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Un mandat pour obtenir de l'information d'un fournisseur Internet

La police doit avoir un mandat pour obtenir de l'information d'un fournisseur Internet
Thomas Jackson via Getty Images

Dans un jugement unanime, le plus haut tribunal du pays statue que la police doit détenir un mandat pour obtenir d'un fournisseur Internet des informations relatives à l'identité d'une personne.

Selon la Cour suprême, l'obtention d'informations sensibles sur une personne de la part d'un fournisseur de service Internet sans détenir de mandat peut en effet constituer une violation de l'article 8 de la Charte des droits et libertés qui protège les citoyens contre les fouilles abusives.

En clair, la Cour suprême affirme que la police doit avoir un mandat pour obtenir le nom, l'adresse et les numéros de téléphone liés à l'adresse IP d'un abonné.

Ottawa accepte le jugement

« De prime abord, on accepte la décision de la Cour suprême », a déclaré le ministre de la Sécurité publique du Canada, précisant qu'il allait « prendre le temps de l'analyser, d'en voir les tenants et aboutissants ». Tout en défendant la volonté de son gouvernement de donner les outils nécessaires aux policiers pour accomplir leur travail, Steven Blaney a ajouté que le projet de loi prendra en compte la décision de la Cour suprême.

Cependant, il existe des cas d'exception, comme le démontre la décision rendue par la Cour.

Dans son jugement, le plus haut tribunal du pays maintient en effet la condamnation d'un homme de la Saskatchewan reconnu coupable de possession de pornographie juvénile après avoir été identifié par des informations livrées à la police, sans mandat, par son fournisseur Internet.

Cette cause a été portée devant la Cour suprême du Canada par cet homme, Matthew David Spencer, qui prétendait que ses droits à la vie privée avaient été violés par son fournisseur Internet, qui a fourni volontairement de l'information à la police permettant de l'identifier.

Accusé et reconnu coupable de possession de pornographie infantile par les tribunaux de la Saskatchewan, l'homme a été identifié par la police après que la compagnie Shaw, son fournisseur Internet, eut communiqué aux enquêteurs l'identité de sa soeur à partir de l'adresse IP reliée à l'ordinateur personnel de cette dernière.

Le policier, qui a obtenu l'adresse de la sœur de M. Spencer, à qui appartenait l'abonnement, a ensuite remonté la filière jusqu'à lui.

Le problème, selon le plaignant, est que l'enquêteur de la police qui s'est présenté chez Shaw Communication n'a eu qu'à demander ces informations et les a obtenues aussitôt, et cela, sans détenir de mandat.

Selon les avocats de M. Spencer, cette preuve qui a permis aux policiers de retrouver et d'incriminer leur client aurait dû être déclarée inadmissible lors de son procès puisqu'elle n'a pas été obtenue dans le cadre des lois prévues et dans le respect de ses droits constitutionnels.

Un nouveau procès pour distribution de pornographie infantile

Un argument que n'a pas retenu la Cour suprême dans ce cas précis. Le tribunal ordonne par conséquent la tenue d'un nouveau procès pour Matthew David Spencer, qui devra répondre cette fois à des accusations de distribution de pornographie infantile puisque les fichiers compromettants qu'il détenait étaient accessibles à d'autres internautes via un site permettant des échanges de fichiers.

« Si la preuve est écartée, le ministère public n'aura effectivement aucun recours à faire valoir. Les éléments de preuve contestés (les fichiers électroniques contenant de la pornographie juvénile) sont fiables et la défense a admis lors du procès qu'ils constituaient de la pornographie juvénile. La société a sans doute un intérêt à ce que l'affaire soit jugée dans le cadre d'un procès juste et équitable, fondé sur une preuve fiable, et encore plus dans le cas d'un crime qui vise la sécurité des enfants », peut-on lire dans le jugement.

Ce n'est pas la première fois que les juges de la Cour suprême sont interpellés sur des questions de droit à la vie privée sur des ordinateurs et appareils électroniques.

En octobre 2012, le plus haut tribunal du pays a statué que la police doit détenir un mandat pour saisir et fouiller le contenu de l'ordinateur d'un employé, et cela, même si l'entreprise remet elle-même l'appareil aux autorités.

Tirs groupés de l'opposition

L'opposition crie déjà à la mort du projet de loi C-13 sur la cyberintimidation, qui donne d'importants pouvoirs aux policiers, estimant que le jugement du plus haut tribunal du pays démontre qu'il sera vraisemblablement jugé contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.

Le gouvernement doit agir, disent les libéraux. « Ça veut dire que le projet de loi [C-13] doit être modifié », a soutenu le député Marc Garneau, car « le danger est qu'on s'en va vers une société où la vie privée des gens n'est pas respectée ».

La décision de la Cour suprême « est une claque au visage aux conservateurs », renchérit le député néo-démocrate Alexandre Boulerice. Il estime que le projet de loi des conservateurs ne respecte pas la Charte et qu'il est voué à l'échec.

Pour Sukanya Pillay, de l'Association des libertés civiles du Canada, il ne fait pas de doute : les conservateurs vont devoir « revenir à la planche à dessin ». « Vous ne pouvez pas faire ça, voilà ce que dit la décision de la Cour suprême », ajoute Sukanya Pillay dans une déclaration à CBC.

Le commissaire à la protection de la vie privée, Daniel Therrien, qui a qualifié de fondamentale la décision de la Cour suprême, avait déjà recommandé que le projet de loi sur la cyberintimidation soit scindé. L'Association du Barreau canadien avait également opté pour cette solution, suggérant un projet de loi distinct pour les aspects d'intimidation en ligne et un autre centré sur les pouvoirs accrus des policiers et l'obtention d'information numérique.

Jeudi, les conservateurs ont écarté plusieurs propositions d'amendements de l'opposition au projet de loi fédérale sur la cyberintimidation.

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