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Espagne: un «Saint Graal» victime de son succès

Un «Saint Graal» espagnol crée la polémique
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La basilique de San Isidoro de Leon, dans le nord de l'Espagne, abrite-t-elle depuis dix siècles, à l'ombre de ses voûtes romanes, le légendaire Saint Graal? La spectaculaire révélation de deux chercheurs espagnols, digne d'un roman médiéval, était balayée mardi par plusieurs experts.

Face à l'afflux de curieux qui se sont précipités dans le musée de la Basilique, où la coupe était exposée sous une vitrine de verre, la direction l'a retirée et les visiteurs devront provisoirement se contenter d'admirer une copie. A l'origine de cette fébrilité, les travaux de deux historiens espagnols affirmant que la basilique San Isidoro abrite depuis dix siècles le calice dans lequel le Christ a bu lors de son dernier repas et qui a ensuite recueilli son sang, un objet de légende porteur de l'un des grands mythes de l'Histoire.

«Une invention littéraire du XIIe siècle»

«La légende du Graal est une invention littéraire du XIIe siècle, sans aucun fondement historique», tranche Carlos de Ayala, professeur d'Histoire médiévale à l'Université autonome de Madrid. «On ne peut pas trouver ce qui n'existe pas», ajoute-t-il. Therese Martin, historienne médiévale au Centre national de recherches scientifiques, relève elle aussi que «parmi les spécialistes du Moyen Âge, il est d'usage de comprendre les légendes du Graal de manière plus symbolique qu'historique».

Orné d'or et de pierres précieuses, formé de deux coupes réunies par le pied, le calice de la basilique San Isidoro était connu depuis des siècles comme celui de Doña Urraca, fille de Ferdinand 1er le Grand, roi de Leon de 1037 à 1065. Mais la découverte en 2011 de deux parchemins égyptiens, suivie de trois années de recherches, ont conduit Margarita Torres, professeur d'histoire médiévale à l'université de Leon, et José Miguel Ortega del Rio, historien de l'art, à affirmer que le calice de la princesse espagnole était bien celui de la Cène.

Depuis les années 1050, la basilique San Isidoro abrite «le calice qui, depuis les quatrième ou cinquième siècle, est considéré par les communautés chrétiennes de Jérusalem comme celui du dernier repas», déclarait à l'AFP Margarita Torres.

Le cadeau d'un émir

Seule sa partie supérieure, une coupe en agate, expliquait l'historienne, constitue la relique légendaire, restée durant sept siècles dans l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem et finalement offerte à Ferdinand 1er, alors l'un des plus puissants souverains de la chrétienté espagnole, par un émir arabe d'Espagne qui voulait sceller la paix avec lui.

Selon les historiens, qui viennent de publier un livre, Les rois du Graal, il existe, en Europe seulement, environ 200 coupes supposées être le Saint Graal, dont une est conservée à Valence, dans l'est de l'Espagne. Affirmant se fonder sur des recherches d'une grande rigueur, les deux historiens expliquent que, selon les parchemins égyptiens, il manque un éclat sur le calice du Christ, tout comme sur celui de Doña Urraca.

C'est la princesse espagnole qui, au XIe siècle, aurait donné son visage actuel à la coupe, à l'origine un simple récipient de pierre, en l'ornant avec les pierres précieuses de ses propres bijoux, raconte Margarita Torres. «Si les rois de Leon avaient cru détenir le Saint Graal, il devrait exister des documents datant de la seconde moitié du 11e siècle, contemporains de la fabrication de l'armature d'or et de pierres», souligne Therese Martin.

Certains visiteurs sont sceptiques

«Le livre nous révèlera peut-être de nouvelles sources passées inaperçues jusqu'à présent. Mais même si l'infante Urraca a cru que l'un des gobelets formant le calice était le Graal, un tel concept serait difficile à soutenir de nos jours», ajoute-t-elle. Le musée, quoi qu'il en soit, va devoir trouver une place plus adaptée pour le calice. «Il se trouvait dans une très petite salle et il n'était pas possible de l'admirer pleinement», explique sa directrice, Raquel Jaen.

«Certains des visiteurs sont sceptiques, d'autres viennent par curiosité et d'autres encore envisagent la possibilité» que le calice soit authentique, raconte-t-elle. Néanmoins, selon elle, l'annonce est d'une grande importance, «pour le musée comme pour la ville». «La recherche s'est basée pour beaucoup sur des méthodes scientifiques. Il appartiendra aux autres d'évaluer ces conclusions et de dire si elles sont valides ou non.»

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