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Fatima Houda-Pepin dépose son projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État

Fatima Houda-Pepin dépose son projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État
PQ

L'ancienne députée libérale devenue indépendante, Fatima Houda-Pepin, a déposé mercredi à l'Assemblée nationale un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État.

La députée, qui se dit une musulmane « pour la neutralité religieuse de l'État et pour le dialogue des religions », a présenté un texte législatif qui prévoit que l'interdiction de signes religieux ostentatoires ne s'applique qu'aux employés de l'État en position d'autorité, c'est-à-dire les juges, les procureurs, les policiers et les agents correctionnels.

Le projet de loi préconise aussi le retrait du crucifix de l'Assemblée nationale. Il demande au premier ministre un rapport annuel sur des recherches relatives à l'intégrisme religieux dans la société québécoise.

Ce projet de loi :

- impose à tout employé de l'État l'obligation de faire preuve de neutralité religieuse dans l'exercice de ses fonctions;

- interdit à toute personne en autorité contraignante, notamment un juge, un procureur, un policier ou un agent correctionnel, de porter un signe religieux ostentatoire dans l'exercice de ses fonctions;

- interdit en outre le port du tchador, du niqab ou de la burqa par un membre du personnel de l'État.

Mme Houda-Pepin propose aussi la création d'un centre de « recherche action » qui ira sur le terrain pour documenter comment, à l'heure actuelle, l'intégrisme affecte la démocratie québécoise.

« On m'a menti »

En conférence de presse, après avoir déposé son projet de loi, l'ancienne députée du Parti libéral est revenue sur ce qu'elle a vécu au sein du PLQ depuis le début du débat sur la laïcité, parlant de moments « assez difficiles ».

« Je n'ai jamais pensé que je pourrais être traitée de la sorte au Parti libéral du Québec », a déclaré Mme Houda-Pepin, avant de peindre un portrait bien peu flatteur de son ancien chef Philippe Couillard.

Mme Houda-Pepin affirme qu'elle a eu plusieurs échanges avec M. Couillard au sujet du débat, puis qu'elle s'est rendu compte qu'il lui avait menti.

« Le problème avec M. Couillard, c'est qu'il vous dit blanc aujourd'hui, puis il vous dit noir demain, et pour lui, c'est normal. Alors vous êtes comme désorienté. »

— Fatima Houda-Pepin

La députée indépendante a comparé le leadership de Philippe Couillard à celui de Jean Charest, précisant que si elle avait déjà eu des divergences avec l'ancien chef du PLQ, cela c'était toujours réglé après discussion.

Elle dit aussi que Philippe Couillard n'a jamais voulu tenir de discussion avec son caucus au sujet des symboles religieux et de la neutralité religieuse de l'État.

Elle explique que depuis le dépôt du projet de loi 60 sur la charte des valeurs par le gouvernement, elle est restée silencieuse parce qu'elle jugeait que la question devait être réglée à l'interne. Mais elle dit avoir pris conscience que M. Couillard n'était pas ouvert à la discussion et qu'il a imposé sa position aux membres de son caucus. Selon elle, cette manière de faire a causé des problèmes aux membres du caucus qui ont ensuite dû défendre publiquement cette position sans avoir été adéquatement préparés.

Mme Houda-Pepin raconte par exemple qu'à un moment, elle s'est fait prier avec insistance par le directeur de cabinet de M. Couillard pour qu'elle aille confronter le ministre Bernard Drainville, responsable du dossier de la charte des valeurs, dans les médias. « Il m'a dit : regarde, ton collègue, Marc Tanguay, il n'est pas capable de lui faire face. Il faut que tu ailles l'aider ».

« Je lui ai dit : pourquoi est-ce que mon collègue n'est pas capable de faire face à Bernard Drainville? Parce que vous l'avez envoyé à la guerre sans les outils, sans les armes. Il n'a jamais été préparé, cet homme-là, pour faire face à toutes les demandes, à toutes les subtilités de ce débat. Parce qu'au Parti libéral, on a fait l'économie de ce débat. »

— Fatima Houda-Pepin

En novembre dernier, Marc Tanguay avait affirmé que le Parti libéral accueillerait sans problème parmi ses élus une femme portant le tchador, une sortie que Mme Houda-Pepin a qualifiée « d'insupportable » pour elle.

Or, la position de Marc Tanguay, dit-elle aujourd'hui, n'a jamais été abordée au sein du caucus libéral. « Le problème, c'est cela : on s'est fait l'économie de ce débat, on s'est mal préparé, puis on sort dehors et on dit des affaires qui n'ont pas d'allure. »

Un compromis est possible

Fatima Houda-Pepin croit qu'un compromis dans le débat sur les symboles religieux et la laïcité est encore possible. « Moi, je le cherche dans l'intérêt du Québec, pas dans l'intérêt de la prochaine campagne électorale. »

« L'image dont j'ai toujours rêvé dans ce débat, c'est de voir Pauline Marois, Philippe Couillard, Françoise David, François Legault assis autour d'une même table en train de se dire : c'est quoi le minimum et le maximum sur quoi on peut aller. »

— Fatima Houda-Pepin

Le gouvernement de Pauline Marois a manifesté une certaine ouverture à l'égard du projet de loi présenté par Mme Houda-Pepin, par l'intermédiaire de son ministre Bernard Drainville.

« Si Mme Houda-Pepin a de bonnes idées pour améliorer le projet de charte des valeurs, on ne va certainement pas s'en priver. »

— Bernard Drainville, ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne

Rappelons que Fatima Houda-Pepin avait été exclue du caucus libéral le 21 janvier dernier. Le chef Philippe Couillard lui avait lancé un ultimatum relativement à la position de sa formation politique sur la charte des valeurs : soit la députée se ralliait aux troupes libérales sur cette question, soit elle quittait le PLQ.

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