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Procès Dupuis: comptabilité créative au su et vu de la direction syndicale

Procès Dupuis: comptabilité créative au su et vu de la direction syndicale
CEIC

MONTRÉAL - La haute direction de la FTQ-Construction était bien au fait des dépenses extravagantes de son ex-directeur général, Jocelyn Dupuis, et fermait les yeux car les sommes réclamées en trop «allaient au bien-être des travailleurs» de la centrale.

C'est ce qu'a soutenu, en défense, l'ex-secrétaire du conseil exécutif de la FTQ-Construction, Alain Pigeon, lors de son témoignage, mercredi, au procès pour fraude et fabrication de faux de M. Dupuis, au palais de justice de Montréal.

La question des comptes de dépenses de M. Dupuis n'a été soulevée qu'à une reprise durant les trois ou quatre ans où M. Pigeon était secrétaire, et le président de la centrale, Jean Lavallée, avait alors déclaré qu'il était en accord avec cette façon de faire, qu'il ne fallait plus en parler et que M. Dupuis faisait un bon travail.

Avant de devenir secrétaire, M. Pigeon avait mis sur pied un nouveau local pour les ferblantiers. L'une de ses fonctions était d'emmener les employeurs au restaurant afin de les inciter à favoriser les syndiqués de la FTQ lors du maraudage.

Certains de ces repas lui ont été remboursés en argent liquide par Jocelyn Dupuis sans que ce dernier ne réclame la moindre pièce justificative.

Il a aussi raconté que Jocelyn Dupuis et Robert Paul, le directeur des opérations, versaient constamment des sommes en argent comptant pour payer les repas de militants sur les piquets de grève et lorsqu'ils assuraient la sécurité lors de manifestations.

L'une de ces dépenses consistait parfois à acheter comptant des morceaux de bois (2X4) destinés en principe à tenir des pancartes, mais qui pouvaient aussi servir «d'armes», selon son expression.

En contre-interrogatoire, le procureur de la Couronne, Me Jacques Dagenais, a déposé les états financiers de la centrale, qui démontrent que plus de deux millions $ ont été versés en 2007 pour les manifestations et négociations, le soutien aux affiliés et la campagne de maraudage. Me Dagenais a demandé pourquoi, dans ce cas, il était nécessaire de fabriquer de faux reçus et de gonfler des factures pour verser de l'argent comptant. M. Pigeon a répondu qu'il s'agissait d'une «méthode comptable».

Jocelyn Dupuis a réclamé pour quelque 225 000 $ de dépenses, surtout en frais de restaurant, entre décembre 2007 et novembre 2008. Il a été établi qu'une portion importante de ces réclamations étaient appuyées par des reçus écrits de la main de Jocelyn Dupuis lui-même et que plusieurs reçus étaient soit fictifs, soit sévèrement gonflés.

Dans son témoignage, Alain Pigeon est allé jusqu'à affirmer qu'il connaissait Jocelyn Dupuis depuis une dizaine d'années, que celui-ci «n'a jamais mis une cenne noire dans ses poches» et que tout ce qu'il a fait l'a été «pour le bien des travailleurs».

Le deuxième témoin de la défense, le vice-président de l'exécutif Richard Grondin, a utilisé exactement les mêmes mots lorsqu'est venu son tour à la barre, ajoutant qu'il le jurait sur la tête de ses quatre enfants.

M. Grondin a raconté que souvent, Jocelyn Dupuis et lui rencontraient des entrepreneurs au restaurant La Mise au jeu du Centre Bell avant des matchs de hockey, que les rencontres se poursuivaient «entre les périodes» et que Jocelyn Dupuis payait toujours la note.

MM. Grondin et Pigeon ont tous deux affirmé que l'ensemble des directeurs de la FTQ-Construction n'avaient jamais mis en doute les comptes de dépenses de Jocelyn Dupuis parce qu'ils avaient une confiance aveugle en lui. M. Pigeon a ajouté qu'il était convaincu que tous savaient que ces comptes n'étaient pas vraisemblables car «il fallait être aveugle pour ne pas comprendre ce qui se passait», a-t-il dit.

Les deux hommes ont par ailleurs confirmé qu'à l'automne 2008, Jocelyn Dupuis avait refusé une offre d'un million $ du président de la centrale, Jean Lavallée, pour quitter ses fonctions alors que son poste était contesté, préférant demeurer en poste jusqu'au congrès de novembre.

Tant Richard Grondin qu'Alain Pigeon ont reconnu que tout le système avait été assaini et les comptes de dépenses régularisés, après que le scandale eut éclaté dans les médias et que le président de la FTQ, Michel Arsenault, eut fait pression sur la FTQ-Construction pour éliminer les irrégularités.

Richard Grondin, qui doit être contre-interrogé jeudi, s'en est particulièrement pris au divulgateur Ken Pereira, qu'il a qualifié de «bibite», l'accusant d'avoir provoqué le scandale en marge d'une lutte de pouvoir entre deux clans au sein de la centrale.

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