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Dans le nord de la Cisjordanie, l'archéologie est un combat quotidien

Dans le nord de la Cisjordanie, l'archéologie est un combat quotidien

Analyser les noyaux d'olives carbonisés ou reconstituer le contenu de tombes pillées il y a des siècles: l'archéologie palestinienne en Cisjordanie occupée est un travail de patience, auquel contribue la France, présente sur ces terrains de fouilles depuis plus de 150 ans.

Entre les oliviers, au milieu d'un terrain poussiéreux, Jean-Sylvain Caillou, directeur de l'antenne dans les Territoires palestiniens de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) conduit ses visiteurs sur les chantiers de la première Mission archéologique franco-palestinienne, à Sébastia, la Samarie de la Bible, dans le nord de la Cisjordanie.

"Les tombeaux sont vides. A un moment donné, ils ont été pillés, mais nous avons assez d'éléments pour déterminer de quelle période ils datent et connaître plus de choses sur leur utilisation", explique M. Caillou, qui dirige une équipe d'archéologues et d'étudiants de l'université palestinienne Al-Quds, à Jérusalem-Est occupé et annexé, et de La Sorbonne, à Paris.

Creusées dans le rocher en forme de grandes chambres souterraines, certaines tombes datent de l'Age de fer (vers 800 avant JC), d'autres remontent à l'époque byzantine (IIIe-IVe siècle de l'ère chrétienne).

L'une de ces sépultures, dans une zone rurale en voie d'urbanisation, a été découverte pendant la construction d'une maison, aussitôt interrompue avec l'appui de la mairie.

"Ici j'ai trouvé des noyaux d'olives fossilisés à l'intérieur du tombeau. Cela faisait partie du culte de certaines populations de l'Antiquité d'enterrer les morts avec des olives", indique Hussein Médina, étudiant palestinien en thèse d'archéobotanique à Paris, qui étudie les graines et les restes végétaux pour reconstituer l'histoire du site.

"Nous connaissons de plus en plus de choses sur l'histoire de cette région", note Jean-Sylvain Caillou, "mais il y a encore des réponses à trouver".

C'est précisément la raison pour laquelle la Mission archéologique franco-palestinienne a inauguré son centre à Sébastia, fruit d'un partenariat entre l'antenne de l'IFPO à Jérusalem, le Consulat général de France à Jérusalem et l'Université Al-Quds.

"La coopération en matière d'histoire et d'archéologie est une tradition française. Notre but est d'aider les Palestiniens à préserver eux-mêmes leurs sites archéologiques", affirme le consul général de France à Jérusalem, Hervé Magro.

"Nous avons beaucoup de possibilités de travail ensemble", plaide M. Magro, malgré les difficultés politiques.

Le site a hérité d'un patrimoine archéologique exceptionnel. Selon la tradition, c'est là que se dressait le palais d'Hérode (73-4 avant JC) et qu'aurait eu lieu la décapitation de Jean-Baptiste.

Mais pour ce pittoresque village d'altitude, la redécouverte de son passé relève d'un combat quotidien. A proximité, la colonie israélienne de Shavei Shomron s'élève sur des terres agricoles confisquées aux villageois.

En outre, la région est en "zone C", c'est-à-dire sous contrôle total israélien. Les Palestiniens ne peuvent donc pas y effectuer des fouilles.

"Les sites les plus importants de Sébastia se trouvent en zone C: le Colisée romain, l'ancienne église, les fondations de l'ancienne cité. Les colons les pillent régulièrement. L'an dernier, ils ont volé une série de statues qui représentaient la décapitation de Jean-Baptiste", accuse Qadri Ghazal, l'adjoint au maire.

Sur les murs du village, des graffitis interpellent les visiteurs: "Sébastia est en danger", "Sauvez les vestiges".

Qadri Ghazal se félicite de l'installation de la Mission archéologique franco-palestinienne --qui "va nous aider à découvrir et sauvegarder notre patrimoine" mais, poursuit-il, "notre problème principal est politique".

La Palestine, admise comme Etat membre à part entière de l'Unesco en octobre 2011, revendique 3.300 sites archéologiques.

La recherche archéologique en Terre sainte, qui a débuté au milieu du XIXe siècle, est rapidement devenue une source de polémiques en raison des tentatives d'instrumentalisation à des fins religieuses ou idéologiques, sous le prétexte d'"archéologie biblique".

Cette discipline se révèle particulièrement périlleuse dans le nord de la Cisjordanie, y compris au sens propre.

Un archéologue israélien est mort en tombant dans une crevasse alors qu'il travaillait sur un site archéologique près de Homesh et Shavei Shomron, a annoncé jeudi la police israélienne, précisant qu'il s'agissait d'un habitant du Goush Etzion, un bloc de colonies dans le sud du territoire.

str-sst/agr/cbo

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