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Forum de Davos : comment les altermondialistes sont passés de la contestation extrême au désintérêt

Davos : comment les altermondialistes sont passés de la contestation extrême au désintérêt
Swiss police walk outside of the Congress Center where the World Economic Forum will take place in Davos, Switzerland, Tuesday, Jan. 21, 2014. The world's financial and political elite will head this week to the Swiss Alps for the 2014 gathering of the World Economic Forum at the Swiss ski resort of Davos. (AP Photo/Michel Euler)
ASSOCIATED PRESS
Swiss police walk outside of the Congress Center where the World Economic Forum will take place in Davos, Switzerland, Tuesday, Jan. 21, 2014. The world's financial and political elite will head this week to the Swiss Alps for the 2014 gathering of the World Economic Forum at the Swiss ski resort of Davos. (AP Photo/Michel Euler)

S'il y a bien des heureux à Davos, ce sont les policiers du discret canton suisse des Grisons. Qu'il est loin le temps où les forces de l'ordre devaient retenir les casseurs cagoulés, les banderoles anticapitalistes ou les débordements anarchistes. L'an passé, les 5000 policiers à assurer la sécurité du World Economic Forum (WEF) - incluant les soldats de milice et les renforts des cantons limitrophes et du Liechtenstein - semblaient en sureffectif. Sans compter les 1400 agents de sécurité engagés par l'organisation, la douzaine de chiens de protection, les forces aériennes effectuant des vols de surveillance...

Le forum s'ouvre ce mercredi 22 janvier dans une relative indifférence pour sa 44e édition. Les très riches et très puissants participants de la réunion sont attendus pour discuter du "remodelage du monde", thème à l'honneur cette année. On pourra y croiser David Cameron, le premier ministre britannique, Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, mais aussi des grands patrons comme Lakshmi Mittal (ArcelorMittal) ou l'habitué Bill Gates. François Hollande ne fera pas le déplacement, mais n'aurait de toute façon pas assisté à des débordements. Que sont devenus les manifestants d'antan?

On se souvient des efforts des altermondialistes des années précédentes. En 2012, ils avaient monté des igloos pour y séjourner le temps du rendez-vous. Des yourtes avaient également été installées pour faire tenir les 200 contestataires apprentis inuits. En 2011, il avait fallu les chasser en tirant des balles en caoutchouc ou les aspergeant de jets d'eau à forte pression. Les manifestants, en partie encagoulés, lançaient des boules de neige et des morceaux de glace.

Explosion dans un hôtel, blacks blocs et Berne saccagé

Cette année-là, la police avait fait état d'une "petite" explosion dans un hôtel chic de Davos, qui n'avait pas fait de blessé. L'édition suisse de 20 Minutes avait reçu une revendication de militants "anti-Forum". L'hôtel où s'était produite l'explosion se trouvait à 500 mètres du centre de Congrès où 2500 décideurs de tous horizons ainsi que 35 chefs d'État et de gouvernement étaient réunis. Selon le WEF, il s'agissait d'un engin de "feu d'artifice" ayant endommagé une fenêtre.

Au début des années 2000, il y avait les sommets mondiaux et, dans la rue, les altermondialistes qui s'y opposaient. Le mouvement a spontanément démarré en 1999 à Seattle contre le sommet de l'OMC. On commence alors à parler "d'altermondialisme", note la RTS suisse. Le mouvement se développe en marge du G8 de Gênes, en 2001, puis à Evian et Genève, en 2003. Parfois, les manifestations dégénèrent. Pendant presque 10 ans, il n'est plus un seul sommet mondial qui ne soit obnubilé par les problèmes de sécurité. Chaque année, à Davos, le WEF n'échappe pas à la règle. Au début des années 2000, la plus haute ville d'Europe est sous surveillance. Les "blacks blocs" de tout le pays (et des pays voisins) essayent de s'y donner un rendez-vous masqué, ce qui sonne comme une vengeance, un cri d'urgence.

