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Salon du livre de Paris 2014 : polémique autour des écrivains argentins invités

Polémique au Salon du livre de Paris 2014
AFP

Rendez-vous de la planète littéraire, le Salon du livre de Paris ouvre ses portes ce vendredi 21 mars et met à l'honneur l'Argentine, creuset de l'une des littératures les plus créatives et prolifiques d'aujourd'hui. Forte d'une quarantaine de romanciers, essayistes, scénaristes, auteurs de BD ou dramaturges, la sélection officielle a pourtant déclenché controverse dans la presse argentine.

Le problème? Les talents mis en avant par le Salon auraient été "choisis" par la présidente Cristina Kirchner en fonction de leur couleur politique. Résultat, la délégation apparaît comme une "mission diplomatique" privée des plumes les plus critiques envers le gouvernement.

Des auteurs opposés à Kirchner ont-ils été délibérément exclus de la liste des invités? Plusieurs écrivains le pensent et dénoncent cet état de fait dans les médias argentins. Une controverse que le Commissaire général du Salon Bertrand Morisset et le secrétariat à la Culture argentin se sont empressés de réfuter, le premier confiant au Nouvel Obs:

"Ce sont des mensonges, il n’y a eu en aucune manière une pression ou des choix politiques. Et puis ces chamailleries locales ne nous concernent pas."

Symptomatique

Toute cette agitation n'est que le reflet de la relation conflictuelle entre le pouvoir incarné par les Kirchner -de Nestor à Cristina- et les intellectuels. Dans l'oeil du cyclone, on trouve par exemple l'auteur Ricardo Piglia, un des invités les plus prestigieux, professeur à l’Université de Princeton et symbole de cette littérature hispano-américain contemporaine.

Alors que son roman Pour Ida Brown sort en France, Piglia a renoncé à venir pour des "raisons littéraires" a-t-il déclaré dans le quotidien argentin Clarín.

Preuve que le débat est loin d'être apaisé, la réponse cinglante de Bertrand Morisset dans El País: "La politique de la chaise vide, c'est de la lâcheté. Si Piglia veut critiquer Kirchner, qu'il vienne à Paris. Ici, il n'y a pas de censure. Il avait accepté l'invitation mais demandait des conditions dignes d'une rockstar."

Ironie de l'histoire, le Salon célèbre cette année le centenaire de la naissance de Julio Cortázar, figure emblématique des lettres argentines, qui s’était installé à Paris, en exil, parce qu’il ne supportait pas l’ambiance du régime péroniste (dont s'inspire en partie aujourd'hui le gouvernement de Kirchner).

Dans Le Monde, Paulo A. Paranagua rappelait un vieux slogan péroniste "espadrilles oui, livres non" symbole de l'anti-intellectualisme de l'époque:

"Les détracteurs du régime étaient inscrits sur des listes noires et condamnés à l’exil ou à l’ostracisme. Le cas de Jorge Luis Borges devait servir d’exemple: l’écrivain avait été transféré de son poste de bibliothécaire à celui d’inspecteur de volailles sur les marchés."

Si Cristina Kirchner, chef de file du Parti justicialiste, s'est battu contre cet héritage, en poursuivant une politique culturelle beaucoup plus ouverte, elle semble avoir gardé une dent contre certains écrivains d'opposition.

"Un intellectuel qui profère une critique est mis au ban"

En Amérique Latine, la dernière génération d’auteurs nés dans les années 1970 n'a peut être pas été témoin direct du contexte de la violence politique mais le souvenir ou l’écho des horreurs des dictatures est encore prégnant. Les auteurs argentins ne font pas exception confiait la romancière Laura Alcoba -invitée du Salon- à l'AFP. S'ils restent hantés par la dictature, "une nouvelle génération interroge désormais l'humain et tend vers l'universel", a-t-elle expliqué

L'auteur juge "excessive" la polémique outre-Atlantique sur la sélection des auteurs invités à Paris mais reconnaissait sur France Inter "qu'il était très probable que des évictions aient eu lieu dans cette délégation pour des raisons politiques."

"Il y a une polarisation politique extrême de la société argentine. Mais ce n'est pas une liste d'écrivains 'officiels' et certains ne sont pas du tout proches du régime", poursuit-elle, soulignant ensuite les oublis "regrettables", tels Rodrigo Fresan, Eduardo Berti ou Martin Caparros, dans la liste des invités.

Polémique mise à part, le Salon sera l'occasion pour le public français de découvrir une pléiade d'écrivains talentueux dont regorge le géant sud-américain, tels Elsa Osorio, Pablo De Santis, Oliverio Coelho, Lucia Puenzo ou Leandro Avalos Blacha, tous présents à Paris. Un hommage sera aussi rendu à l'auteur de BD Quino, créateur de la petite héroïne Mafalda il y a cinquante ans.

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