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Jean Lavallée suivra Guy Gionet à la barre de la commission Charbonneau

Jean Lavallée sera entendu après Gionet
CEIC

La commission Charbonneau devrait commencer à entendre dès mercredi, sinon jeudi, le témoignage du président déchu du C.A. de la SOLIM et longtemps président de la FTQ-Construction, sitôt le témoignage de M. Gionet terminé.

un texte de Bernard Leduc

C'est la réaction en chaîne suscitée par le scandale des factures exorbitantes de Jocelyn Dupuis qui a causé la chute de Jean Lavallée, un homme dont la puissance avait longtemps surpassé celle de son ancien dauphin devenu, à terme, son adversaire acharné.

En moins d'un an, soit entre l'automne 2008 - alors qu'éclate le scandale mis au jour par Ken Pereira - et l'été 2009, Jean « Johnny » Lavallée va ainsi tout perdre.

D'abord, son poste de président de la FTQ-Construction qu'il occupe depuis 1981 et, du coup, son siège au CA du Fonds de solidarité FTQ. Puis la présidence du CA de la SOLIM, son bras immobilier, sur lequel il exerçait son contrôle grâce à une filière constituée de son PDG Guy Gionet, de l'entrepreneur Tony Accurso et de Denis Vincent.

Ce dernier, considéré comme proche des Hells Angels de Trois-Rivières par la police, agissait comme son « courtier fantôme » auprès d'entrepreneurs ou de promoteurs, pour reprendre le mot de l'enquêteur Michel Comeau.

Selon les écoutes électroniques présentées à la commission, mais aussi Ken Pereira, Jean Lavallée croit encore, à l'hiver 2009, pouvoir conserver la SOLIM et une partie de son influence à la FTQ-Construction malgré sa défaite électorale contre le clan Dupuis en novembre 2008 - notamment grâce à l'appui de Michel Arsenault.

Il doit néanmoins rapidement déchanter lorsque les médias s'intéressent à ses liens avec Denis Vincent.

Appréhendant l'impact de révélations sur la réputation de la FTQ et du Fonds, leurs présidents respectifs, Michel Arsenault et Yvon Bolduc, vont entreprendre un grand ménage : en quelques mois, Denis Vincent est écarté des dossiers auxquels il était lié à la SOLIM tandis que MM. Lavallée et Gionet sont contraints de quitter leurs fonctions.

De nombreuses écoutes ont amplement illustré les manuvres de la FTQ et du Fonds pour faire place nette, ainsi que le désarroi qui s'empare alors des membres la « filière à Johnny », comme l'a qualifiée la procureure en chef Sonia Lebel, qui multiplient les rencontres et les échanges téléphoniques alors que s'effondre leur système.

Jean Lavallée quitte finalement la direction de la FIPOE, syndicat affilié à la FTQ-Construction, en mars 2010.

« Jean Lavallée a vraiment une relation d'amitié avec Tony Accurso » - Jocelyn Dupuis

L'amitié entre Tony Accurso et Jean Lavallée remonterait aux années 1980, alors qu'est mis sur pied le Fonds de solidarité FTQ. Ce dernier fera notamment plusieurs séjours sur le yacht de l'entrepreneur, le Touch, et sera un habitué du Tops et de L'Onyx, à Laval, deux établissements de M. Accurso d'où il mènera une partie de ses activités professionnelles.

Bien avant la commission Charbonneau, c'est d'abord Enquête qui a mis au jour, en 2009, la grande influence de Tony Accurso auprès du Fonds de solidarité, fruit de l'amitié entre les deux hommes. Sous couvert de l'anonymat, trois anciens hauts dirigeants du Fonds ont soutenu que les dossiers de l'entrepreneur bénéficiaient d'un « fast track » : « il se fait une sorte de rubberstamping », allègue l'un d'entre eux.

Cette emprise sur le Fonds serait d'ailleurs à l'origine de la querelle entre Jean Lavallée et Jocelyn Dupuis pour la succession à la tête de la FTQ-Construction lors des élections de 2008, selon ce qu'allègue Ken Pereira et avance le procureur en chef adjoint de la commission, Denis Gallant.

Mais notons-le : Jocelyn Dupuis, lui, le nie, soutenant que la querelle, réelle, ne portait que sur le choix de la relève à la direction du syndicat.