La Suisse avait pris des mesures pour contrer l'envahissement du pays par les casseurs. A cause du dispositif de sécurité sur le site de Davos, les manifestants se retrouvaient à défiler dans les rues de Genève. En 2003, la police avait dû charger à Berne, devant un millier de participants. Des dégâts considérables avaient été relevés dans la capitale helvète, avec de nombreuses vitrines brisées et des pillages constatées. "La pire manifestation à laquelle la ville de Berne a été confrontée depuis longtemps", évoquait la presse locale à l'époque.

Malgré Marissa Mayer, les stars de la net-économie peu nombreuses

Mais qu'est-ce qui peut expliquer la perte d'intérêt dans la contestation autour du Forum? Les élites politiques et économiques internationales répondent toujours présent. Malgré l'absence de François Hollande, la France comptera tout de même plusieurs ministres: Pierre Moscovici (Finances), Laurent Fabius (Affaires étrangères), Fleur Pellerin (Économie numérique) et Pascal Canfin (Développement). Des grands patrons feront également le déplacement: Christophe de Margerie (Total), Frédéric Oudéa (Société générale), Luc Oursel (Areva) ou Maurice Lévy (Publicis). Côté "stars", on notera la présence de Matt Damon, qui profite de sa notoriété pour faire parler des populations sans accès à l'eau potable. Et que les fans du groupe U2 se rassurent, le chanteur Bono sera aussi présent cette année.

On peut regretter que Facebook n'ait pas envoyé Mark Zuckerberg, mais plutôt sa soeur Randi, "ce qui prouve que Davos n'est qu'une grosse blague", souligne le site américain Gawker. En effet, "la soeur de" est citée en tant que "fondatrice et présidente de "Zuckerberg Media" sur la liste des jeunes leaders présents au WEF.

Mais Gawker est peut-être un peu dur: le WEF est parvenu à attirer Marissa Mayer, l'ultra-médiatique patronne de Yahoo!, dans sa station de ski reculée. La banque Crédit Suisse s'est d'ailleurs parée d'une publicité toute à son attention...

Avec la crise financière les masques sont tombés

Les grandes figures de la finance internationale sont quant à elles présentes en masse. Loyd Blankfein (Goldman Sachs), Laurence Fink (Black Rock), Jim Yong Kim (Banque mondiale), Christine Lagarde (FMI), Mario Draghi (BCE)... des noms et des organisations qui auraient auparavant soulevé les foules.

Mais pas cette année. Pourquoi? "La baisse d’enthousiasme des militants peut s’expliquer par la grande morosité économique ambiante, la peur pour son quotidien, pour son travail", expliquait en 2013 au Matin Florence Proton, ex-secrétaire générale d’Attac Suisse, avant d’évoquer la "très forte répression policière" des dernières années.

Il faut dire que rester bloqué dans la neige à cause des cordons policiers nécessite une volonté qui n'existe peut-être plus sur ces sujets. Surtout que les manifestants ne peuvent approcher au plus près du rassemblement. Les forces de l'ordre les maintiennent à plusieurs dizaines de kilomètres de la station, comme à Landquart (40 km de Davos).

Alors, passée de mode, la contestation alter? Pour le sociologue genevois et militant historique Jean Ziegler, "la société civile n’est pas épuisée, elle est même plus vivante que jamais". Avant d'enchaîner dans le journal suisse, "ce sont les causes qui ont changé, la principale étant devenue la lutte contre la spéculation boursière sur les aliments de base".

L’ancien rapporteur auprès de l’ONU sur le droit à l’alimentation admet en revanche que la contestation anti-Davos est "morte". "Le WEF n’intéresse plus personne. La mobilisation était nécessaire aussi longtemps que les masques des maîtres du monde étaient intacts. Mais avec la crise économique et les scandales financiers, les masques sont tombés. Le travail est fait".

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