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« Si j'étais le Bon Dieu, je ferais des choses différentes... » - Jean Lavallée

Commission Charbonneau: Jean Lavallée commence son témoignage
CEIC

J'aime la FTQ, j'aime le Fonds, j'aime la SOLIM, a insisté l'ancien président de la FTQ-Construction Jean Lavallée. « Si j'étais le Bon Dieu, je ferais des choses différentes... », a-t-il lancé, une allusion aux propos de Guy Gionet, avant de souligner que, n'étant pas un dieu, il « ne peut dire ce qu'il aurait fait différemment ».

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

« On a tellement essuyé ses pieds sur moi » devant la commission, a déploré Jean Lavallée, avant de lancer : « C'est pas vrai que j'ai essayé de faire mes quatre volontés. J'ai toujours aidé le monde dans le but de faire avancer le mouvement. J'ai pas fait ça dans le but de me faire un pouvoir personnel ».

« Je suis pas venu ici pour baver sur personne, je suis ici pour défendre le mouvement syndical, le Fonds de solidarité et la FTQ-Construction. » — Jean Lavallée

« C'est pas Jean Lavallée qui pouvait runner la SOLIM »,a-t-il plaidé soulignant que, tant au Fonds que sur le C.A de son bras immobilier, ils étaient plusieurs à décider. Il a précisé qu'à la SOLIM, c'est son PDG Guy Gionet qui préparait les dossiers et que, n'étant pas spécialiste des questions financières, il se fiait à son expertise.

« C'est très rare qu'on a pas voté des résolutions que Guy a amenés. Moi j'étais là pour appuyer Guy, je l'ai toujours appuyé. » — Jean Lavallée sur Guy Gionet

Un long parcours au service des syndiqués

M. Lavallée a fait lecture de sa biographie professionnelle, déjà bien médiatisée. M. Lavallée a commencé sa carrière syndicale comme délégué syndical dans des chantiers de la région de Sorel.

L'homme, électricien de formation, a participé à la création en 1972 de la FIPOE, un syndicat d'électriciens, dont il a été à la tête de 1979 à 2010 à la fois comme directeur général et secrétaire-trésorier. La FIPOE regroupe quelque 15 000 syndiqués.

Il a aussi été président (et fondateur avec Louis Laberge) de la FTQ-Construction de 1981 à 2008, vice-président de la FTQ de 1979 à 2008, a siégé au Fonds de solidarité de 1988 à 2009 et a présidé le C.A. de la SOLIM de 1988 à 2009. Il a aussi siégé au C.A. de la CSST de 1980 à 2009.

M. Lavallée a notamment soutenu avoir décidé en 2008 de ne pas solliciter un nouveau mandat à la FTQ-Construction en raison de son état de santé. Selon plusieurs témoins entendus à la commission, ainsi que des écoutes électroniques, Jean Lavallée s'était cependant opposé, par candidats interposés, à Jocelyn Dupuis aux élections de novembre 2008.

Jean Lavallée précise que ni lui ni ses collègues n'étaient rémunérés pour les postes élus à la FTQ et la FTQ-Construction, ou encore lorsqu'ils siégaient au C.A du Fonds ou de la SOLIM. C'est la section locale, et donc dans son cas la FIPOE, qui lui payait un salaire, qu'il évalue, vers la fin, entre 115 000 $ et 120 000 $.

Il a aussi participé à la création du fonds de formation de la main d'oeuvre pour l'industrie de la construction au tournant des années 1980 qui gère maintenant quelque 150 millions de dollars.

M. Lavallée a été très proche de Louis Laberge, président de la FTQ de 1964 à 1991 et président fondateur du Fonds de solidarité en 1983.

« C'est un ami très près de moi, un ami très proche. Il m'a montré énormément de choses. » — Jean Lavallée sur Louis Laberge

« C'est pas moi qui l'a créé », le Fonds, a-t-il précisé, mais a cependant été un des premiers à y investir de l'argent, soit 1500$. M. Laberge, précise-t-il, lui en avait cependant souvent parlé avant sa mise sur pied.

