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Les blessés graves, alarmant visage du vélo en ville

Les cyclistes, seule catégorie de blessés graves en hausse sur les routes du Québec
Radio-Canada

Ils ne sont pas morts, mais ils représentent une autre sombre facette des accidents de vélo. Les cyclistes sont la seule catégorie de blessés graves en augmentation sur les routes du Québec l'an dernier. Des vies bouleversées qui doivent prendre la longue route de la réadaptation.

Un reportage de Pasquale Harrison-Julien

Août 2012. Antoine Ancelin tente d'éviter un camion stationné en double file en plein centre-ville de Montréal. Il aurait alors eu un accrochage avec un automobiliste et tape sur sa portière. Le conducteur aurait répliqué en le projetant avec son véhicule sur un camion. L'automobiliste fait d'ailleurs face à des accusations criminelles.

Mars 2010. Anne-Marie Gaudet-Lavallée prend son vélo pour rejoindre un ami à Sherbrooke. Un automobiliste lui rentre dedans par-derrière.

Entendre leur témoignage permet de saisir combien ils reviennent de loin. Aucun d'eux ne se souvient de leur accident. Parce qu'ils ont perdu la mémoire. Ils ont chacun souffert d'un grave traumatisme craniocérébral. Puis ont passé plusieurs mois à l'hôpital et encore plus de temps dans des centres de réadaptation.

« Il a fallu que je réapprenne à parler, des choses de base, que je réapprenne la vie en fait. » — Antoine Ancelin

Pour voir cette vidéo sur votre appareil mobile, cliquez ici. Et pour le témoignage d'Anne-Marie, cliquez ici.

114 cyclistes grièvement blessés en 2013

La Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) répertorie 114 cyclistes blessés gravement en 2013, soit une augmentation moyenne de 6,5 % depuis 2008. De ces 114 blessés, nous savons seulement qu'ils ont été hospitalisés après avoir été impliqués dans un accident de la route.

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La SAAQ ne possède pas de données claires sur la nature de leurs blessures ni sur la durée de leur réadaptation. Dans certains cas, celle-ci peut durer des mois, voire des années.

Amputations, ruptures de la moelle épinière et traumatismes crâniens

Radio-Canada a toutefois obtenu des données du centre de réadaptation Gingras-Lindsay, qui accueille les cas les plus lourds de la grande région de Montréal, pour les cinq dernières années. Des données qui jettent un éclairage inquiétant sur les blessures subies.

Les cyclistes qui y ont été soignés ont souffert de blessures orthopédiques nécessitant parfois l'amputation, de blessures médullaires (liées à la moelle épinière), mais surtout de traumatismes crâniens.

Type de blessures à l'Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal (2009-2014)

  • Traumatismes cranioencéphaliques : 36
  • Amputations, blessures orthopédiques et blessures orthopédiques graves : 13
  • Lésions médullaires (moelle épinière) : 10

Une étude, enfin

Devant la popularité toujours grandissante du vélo, la physiatre spécialisée en neuro-réadaptation Jehane Dagher a décidé d'éplucher tous les dossiers de cyclistes admis en traumatologie à l'Hôpital Général de Montréal, l'un des deux principaux hôpitaux en traumatologie de la métropole.

Ses résultats, dévoilés en exclusivité à Radio-Canada, démontrent que 143 cyclistes sont passés par le département de traumatologie entre 2007 et 2011. Près de la moitié avait été impliquée dans un accident de la route.

Les coûts d'hospitalisation sont élevés. Et c'est sans compter les coûts sociaux, c'est-à-dire la période où le cycliste blessé se trouve hors du marché travail. En tout, certains cas peuvent dépasser le million de dollars.

Le médecin, dont l'étude sera publiée dans quelque mois dans la revue médicale Brain Injury, estime que les solutions se trouvent dans l'aménagement urbain, la refonte du Code de la route et une législation sur le port du casque. « Avec le casque, le traumatisme est moins important et la durée du séjour, surtout aux soins intensifs, est six fois moins importante », explique-t-elle.

« Si on ne fait rien? Il y aura certainement une augmentation des chiffres de traumatisés [crâniens], certainement une augmentation des blessés qu'on voit dans les hôpitaux. » — Dre Jehane Dagher

Réapprendre à marcher à 23 ans

Depuis son accident, Anne-Marie a dû changer de vie. Elle aussi souffre de problèmes de concentration, elle n'a pas réussi son stage en enseignement de l'éducation physique. Elle a choisi de retourner au cégep pour faire une technique... en réadaptation physique.

« C'est sûr que tout est décalé. J'aurais envie d'avoir une maison, une vraie job, mais je suis un peu retardée à cause de [l'accident]. Je ne m'énerve pas, je prends les choses au jour le jour », laisse tomber la jeune femme.

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