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Domotique: Pourquoi la maison connectée a échoué jusqu'à présent

Pourquoi la maison connectée a échoué jusqu'à présent
ludovgtb via Getty Images

Rapidement lancée, la rumeur s'est aussitôt dégonflée. Le Financial Times avait assuré en début de semaine qu'Apple pourrait présenter une plate-forme logicielle dédiée à la domotique, lors de sa conférence annuelle WWDC. Finalement, le projet serait un chouia moins ambitieux que prévu, comme le rapporte vendredi GigaOm. Selon le site spécialisé, Apple aurait simplement planifié un système de certification "Made for iPhone", à destination des constructeurs tiers.

Qu'est-ce que ça veut dire? Si cette information se confirme, ce label permettrait seulement d'assurer le consommateur que tel ou tel appareil connecté est compatible avec les normes Wi-Fi et Bluetooth de l'iPhone. Un petit logo, à la manière des "CE" ou "Label rouge", certifierait le support de l'objet par l'écosystème Apple. Un peu décevant, même si cela n'interdit pas au géant américain de se lancer avec plus d'ambition dans le secteur.

Imaginez: contrôler votre éclairage, votre chauffage, votre alarme ou toute sorte d'appareils domestiques avec votre iPhone. Le Financial Times avait pourtant l'air bien sûr de son fait. Le quotidien économique se basait sur le constat que plusieurs de ses rivaux, comme Samsung ou Google, avaient déjà avancé leurs pions. Le moteur de recherche s'est notamment offert Nest en janvier dernier, une start-up produisant des thermostats intelligents (ci-dessous). Montant de l'opération: 3,2 milliards de dollars, soit la seconde plus grosse acquisition de son histoire. Preuve que la domotique est en train de faire son trou petit à petit.

La domotique suscite à nouveau de l'intérêt

D'autres acteurs majeurs sont aujourd'hui présents dans le secteur. SFR a lancé cette semaine une nouvelle offre premium, intégrant son programme "Home by SFR". Lancée en 2012, cette solution domotique était jusqu’à présent commercialisée séparément à 10 euros par mois. Désormais incluse dans le gros forfait, l’offre comprend un détecteur de fumée, une alarme, un détecteur d’intrusion, une caméra, le tout connecté à une plate-forme qui se "clipse" à la box, et pilotable à distance via un smartphone ou une tablette.

"La France est très en retard dans la domotique. Il y a un vrai potentiel de croissance sur ce marché. En tant qu’opérateur télécoms, on peut en profiter", estime auprès des Echos Franck Cadoret, le directeur grand public et professionnels chez SFR. L’opérateur s’est associé à Legrand et Philips pour proposer des accessoires connectés. A terme, il pourrait s’ouvrir à de nouveaux partenaires, comme le spécialiste français Netatmo. Le groupe réfléchit aussi à des applications de maîtrise énergétique.

Chez Schneider, on croit également beaucoup l'essor du secteur. Le groupe français, leader mondial des systèmes basse et moyenne tension, a lancé sa propre box en janvier, baptisée "Wiser". Loin de permettre de regarder la télévision ou de surfer sur Internet, elle pilote des radiateurs électriques, des thermostats et autres ballons d'eau chaude depuis son smartphone ou sa tablette. Sur ce créneau, Schneider ne compte pas pour autant faire des étincelles. Le groupe ne compte pas sur plus de 10.000 ventes de Wiser en 2014: le prix est encore assez prohibitif, même pour un fondu de nouvelles technologies. Comptez au moins 700 euros pour la première version, qui nous promet tout de même 10 à 30% d'économies d'énergie.

Google, SFR, Schneider, Legrand, Philips et pourquoi pas Apple. Que des grands noms de l'électronique mais aussi de l'équipement de la maison. Leur intérêt pour la domotique, qui permet de contrôler à distance sa maison, n'est pas nouveau. Ce fantasme remonte au moins aux années 1980, sans que jamais la promesse se soit transformée en quelque chose de tangible.

Un fantasme technologique jamais transformé

Pour quelle raison la domotique n'a jamais percé ? D'abord à cause de la complexité de l'attirail. Les produits commercialisés étaient très peu pratiques. On devait installer un énorme tableau de bord chez soi, puis manipuler une télécommande pleine de boutons. Pire: "Cela nécessitait la pose de câbles dans les murs, et on ne pouvait installer de système domotique que dans une maison neuve, lors de sa construction", explique au Monde Frédéric Potter, le dirigeant de Netatmo.

Google a en son temps cherché à se lancer tout seul. C'était le projet PowerMeter, lancé en 2009, qui permettait d'assurer le suivi de la consommation d'une maison ou d'une petite entreprise. Il s'est arrêté en septembre 2011, bloqué par le peu de succès chez les utilisateurs. Il faut dire que PowerMeter ne fonctionnait qu'avec les détenteurs d'un compteur électrique intelligent. En France, il faudra attendre 2020 pour que les 35 millions de foyers soient équipés des boîtiers Linky.

Preuve que la révolution domotique avance, mais très lentement. À l'époque, Google avait souligné que l'objectif initial d'évangélisation du marché avait tout de même été rempli.

Interface de PowerMeter (cliquez pour agrandir)

Selon un rapport de l’association GSMA (représentant 850 opérateurs de téléphonie mobile), plusieurs facteurs ont contribué pour l’échec de ce projet: des fonctionnalités limitées, un manque d’affichage d’informations en temps réel, mais principalement le manque de connectivité avec d’autres appareils de la maison. La carence d’intégration entre les différents services domotiques (sécurité, gestion de l’énergie, divertissement, santé à la maison, etc.) n’est pas vraiment la faute à Google, mais plutôt le résultat d’une industrie très fragmentée.

Le smartphone prêt à enclencher la révolution

Qu'a-t-il manqué à Google pour faire une percée déterminante? La simplicité d'utilisation, voire la standardisation des équipements. Toutes les autres étoiles étaient alignées: les prix de l'énergie ne cessent de monter et il y a un besoin mondial de réduire l'empreinte carbonne. Si le moteur de recherche n'avait pas la maturité en 2009, la banalisation des smartphones pourrait être cette révolution tant attendue.

Grâce à l'iPhone et ses concurrents Android et Windows Phone, l'industrie du mobile a les cartes en main pour une nouvelle impulsion. Elle permet de créer des interfaces simples, voire très simples, à partir d'applications souvent complexes. Bientôt, on pourra questionner son téléphone et lui dire: "Siri, prépare-moi un bon bain chaud pour mon retour du travail". Et chez Google, on a une vision à long terme.

La SEC, le gendarme de la Bourse américaine, a récemment demandé aux entreprises technologiques d'apporter plus d'informations sur leurs revenus tirés du mobile. Si Facebook et Twitter étaient visés, Google a surpris sa galerie, dans un courrier révélé le 21 mai par le Wall Street Journal. L'entreprise écrit que la définition de la "mobilité" serait amenée à évoluer au fur et à mesure que les appareils se réclamant d'une certaine "intelligence" se diversifieront. Google donne plusieurs exemples éloquents: les lunettes (Glass) ou les montres (Android Wear) ne devraient pas tarder à afficher de la publicité, mais également les tableaux de bord de voitures et, plus surprenant, des... réfrigérateurs.

Si le mythe du frigo commandant tout seul une nouvelle caisse de Coca-Cola pourrait bien devenir réalité, il y a fort à parier qu'une publicité soit à visionner avant de pouvoir se désaltérer. Le même courrier évoque également des liens AdSense (régie publicitaire de Google) sur thermostats. On n'a rien sans rien.

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