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Prostitution: Ottawa vise les clients et les proxénètes

Prostitution: Ottawa vise les clients et les proxénètes
microgen via Getty Images

Ottawa a présenté mercredi un projet de loi encadrant la prostitution qui cible d'abord les clients et les proxénètes qui vendent et profitent de la prostitution, plutôt que les prostituées elles-mêmes, à l'instar de ce que font les pays scandinaves.

Les anciennes dispositions sur l'interdiction du proxénétisme, invalidées par la Cour suprême du Canada en décembre dernier, ont ainsi été modernisées. Ottawa avait un an pour s'exécuter, s'il le désirait, avant que le jugement n'entre en vigueur, mais il a choisi de s'y atteler rapidement, lançant dès février des consultations publiques en ligne pour connaître l'avis des Canadiens.

« Le projet de loi reconnaît que la grande majorité de ceux qui vendent des services sexuels ne le font pas par choix. Nous considérons que la grande majorité de ceux qui sont impliqués dans la vente de services sexuels sont des victimes », a déclaré le ministre de la Justice, Peter MacKay, lors d'un point de presse à Ottawa.

Le projet de loi, baptisé Loi sur la protection des collectivités et des personnes exploitées, mettrait un accent particulier sur les amendes pour ceux qui achètent des services sexuels dans les lieux publics.

« Aucun modèle qui implique la complète décriminalisation ou légalisation de la prostitution ne la rendra complètement sécuritaire », a indiqué M. MacKay.

Bien que le projet de loi ne vise pas les prostituées, le ministre soutient qu'elles pourraient être poursuivies si elles vendaient leurs services dans des lieux publics où des enfants pourraient être à proximité.

Le ministre a également annoncé une aide de 20 millions de dollars pour permettre aux travailleurs du sexe de quitter ce métier.

Peter MacKay a par ailleurs affirmé mercredi que la loi serait un modèle « fait au Canada » qui « assurerait la protection des femmes ». « Nous allons nous attaquer aux pervers qui achètent du sexe », a-t-il dit, ajoutant vouloir cibler « ceux qui exploitent les personnes vulnérables ».

Ce modèle « fait au Canada » ressemble cependant beaucoup au « modèle nordique » mis en place en Suède, en Norvège et en Finlande, qui criminalise les clients et les proxénètes, mais pas les prostituées.

Un modèle nordique critiqué

Les travailleurs du sexe sont loin d'être en accord avec le modèle nordique, plusieurs étant d'avis que pareille législation les mettrait en danger. Leurs clients réguliers risquant de disparaître pour éviter de se faire arrêter, les prostituées craignent de devoir accepter tous les clients, même ceux qui apparaissent violents ou intoxiqués - et qu'elles auraient auparavant refusé - juste pour pouvoir gagner assez d'argent.

L'escorte indépendante Marylie Savoie estime que le gouvernement Harper, en adoptant ce modèle, fait ainsi des travailleuses du sexe des victimes, et des clients, des agresseurs. « Cela va contre le jugement de la Cour suprême », affirme-t-elle dans un entretien avec Radio-Canada.

« En criminalisant les clients, qui font partie d'ordres professionnels - les dentistes, les pharmaciens, les juges, les avocats, les policiers - il n'y a plus personne qui va venir rencontrer des travailleuses du sexe de peur de se faire arrêter [...] Nos clients ne peuvent pas se permettre d'avoir un dossier criminel de peur de perdre leur emploi », dénonce pour sa part Maya, une autre travailleuse du sexe.

Anna-Aude Caouette, coordonnatrice clinique à l'organisme Stella, estime qu'avec ce projet de loi, les travailleurs du sexe sont plus à risque de violence. « On garde l'industrie dans la clandestinité », dénonce-t-elle.

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