Il blâme avant tout Jean Lavallée pour son appétit pour le pouvoir. Sur ce point, les écoutes révèlent en effet que ce dernier semble mettre des bâtons dans les roues au nouveau directeur général de la FTQ-Construction Richard Goyette, à l'hiver 2009, et ce, malgré la défaite de son clan aux élections.

Seulement, le litige porte alors sur l'accès du dauphin de M. Dupuis au CA du Fonds...

« Il faut que tu sois sur le CA du Fonds [...] Ça, moi, si c'est pas ça, y a pas de négos ». Jocelyn Dupuis s'adresse à Richard Goyette, le 11 février 2009

Des écoutes ont d'ailleurs démontré que Jocelyn Dupuis est prêt, pour obtenir gain de cause, à révéler aux médias l'ampleur du contrôle exercé par le tandem Accurso-Lavallée sur la SOLIM. M. Dupuis se dit aussi capable de prouver que Jean Lavallée a lui-même fait affaire avec le mafieux Raynald Desjardins dans le dossier des condos du boulevard Couture.

Enquête avait démontré que de nombreux condos de cet immeuble, dont la construction avait été financée par la FIPOE, avaient été achetés tant par des proches de la mafia, par des dirigeants de la FTQ ainsi que par Tony Accurso.

M. Dupuis a convenu devant la commission qu'il disposait alors de chèques prouvant que M. Desjardins avait remboursé 200 000 $ à la FIPOE pour un condo. Incidemment, lors de son témoignage, Richard Marion, qui précéda Guy Gionet comme PDG à la SOLIM, affirmait avoir payé de son poste, en 2004, son refus d'investir dans des dossiers défendus par le tandem Lavallée-Accurso, notamment celui du boulevard Couture...

« Ça prend 250 000 $ pour Johnny »

Comme pour le Fonds, c'est aussi Enquête qui avait, pour la première fois, mis en lumière la situation trouble à la SOLIM en révélant en 2009 les déboires du promoteur Laurent Gaudreau et en braquant, du coup, pour la première fois, les projecteurs sur le « courtier fantôme » Denis Vincent.

Les écoutes permettront par la suite de confirmer son influence sur plusieurs dossiers « toxiques » de la SOLIM, notamment grâce à son ascendant sur Guy Gionet ainsi que sa proximité avec Jean Lavallée et Tony Accurso.

Fasciné par les légendes nordiques, Laurent Gaudreau avait élaboré un projet de salle de spectacle multimédia en forme de tipi et obtenu du financement de la SOLIM après avoir été présenté à Jean Lavallée par Denis Vincent.

De nombreuses rencontres avec les deux hommes ainsi qu'avec Guy Gionet avaient par la suite eu lieu, notamment à L'Onyx, pour faire le suivi dans le dossier dénommé TIPI.

Le promoteur, ancien producteur de la série Omerta, déchantera cependant lorsque Denis Vincent lui réclamera un pot-de-vin de 250 000 $ pour Jean Lavallée.

M. Lavallée a nié par la suite avoir fait une telle demande, selon M. Gaudreau.

Et pourtant, ce n'aurait pas été la première fois, si l'on se fie au témoignage du promoteur Sylvain Boivin fait à l'émission Enquête.

En quête d'un financement de 5 millions pour un projet de câblodistribution, celui-ci affirme avoir réussi à être introduit auprès de Jean Lavallée et Jocelyn Dupuis par Ronnie Beaulieu, un sympathisant des Hells Angels, sous promesse de verser une commission 500 000 $.

Les quatre hommes se rencontreront à plusieurs reprises, mais l'affaire, finalement, tombera.

Épilogue...

À l'automne 2013, l'enquêteur de la commission Michel Comeau rencontrait Denis Vincent. L'homme est d'abord réticent à se dire autre chose qu'un simple « chum de chasse » de Jean Lavallée et nie tout lien d'affaire avec la SOLIM ou le Fonds. Seulement, le temps passe et sa langue se délie jusqu'à admettre l'existence d'un « fast track » au Fonds :

« Il a répondu en riant : "Écoute, les dossiers n'avanceraient pas sans ça. C'est rendu tellement compliqué. Il y a tellement d'intervenants pour monter un dossier que ça n'avancerait plus" ».

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