'Article 433-2 du Code pénal, le trafic d'influence est décrit en ces termes:

"Le fait, par quiconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable"

• Dans le cas de Sarkozy : Nicolas Sarkozy est soupçonné d'avoir usé de son influence et de son réseau en tant qu'ex-président pour favoriser la carrière d'un haut magistrat. Marqué à droite, Gilbert Azibert est par ailleurs l'ancien directeur de cabinet de Rachida Dati, Garde des sceaux sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2009).

• Ce qu'il risque : Ce délit est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500.000 euros.

• Exemple marquant : En février 2012, l'ancien ministre Eric Woerth a été mis en examen pour trafic d'influence passif. Si son procès a depuis été renvoyé en correctionnelle, la justice lui reproche d'être intervenu pour faire obtenir la Légion d’Honneur à Patrice de Maistre. Gestionnaire de fortune de Lilianne Bettencourt, ce dernier avait embauché Florence Woerth, épouse d'Eric Woerth, au sein de la société Clymène qu'il dirigeait.

Le recel de violation du secret professionnel

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• Ce que cela signifie : Si vous êtes au courant de quelque chose que vous savez illégal, ou que vous détenez un objet que vous savez volé, par exemple, vous pouvez être accusé de recel. En l’occurrence, le recel de violation du secret professionnel est le fait de savoir qu'il y a eu violation du secret professionnel et de ne pas avoir prévenu la justice.

• Ce que dit la loi : Le recel est défini par l'Article 321-1 du Code pénal en ces termes:

"Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit."

• Dans le cas de Sarkozy : Dans cette affaire, on parle de recel de violation du secret professionnel car l'ancien chef de l'Etat aurait été au courant, si les charges sont avérées bien entendu, d'informations sur l'affaire Bettencourt. Or cette enquête était couverte par le secret de l'instruction. S'il a effectivement été mis au courant, peu importe que ce soit de manière volontaire ou non, il savait donc que le secret professionnel de l'instruction avait été rompu. Et aurait donc dû alerter la justice.

• Ce qu'il risque : Le recel est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.

• Exemple marquant : Le recel de violation du secret professionnel est une charge régulièrement retenue contre des journalistes.Pour leur ouvrage "Les Oreilles du Président" paru en 1996, Jean-Marie Pontaut et Jérôme Dupuis ont ainsi été condamnés à payer l'équivalent d'une amende de 762,25 euros et plus de 7 500 euros de dommages et intérêts. En 2007, la Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs condamné la France pour violation de la liberté d'expression des deux journalistes.

Ce que Sarokzy risque au maximum

Présumé innocent, Nicolas Sarkozy est resté libre mardi soir et n'est soumis à aucun contrôle judiciaire. Mais s'il était condamné à l'issue d'un éventuel procès, les différents chefs d'inculpation retenus contre lui ne se cumuleraient pas, en vertu du principe de non-cumul des peines. L'ancien président de la République pourrait donc écoper au pire (avec ou sans sursis) de 10 ans de prison et 1 million d'euros d'amende.

A noter, le Code pénal prévoit par ailleurs dans son Article 432-17 une peine complémentaire avec "interdiction des droits civiques", "déchéance des droits civils et civiques", "interdiction d'exercer une fonction publique ou une profession" ou encore "exclusion des listes électorales" pour une durée limitée. Autrement dit, une possible inéligibilité qui pourrait sérieusement compromettre la carrière politique de Nicolas Sarkozy.

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