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Bilan du pape François: qu'a-t-il vraiment fait en un an?

Un an après, le bilan du pape François
AFP

Il y a bien longtemps que la fumée blanche s'est dissipée dans le ciel romain. Mais un an après l'élection de François, le 13 mars 2013, une chose n'a pas changé: la popularité immense dont jouit le pape argentin. Personnalité de l'année selon le magazine Times, des comptes Twitter suivi par des millions d'internautes, une cote d'amour à faire pâlir tous les hommes politiques, il a même été dessiné en Superman.

"Il a rendu l'Eglise catholique plus aimable, plus surprenante, moins figée, plus ouverte; il dessine une Eglise qui intéresse davantage les chrétiens éloignés comme les non-chrétiens", résume dans le Monde Jean-Yves Grenet, chef de file en France des jésuites, dont le Pape est un éminent représentant.

Il est vrai qu'il a révolutionné la communication du Vatican et avec elle, l'image qu'il renvoie de la religion catholique. Un virage qu'il doit en grande partie à son directeur de la communication, Greg Burke. Finis les déplacements en grosses berlines, les souliers rouges et les appartements du palais apostolique. François est revenu à un mode de vie plus frugale, moins bling-bling à la résidence Sainte-Marthe.

"Je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres", avait-il résumé à des journalistes, trois jours après son élection, comme s'il voulait déjà placer son pontificat sous un signe nouveau.

De ces douze premiers mois, on se rappelle aussi de l'une des toutes premières phrases: "Priez pour moi", lança-t-il à la communauté catholique réunie place Saint-Pierre, le jour de son élection. Un changement radical d'approche confirmé depuis dans ses prises de parole. "Il a beaucoup plus le sens du pardon et de la compassion, il est davantage dans l'indulgence, notamment lorsqu'il dit qu'il ne faut pas juger son prochain", analyse la journaliste Caroline Pigozzi, qui vient d'ajouter trois chapitres à son livre Ainsi fait-il, coécrit l'an passé avec le père Henri Madelin.

Mais derrière ces postures, le véritable bilan du Pape François ne déclenche pas autant de louanges. Et même s'il n'est en poste que depuis douze mois, certains commencent déjà à douter de ses véritables capacités à changer l'Eglise catholique.

Pas de révolution doctrinale à attendre

Commençons par les questions doctrinales, celles qui ont suscité un élan dans le monde entier il y a un an. En passant après Benoit XVI présenté comme très conservateur, François semblait marquer une rupture. Du moins dans les mots: n'a-t-il pas dit "qui suis-je pour juger", au sujet de l'homosexualité. Ce sujet illustre parfaitement sa stratégie de communication faite de sorties choc mais sans réel lendemain. Car si cette phrase laissait entendre qu'un changement des mentalités il appelle toujours les gouvernements à ne pas ouvrir le mariage aux couples homosexuels et demande d'abroger les lois quand elles existent.

"Il veut engendrer la réflexion. C'est un peu comme quand quelqu'un dit on verra. En réalité ça veut dire non mais au moins il suscite le débat et peut calmer les velléités", décrypte Caroline Pigozzi.

Idem sur la place des femmes au sein de l'Eglise: il entend l'aspiration des catholiques qui souhaitent leur voir jouer un rôle plus actif mais il n'est pas prêt à tout. Il a donc dit oui à une réflexion pour en nommer certaines à la tête de ministères (en charge des laïcs, de l'éducation et de la famille...). Mais François a dit et redit qu'il n'est pas question d'ordonner une femme prêtre.

C'est que dans les faits, malgré toute la bonne volonté qu'il tente d'afficher, les mouvements sont freinés par une Curie masculine et conservatrice. Des observateurs pensent même qu'il ne faut pas se faire d'illusion, y compris sur l'issue de la grande consultation sur la famille qu'il a récemment lancée. "Je pense qu’on fait les grandes réformes durant la première année de son mandat. Or cette année vient de s’achever. (...) Ces réformes ne pourront pas être menées", estime Odon Vallet, historien des religions sur 20 Minutes.

Et puis, rappelle Caroline Pigozzi, "n'oublions pas que le pape François est le chef de l'Eglise, il y a des sujets sur lesquels il ne peut tout simplement pas avancer". Il en va ainsi pour l'euthanasie, l'avortement ou la contraception, autant de questions sur lesquelles un changement de doctrine n'est pas à l'ordre du jour.

La Curie se réforme par petites touches

Les avancées les plus notables sont en réalité à chercher à Rome. Là encore pas de révolution ni changement à toute vitesse. "Les bonnes choses exigent du temps. Nous engageons l’avenir donc nous ne pouvons pas improviser. Ceux qui improvisent sont plus sujets aux erreurs. Et il faut du temps pour assimiler une autre mentalité, ce qui n’est pas facile", explique à la Croix le cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, un proche conseiller du Pape.

Caroline Pigozzi le dit autrement mais le constat est le même: "La Vatican est une vieille structure et il a beaucoup de mauvaises volontés. Au Vatican, certains n'ont pas envie de se tirer une balle dans le pied donc s'ils peuvent faire traîner les choses, ils ne s'en privent pas", explique précise la journaliste.

François a tout de même pris des décisions importantes, en n'oubliant pas qu'il venait -et c'est historique- d'un autre continent que l'Europe. Parmi les 16 nouveaux cardinaux qu'il a nommés en février, une grande majorité viennent d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine, trois régions où la religion catholique a une autre vitalité qu'en Europe. Et tous ont moins de 80 ans.

Un ministère de l'Economie créé, la Banque du Vatican réformée?

Au plus près de lui aussi, les changements sont significatifs. A l'automne dernier, il a nommé huit prélats chargés d'élaborer à ses côtés, comme un gouvernement pourrait le faire, la très attendue réforme de la Curie. Ce C8 (en référence au G8 qui réunit les grandes puissances internationales) a déjà formulé des propositions qui se sont traduites par la création de plusieurs entités. Un ministère de l'Economie a été créé et la tâche confiée au cardinal australien George Pell.

Il sera assisté par un conseil pour l'Economie lui aussi nouvellement créé. A l'intérieur de celui-ci, figurent deux Français: un religieux (le cardinal Ricard) et un laïc, Jean-Baptiste de Franssu, expert en gestion d'actifs.

En ligne de mire de ces conseils, la réforme de la banque du Vatican, accusée d'opacité voire de permettre le blanchiment d'argent. "Se couper un bras est, je crois, le type de chirurgie que nous éviterons", répond à la Croix le cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga quand on lui demande si le Pape est prêt à supprimer l'établissement.

"Le seul changement à attendre, c’est la réforme administrative et financière au Vatican mais celle-ci échappe au grand public", confirme Odon Vallet. Pour le reste, "il faudra attendre François II, Benoît XVII ou Jean Paul III", souligne-t-il très non sans malice.

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