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Femen au Québec: là pour rester en 2014

Femen au Québec: là pour rester en 2014
Agence QMI

MONTRÉAL - La cellule québécoise du mouvement Femen a des projets pour 2014. Après un premier coup d'éclat en octobre 2013 dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, la petite organisation s'est structurée et ses membres se réunissent sur une base régulière.

Lorsqu'elle a lancé le mouvement au Québec, Xénia Chernyshova était seule à vouloir se commettre. Graduellement, d'autres femmes ont adhéré et forment à présent un noyau de base, autour duquel gravitent une quinzaine de sympathisants, dont des hommes.

Parmi les recrues, on retrouve Delphine Bergeron, une artiste de Montréal qui se disait déçue des cercles féministes «traditionnels» dans lesquels elle ne cadrait pas.

Femen depuis trois mois, elle s'identifie à ce militantisme ouvert qui prône l'émancipation des femmes, sans rien enlever aux hommes. Elle y trouve une manière de revendiquer et d'assurer sa féminité tout en menant des combats qui touchent tout le monde, peu importe le sexe. Cette inclusion des problèmes qui touchent aussi les hommes est, pour Delphine Bergeron comme pour Xénia Chernyshova, un élément important des Femen qui rassemble plutôt qu'oppose les hommes aux femmes.

Cela dit, même si elles ne partagent pas toutes les visions des autres féministes, elles croient que des combats peuvent être menés de concert.

De son côté, Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec, accueille favorablement l'émergence des Femen dans la mouvance féministe.

«C'est intéressant de voir un féminisme revendicateur qui s'affirme et qui est affranchi. Il y a des diversités tactiques, mais on voit des féministes qui prennent leur place alors que la société avait tendance à dire que c'était dépassé», a-t-elle dit.

Si son organisation essuie certaines critiques, elle estime que toutes les luttes sont formées de factions différentes.

«On n'a jamais réussi à faire un changement important dans la société sans une pluralité de formes d'actions. À leur manière, elles vont rejoindre un certain public. Parfois on peut déposer un mémoire, pour faire valoir ses arguments, mais d'autres fois, on peut être physiquement l'argument», a mentionné Mme Conradi.

Le mouvement Femen s'inscrit dans un courant féministe qui utilise l'action et la provocation pour livrer ses messages. Ses membres affichent leurs messages sur leurs poitrines dénudées. Les actions sont brèves, percutantes et se traduisent par un maximum de visibilité pour des manifestations éclairs.

Delphine Bergeron considère qu'être Femen se résume aussi à une manière de s'affirmer et de prendre le pouvoir sur son propre corps.

«C'est moi qui me met des limites et qui ai des lacunes. Le travail à faire, il est aussi sur moi», a-t-elle tranché, disant rêver que les femmes prennent leur destin en mains et s'affirment pour ce qu'elles sont.

La jeune femme avoue que les moyens choisis peuvent attirer des critiques. Elle confie qu'elle a dû expliquer la contradiction de se dire féministe et d'utiliser la provocation et la nudité pour attirer les regards. La Femen est consciente de jouer le jeu et d'utiliser son corps à d'autres fins, sachant très bien que l'attention est souvent portée sur elles par voyeurisme, avec un intérêt plus vif pour leurs attraits plutôt que pour le message qu'elles invoquent.

«Quelqu'un a comparé nos seins à des AK47. Je n'en reviens pas de cette disproportion. Je comprends que ça peut choquer, mais autant? Quant à la contradiction, c'est vraiment une question de la prise du pouvoir sur son corps. Mon corps, j'en fais ce que j'en veux, il ne va pas servir à vendre telle ou telle chose, mais je vais l'utiliser pour dénoncer les inégalités sociales», a-t-elle mentionné.

Cette vision trouve l'appui de Xénia Chernyshova, une comédienne d'origine ukrainienne, qui considère que «la société de consommation a fait de la femme un objet qui fait vendre. Comme si le corps de la femme était une pancarte pour vendre».

La cellule québécoise promet des actions importantes pour 2014. Pour ce faire, le noyau planche, discute et élabore ses prises de position, le tout sans aucune assise financière et sans moyen.

De telles actions ne s'improvisent pas et n'impliquent pas seulement de dessiner des lettres sur son corps et investir un lieu public à la hâte. Xénia Chernyshova insiste: les actions de Femen font l'objet d'une planification, de discussions et aussi d'une évaluation des risques.

«Nous n'avons pas le choix. Si nous avons commencé comme un mouvement de rébellion un peu simpliste, nous travaillons pour que l'organisation soit stable, fixe et qu'elle connaisse aussi le contexte juridique du Québec», a-t-elle mentionné.

Les questions de sécurité, de repérage des lieux et de planification sont discutées. Les actions de Femen ont beau être pacifiques et jouer sur la provocation tranquille, il reste que Xénia Chernyshova reconnaît «jouer avec le feu» par moments avec des prises de positions fortes.

«Je ne suis pas une manifestante qui veut aller déranger ou envahir un espace et rester sur la place. Les coups des Femen me ressemblent davantage parce que c'est une action rapide et efficace et personnellement, je ne veux pas que ça dérape parce que je pense que c'est beau et pacifique. Les extrêmes et la fermeture d'esprit seront toujours des pièges», a indiqué Delphine Bergeron.

Et l'homme Femen?

Des hommes se disent également Femen et se dénudent eux aussi la poitrine pour y écrire des slogans, qui tiennent en peu de mots, question d'efficacité... et d'espace.

«Moi, j'ai un chum, Xénia a un fils, le "gars" fait partie de ma vie. Défendre les droits des femmes sans vouloir l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est du sexisme inversé où on arrive à rien», a indiqué Delphine Bergeron.

Cette année, le groupe planche sur des actions qui toucheront les hommes. Delphine Bergeron souhaite notamment dénoncer les agressions sexuelles au sein de l'Église et souhaite aussi tenter d'attirer l'attention sur l'absence de ressources dédiées aux hommes victimes d'agressions.

L'artiste de 30 ans, qui travaille à Montréal, estime que les femmes victimes de sévices sexuels peuvent compter sur plusieurs ressources, pas toujours assez nombreuses, mais nettement supérieures à celles offertes aux hommes victimes d'agressions.

«À Montréal il peut y avoir des services pour les hommes homosexuels victimes d'abus, mais tu fais quoi si tu es un hétérosexuel et que tu as été agressé? Tu n'as rien», a-t-elle lâché.

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