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Commission Charbonneau: SNC-Lavalin n'a pas hésité à plagier son concurrent pour rafler le contrat du CUSM

SNC-Lavalin a plagié un concurrent pour obtenir le contrat du CUSM
CEIC

Le directeur de la conception du CUSM chez SNC-Lavalin Yves Gauthier reconnaît avoir plagié les plans du consortium rival lors du lucratif contrat de construction du Centre universitaire de santé McGill, à la demande de son supérieur Charles Chebl. Ce dernier, qui l'a suivi à la barre, soutient avoir agi sur les ordres de ses patrons Riadh Ben Aïssa et Pierre Duhaime.

Un texte de Bernard Leduc

M. Gauthier reconnaît que c'était de la tricherie d'agir ainsi et qu'il n'était pas « à l'aise avec ça », mais a néanmoins obtempéré. Il a expliqué avoir reçu ces croquis des mains de M. Chebl, en novembre 2009, lors d'une rencontre de son bureau.

M. Chebl, qui était alors responsable pour le consortium SNC-GISM des aspects conception et construction du projet, lui a expliqué que le CUSM avait demandé à leur consortium de modifier leur proposition pour les unités d'hospitalisation, et qu'ils avaient dix jours pour le faire.

M. Chebl lui a alors montré les croquis du concurrent OHL-PCUSM pour ces unités, que préférait alors le CUSM.

« Il m'a demandé de regarder le croquis pour voir si on pourrait en tirer avantage et améliorer nos croquis des unités d'hospitalisation. » — Yves Gauthier

M. Gauthier a pris les croquis et a travaillé avec les architectes de SNC-Lavalin. Les résultats ont alors été envoyés à l'Agence des PPP, comme le voulait la procédure, et seront inclus dans leur proposition de mars 2010 avec laquelle SNC-GISM remportera par la suite le contrat.

D'aucune façon, a précisé M. Gauthier, M. Chebl ne lui a dit que la commande venait de plus haut.

L'ingénieur se confiera par la suite à l'UPAC, à l'automne 2012, lorsque les rumeurs de fraudes entourant le contrat du CUSM lui font croire que cette histoire de croquis pourrait être liée.

Chebl affirme avoir été forcé par Duhaime et Ben Aïssa

M. Chebl, qui a suivi M. Gauthier à la barre, a confirmé que le CUSM, par l'entremise de l'Agence des PPP, avait exigé le 11 novembre 2009 que des changements majeurs soient apportés à leur proposition pour les unités d'hospitalisation qui, telles quelles, posaient des « problèmes fondamentaux de nature cliniques », notamment sur les plans de la fonctionnalité et de la sécurité.

Or, de ces modifications dépendait l'acceptation éventuelle de leur projet. C'est dans les jours qui ont suivi que son supérieur, le vice-président construction Riadh Ben Aïssa, l'a convoqué à son bureau pour lui montrer les croquis de la partie adverse.

M.Chebl soutient n'avoir d'abord eu aucune intention d'utiliser ces croquis, car il croyait au concept de SNC-Lavalin : « Je ne voulais absolument rien faire avec ça ». Il estimait aussi qu'il aurait été suffisant de s'engager à promettre des modifications.

Mais par la suite, pressé par M. Ben Aïssa et le PDG Pierre Duhaime d'intégrer des croquis qui correspondaient aux préférences connues du CUSM dans leur réponse à l'Agence, il a rencontré le directeur général adjoint du CUSM. M. Yanai Elbaz lui alors confirmé la préférence du CUSM pour les croquis d'OHL des unités d'hospitalisation qu'il lui fera par la suite parvenir par courrier.

« J'ai été forcé à le faire. J'ai un patron qui me dit : ''tu fais ça, tu ajoutes un croquis''. » — Charles Chebl

Ces croquis inspiré d'OHL-PCUSM seront par la suite utilisés par SNC-GISM lors du deuxième appel de propositions, relancé par le gouvernement du Québec en janvier 2010.

Or, comme l'avaient souligné devant la commission les enquêteurs de la commission André Noël et Éric Desaulniers : « C'est sur une base de la qualité technique que SNC/GISM va remporter le processus de sélection » en mars 2010.

« Dans mon esprit, on ne faisait rien d'illégal »

La commission est aussi revenu sur la décision unilatérale du directeur général du CUSM de déclarer vainqueur SNC-GISM, en décembre 2009, dans une vaine tentative de forcer la main à Québec.

Or M. Chleb, qui est le représentant officiel du consortium, sait bien que rien ne peut se faire sans la lettre de confirmation officielle de PPP-Québec.

Et pourtant, il a alors accepté, à la demande du CUSM, et sous la pression, dit-il, de MM. Ben Aïssa et Duhaime, de tenir des réunions avec le centre hospitalier pour préparer le matériel promotionnel et discuter de questions techniques.

Il a donc ainsi, en toute conscience, transgressé les règles mêmes des PPP dont il devait assurer le respect, comme l'ont souligné tant le commissaire Renaud Lachance que la juge Charbonneau.

Pourtant, M. Chelb a refusé obstinément de reconnaître ce fait. « Dans mon esprit, on ne faisait rien d'illégal », a-t-il dit, brandissant à sa défense son curriculum vitae et réitérant, une fois de plus, qu'il ne faisait qu'obéir à ses patrons.

« C'était un contexte qui expliquait tout ça… » — Charles Chebl

Des accusations de complot pour fraude, fraude et abus de confiance dans le cadre d'un processus d'octroi du contrat du CUSM pèsent sur Arthur Porter, et son adjoint Yanaï Elbaz, ainsi que sur St. Clair Armitage, de même que sur l'ex-PDG de SNC-Lavalin et son vice-président construction Riadh Ben Aïssa.

MM. Elbaz et Porter se seraient partagé un pot-de-vin de 22,5 millions de dollars de SNC-Lavalin pour l'avoir aidé à obtenir le contrat de 1,34 milliard du CUSM.

Les enquêteurs de la commission André Noël et Éric Desaulniers avaient déjà expliqué que Yanaï Elbaz, avait remis à SNC-Lavalin les croquis du consortium OHL-PCUSM dans le cadre de l'appel de propositions piloté par l'Agence des PPP pour le contrat.

Appelé à la barre des témoins mercredi, le grand patron du consortium OHL-PCUSM, Miguel Fraile Delgado, a aussi dit que c'est Charles Chebl qui lui a demandé de rencontrer Riadh Ben Aïssa à la fin du mois de janvier 2010. Ce dernier aurait profité de la rencontre pour sommer M. Fraile de se retirer du projet, à défaut de quoi, il lui rendrait la vie impossible.

Devant la commission, M. Chelb a soutenu n'avoir été dans tous cela que le messager et n'avoir appris que récemment la teneur de la discussion entre les deux hommes.

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Tony Accurso

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