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Attaques contre la Cour suprême: la juge en chef remet les pendules à l'heure

Attaques contre la Cour suprême: la juge en chef veut rectifier les faits
PC

OTTAWA - Le premier ministre Stephen Harper a refusé de prendre un appel de la juge en chef de la Cour suprême du Canada. Un coup de fil que Beverley McLachlin dit avoir placé pour l'aviser des problèmes potentiels qui pourraient suivre la nomination au plus haut tribunal du pays d'un juge en provenance de la Cour fédérale — comme Marc Nadon.

Stephen Harper a jugé qu'il aurait été «mal avisé et inapproprié» de répondre à son appel.

Mais à la fois le ministre de la Justice Peter MacKay et le chef de cabinet du premier ministre ont été avisés, affirme Beverley McLachlin.

Ainsi, malgré ses démarches, Stephen Harper a nommé le juge Nadon.

Et la crainte de la juge en chef s'est avérée fondée: outre le tollé de protestation des partis d'opposition à Ottawa et du gouvernement du Québec, un avocat a contesté devant les tribunaux le choix de Marc Nadon par le gouvernement Harper.

Amenée ensuite à se pencher sur cette affaire à la demande du gouvernement, la Cour suprême a rendu une opinion en mars dans laquelle elle indiquait que le juge québécois Nadon n'était pas admissible pour occuper sur le banc de la Cour l'une des trois places réservées au Québec.

La juge en chef de la Cour suprême aurait récemment fait l'objet d'attaques de conservateurs hauts placés — qui sont restés anonymes.

Selon ce qu'a rapporté cette semaine le chroniqueur du National Post, John Ivison, ces conservateurs disent qu'elle a milité auprès du gouvernement contre le choix du juge Nadon. Elle aurait aussi répandu le mot que le gouvernement actuel a fait plus de tort que n'importe quel autre à la relation existante entre le Parlement et la Cour suprême.

Selon John Ivison, les conservateurs sont indignés d'une série de revers subis en Cour suprême et sont d'avis que la Cour les empêche de faire des lois.

Jeudi, dans une rare déclaration rendue publique, Beverley McLachlin a décidé de remettre les pendules à l'heure.

Elle se défend ainsi d'avoir milité auprès du gouvernement contre Marc Nadon. Elle nie avoir dit que les troupes de Stephen Harper ont abîmé les relations avec la Cour.

Dans une déclaration écrite pour le National Post mais transmise par la suite à La Presse Canadienne, la juge en chef affirme «qu'elle ne répond pas aux insinuations malveillantes mais qu'elle veut rétablir les faits».

Elle explique qu'elle a bel et bien été consultée par un comité du Parlement au sujet de la dernière liste de candidats et a donné ses vues sur les besoins de la Cour — une étape normale du processus de nomination.

La question de l'admissibilité à la Cour d'un juge de la Cour fédérale «était bien connue dans les cercles juridiques et légaux», est-il écrit. «Vu l'impact institutionnel sur la Cour», Mme McLachlin affirme avoir avisé le ministre de la Justice, Peter MacKay, du problème potentiel — avant le choix final du candidat. Son bureau a aussi avisé le chef de cabinet du premier ministre, Ray Novak, dit-elle.

«La juge en chef n'a exprimé aucune opinion sur les mérites de ce questionnement», est-il écrit dans la déclaration.

Elle n'a fait que relever un problème possible, affirme-t-elle. Et ne s'est pas prononcée sur le juge Nadon.

Le premier ministre s'est lancé dans la controverse jeudi en début de soirée.

«Le Premier ministre ou le ministre de la Justice n'appellerait jamais un juge en exercice au sujet d'une affaire qui est portée devant son tribunal ou qui pourrait éventuellement l'être», a déclaré le premier ministre dans un courriel — à apparence de rebuffade — envoyé par son directeur des communications.

«La juge en chef a pris l'initiative de téléphoner au ministre de la Justice. Après que le ministre a reçu l'appel, il a avisé le Premier ministre qu'étant donné le sujet dont la juge en chef souhaitait discuter avec lui, il serait mal avisé et inapproprié de sa part de répondre à son appel téléphonique. Le Premier ministre s'est montré d'accord et n'a pas répondu à l'appel», est-il écrit par la suite.

Stephen Harper et ses ministres n'en démordent toujours pas et défendent encore leur choix: la nomination de M. Nadon était tout à fait valide, et celui-ci était plus que qualifié. Ils rappellent qu'ils ont obtenu l'opinion de deux anciens juges de la Cour suprême et celle d'un constitutionnaliste réputé, Peter Hogg, pour savoir si le juge Nadon pouvait siéger au plus haut tribunal canadien.

Pour la Cour suprême toutefois, un juge de la Cour fédérale est trop déconnecté du droit civil québécois et des enjeux des citoyens du Québec pour occuper l'une des trois places réservées aux juges de cette province.

Les partis d'opposition à Ottawa désapprouvent ces attaques contre la Cour. Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, trouve décevant que cette institution, essentielle à la démocratie, soit ainsi dénigrée.

«C'est dommage parce que le public canadien à la fin de la journée, il n'a que nos institutions démocratiques sur lesquelles il peut se fier».

«Lui (Stephen Harper) voit toujours une conspiration dès que quelqu'un ose lui dire non. La Cour suprême lui dit non parce qu'il comprend rien aux droits fondamentaux et son ministre de la Justice ne comprend rien à la Constitution», a raillé M. Mulcair.

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