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Vers une nouvelle guerre froide en Arctique?

Le ton monte: nouvelle guerre froide en Arctique?

Le ton monte entre le Canada et la Russie au sujet de l'Arctique. Cette région du monde est convoitée pour ses immenses ressources naturelles et pour ses eaux de plus en plus navigables.

Un texte de Raymond St-Pierre

Lors de récents passages à Montréal et à Calgary, Hillary Clinton, ex-secrétaire d'État américaine et probable candidate à la présidence, a mis en garde le Canada contre la Russie. Elle a accusé Moscou de vouloir militariser l'Arctique. Dressant un parallèle avec la situation en Ukraine, elle a demandé aux Canadiens de prêter attention à « l'attitude agressive » des Russes dans cette partie du monde où les deux pays sont voisins.

Mme Clinton parle du fait que le président russe, Vladimir Poutine, a ordonné l'an dernier la réouverture d'installations militaires près des îles de Novossibirsk. Ces installations avaient été abandonnées à la fin de la guerre froide.

Moscou, qui s'intéresse beaucoup à l'Arctique, a aussi envoyé 10 navires de guerre et quatre brise-glaces nucléaires dans la région.

Une militarisation de l'Arctique?

Ekaterina Piskunova, professeure à l'Université de Montréal, croit qu'en agissant ainsi, Moscou veut donner l'image d'un pays capable de préserver ses intérêts, une image qui était passablement ternie depuis une trentaine d'années.

« C'est clair que la Russie fait un retour dans l'Arctique. [...] C'est un retour plus qu'un repositionnement. » — La professeure Ekaterina Piskunova

Joël Plouffe, chercheur à l'Observatoire de la politique et la sécurité de l'Arctique, ne croit pas qu'on assiste à une remilitarisation de l'Arctique, mais plutôt à la modernisation des infrastructures militaires dans les États arctiques. Quant à Rob Huebert, professeur à l'Université de Calgary, il croit qu'il faut « se préoccuper d'un pays comme la Russie, qui a des intérêts opposés aux nôtres, comme en Ukraine, et qui augmente sa présence militaire dans l'Arctique depuis sept ans. »

L'Arctique est l'objet de toutes les convoitises. C'est la nouvelle frontière où le développement devient de plus en plus possible avec la fonte des glaces. Ses réserves pétrolières sont estimées à 90 milliards de barils. On y trouverait aussi 30 % des ressources en gaz de la planète, sans parler des très abondantes ressources minières.

La souveraineté canadienne

Déjà, une rivalité existe entre le Canada et la Russie en Arctique. À l'été 2007, une mission russe a déposé son drapeau bleu, blanc, rouge à 4200 mètres de profondeur, en plein sous le pôle Nord.

Ottawa veut, à son tour, prouver sa souveraineté sur ce même territoire. Le Canada le revendique auprès de l'ONU, et le gouvernement Harper a commandé une étude scientifique pour étayer sa demande.

La défense de la souveraineté canadienne sur l'Arctique et l'affirmation du Canada comme pays nordique sont un pilier de la politique du gouvernement Harper. Le premier ministre s'y rend chaque année, l'armée canadienne y organise de nombreux exercices d'entraînement et on forme des patrouilles de réservistes inuits de la région.

Des passages convoités

Les eaux de l'Arctique sont de plus en plus navigables. La Russie a sa route maritime du Nord, où elle a déployé ses navires de guerre. Le Canada a son passage du Nord-Ouest. Le gouvernement Harper s'est engagé, en 2007, à construire au moins six navires de patrouille pour y contrôler la circulation maritime. Toutefois, le premier de ces navires ne doit être livré qu'en 2018.

Le Canada n'a pas de sous-marin qui puisse opérer sous la calotte glaciaire. Avec la montée des tensions entre l'OTAN et la Russie à propos de l'Ukraine, des experts comme Rob Huebert trouvent que le Canada est, pour l'instant, bien mal équipé pour défendre sa souveraineté au Nord :

« La question est de déterminer si nous avons les outils nécessaires pour savoir ce qui se passe là-bas. Et si on arrive à le savoir, si on apprend qu'il y a des choses qu'on n'aime pas, qui menacent notre sécurité, est-ce qu'on a les moyens de répliquer? C'est un défi encore plus grand. » — Le professeur Rob Huebert

Durcissement de ton

Jusqu'ici, on parlait peu de présence militaire dans cette partie du monde. Les huit pays voisins de l'Arctique, qui y ont des intérêts économiques, collaboraient au sein du Conseil de l'Arctique pour assurer la protection de l'environnement, l'exploitation des ressources naturelles, le trafic maritime. Le Canada en assure la présidence en ce moment, mais depuis les événements en Ukraine, Ottawa a décidé de ne pas participer à une réunion du Conseil à Moscou.

Le Canada a aussi mis fin à toute coopération militaire avec la Russie et il a exercé des pressions pour que la Russie ne fasse plus partie du G8. M. Harper a même décrit la Russie comme une menace pour la paix. Le ton vient de changer, le vent vient de tourner.

« Le flirt avec le danger dans des régions sensibles comme l'Arctique, pour des questions de ressources, de frontières ou d'images, est dangereux. » — La professeure Ekaterina Piskunova

Des experts comme Joël Plouffe et Ekaterina Piskunova font une mise en garde contre la montée de cette rhétorique accusatrice en Arctique, là où on mettait l'accent, jusqu'ici, sur la collaboration.

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