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«La photographie de la ville arabe au 19e siècle» au CCA : à bas les idées reçues

«La photographie de la ville arabe au 19e siècle» au CCA : à bas les idées reçues
Centre canadien darchitecture

Il paraît qu’une image vaut mille mots. Dans ce cas, disons que les photographies qui composent la nouvelle exposition du Centre canadien d’architecture (CCA), intitulée «La photographie de la ville arabe au 19e siècle», en valent des millions. À travers une cinquantaine de clichés d’époque qui vont du Caire à Damas, le public est invité à venir découvrir une histoire fascinante où l’Europe enfermée dans ses convictions de supériorité refuse de voir dans la ville arabe une organisation urbaine complexe.

Une mise en contexte s’impose d’emblée. Le 19e siècle voit la naissance de la photographie. Une période faste durant laquelle de nombreux photographes (amateurs, pèlerins, scientifiques ou commerçants) entreprennent des voyages dans des contrées lointaines. «Ils reviendront avec de nombreux clichés provenant surtout du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, explique en entrevue Jorge Correia, commissaire de l’expo inaugurée hier. L’Occident va alors privilégier les photos dont la représentation de ces régions visitées est négative, nourrissant une perception caricaturale du monde islamique.»

À cette époque, l’Europe virevolte entre l’Orientalisme – courant artistique qui fantasme sur l’exotisme des pays arabes avec ses palais et ses tapis volants – et un fort sentiment d’arrogance vis-à-vis de ces régions qu’elle considère habités par le désordre et l’insalubrité. «Une vision tronquée qui va permettre aux puissances européennes emplies de condescendance d’aller envahir des peuples jugés inférieurs. N’oublions pas qu’on est à l’apogée du colonialisme», raconte le commissaire invité.

Ainsi, les salons du 19e siècle s’amusent à entretenir les stéréotypes. «Il existait déjà une panoplie de photos, mais les plus en vogue sont celles qui nourrissent l’imaginaire du public comme les déserts et ses chameaux, les femmes du harem ou Les Mille et une nuits», précise-t-il.

En fait, les images peu populaires à l’époque sont celles qui ont aujourd’hui intéressé Correia. «C’est l’exposition qui aurait dû avoir lieu il y a 150 ans, car elle lève le voile sur de nombreux aspects, dont la reconnaissance chez l’autre d’une véritable structure urbaine», explique-t-il.

S’ouvrir l’esprit à la différence

D’origine portugaise, le commissaire se passionne sur les villes arabes depuis un voyage au Maroc entrepris dans le cadre de ses recherches. Aujourd’hui, professeur associé de l’école d’architecture de l’Université de Minho au Portugal, l’éminent spécialiste en histoire de l’architecture et de l’urbanisme à sélectionner une cinquantaine de photographies tirée de la riche collection du CCA.

«J’ai retenu des images qui déstructurent le discours occidental de la rue arabe, qui à la différence des cités d’Europe, fait une nette distinction entre le territoire public (profane) et privé (sacré) d’après les préceptes de la culture islamique», dit-il.

L’exposition ne remet pas seulement les pendules à l’heure, elle pose aussi la question fondamentale du regard que l’on porte sur la différence. «Au 19e siècle, les Occidentaux n’ont jamais fait l’effort de savoir comment fonctionnaient les villes du monde arabe. En fait, ce n’était pas dans leur intérêt de réagir autrement», ajoute-t-il.

Selon Correia, les photographies exposées participent à un travail d’éducation historique puisqu’elles viennent combattre des préjugés qui demeurent. «Malgré 150 ans qui nous séparent des Européens de l’époque coloniale, je crois que certaines peurs subsistent. Au fond, sommes-nous aussi tolérants et ouverts qu’on le prétend ou bien demeurons-nous aussi distants envers l’inconnu?»

La photographie de la ville arabe au XIXe siècle – Centre canadien d’architecture – 1920 Rue Baile, Montréal – du 30 janvier au 25 mai 2014.

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