Il ajoute que Louis Laberge a longtemps insisté pour qu'il vienne siéger au Fonds, et qu'il cédera finalement en 1988, en tant que président de la FTQ- Construction.

Il ajoute avoir cependant occupé le poste de président du C.A de la SOLIM de sa création au début des années 1990 jusqu'au printemps 2009 (mars ou avril). C'est Claude Blanchet, l'actuel époux de la première ministre Pauline Marois, qui était à la tête du Fonds au moment de la création de SOLIM.

« J'étais pas nécessairement intéressé » à siéger à la SOLIM, a-t-il soutenu, « mais quand on me l'a offert, j'ai accepté ».

Son avocat a souligné l'état de santé précaire de l'homme de 73 ans. La commission accepte le fait que cet état pourrait entraîner un plus grand nombre de pauses durant les audiences.

De nombreuses questions...

Jean « Johnny » Lavallée a été décrit comme le « roi », voire le « dieu » de la FTQ et du Fonds de solidarité FTQ par l'ex-PDG de la SOLIM, Guy Gionet. Il devra répondre au cours des prochains jours à de nombreuses questions sur son rôle dans les nombreux dossiers d'investissement impliquant des individus au passé criminel.

L'homme de 73 ans s'annonce comme le plat de résistance des travaux de la commission consacrés à l'infiltration du crime organisé dans l'industrie de la construction, entrepris en septembre dernier.

M. Gionet affirme notamment que Jean Lavallée a défendu au Fonds plusieurs des dossiers que le PDG du Fonds, Yvon Bolduc, qualifiera plus tard de « toxiques ».

Jean Lavallée a fondé et dirigé la Fédération interprovinciale des ouvriers en électricité (FIPOE), poste à partir duquel il a accédé à celui de président de la FTQ-Construction.

Ces fonctions au sein du syndicat lui ont permis de devenir membre des conseils d'administration du Fonds et de son bras immobilier (ex-SOLIM), où il aurait fait la pluie et le beau temps, notamment au profit de l'entrepreneur Tony Accurso, son « ami intime », selon le témoignage de M. Gionet.

Il a déjà été établi bien avant le début des travaux de la commission que Jean Lavallée a séjourné à plus d'une reprise sur le bateau de Tony Accurso, et qu'il faisait des cures d'amaigrissement en Allemagne avec lui.

L'enquêteur de la commission Michel Comeau a affirmé en novembre que Jean Lavallée était au coeur d'une « filière » comprenant non seulement M. Accurso, mais aussi Denis Vincent, une relation des Hells Angels, qu'il a assimilé à un « courtier fantôme ».

Le promoteur Laurent Gaudreau a par exemple soutenu que Denis Vincent lui avait réclamé « 250 000 $ pour Johnny » pour que son projet récréotouristique, dans lequel la SOLIM était partenaire, aille de l'avant.

M. Comeau avait aussi décrit M. Gionet comme un « exécutant » au service de cette filière, et le témoignage qu'a livré l'ex-PDG de la SOLIM devant la commission accrédite cette thèse.

M. Gionet a abondamment décrit depuis le début de la semaine comment Jean Lavallée se positionnait clairement comme son patron, et qu'il était inutile de lui tenir tête - hormis pour les questions de rendement - sous peine d'être contraint de se chercher un nouvel emploi.

M. Gionet a aussi expliqué lundi qu'il présentait tous les dossiers d'investissements de la SOLIM à M. Lavallée avant de les soumettre aux autres membres du conseil d'administration, dans des réunions ayant lieu la plupart du temps dans les locaux de la FIPOE, ou au Tops ou à l'Onyx, deux restaurants de Laval qui appartenaient à Tony Accurso. Le syndicaliste et l'entrepreneur, a-t-il dit, « c'était relativement la même voix ».

L'ex-PDG de la SOLIM a aussi décrit comment il a été contraint d'accepter que la FIPOE investisse dans des projets de la SOLIM, privant la société d'investissements de certains profits au passage.

Il a aussi expliqué comment Jean Lavallée faisait peu de cas du passé criminel de certains partenaires du Fonds et qu'il n'avait pas retenu sa proposition de faire des enquêtes plus approfondies sur certains d'entre eux.

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