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L'aide canadienne en Haïti est critiquée par un organisme, quatre ans après le séisme

L'aide canadienne en Haïti est critiquée par un organisme
A woman sits with her daughter in front of her tent at a camp set up for people displaced by the 2010 earthquake in Port-au-Prince, Haiti, Monday, Dec. 10, 2012. Haiti's President Michel Martelly says his government is building homes and creating jobs almost three years after a catastrophic earthquake. (AP Photo/Dieu Nalio Chery)
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A woman sits with her daughter in front of her tent at a camp set up for people displaced by the 2010 earthquake in Port-au-Prince, Haiti, Monday, Dec. 10, 2012. Haiti's President Michel Martelly says his government is building homes and creating jobs almost three years after a catastrophic earthquake. (AP Photo/Dieu Nalio Chery)

MONTRÉAL - Ottawa manque de transparence dans son financement de la reconstruction en Haïti et impose un modèle de développement économique subordonné à ses intérêts commerciaux, conclut une nouvelle étude.

Si l'engagement de fonds du Canada est jugé «satisfaisant» comparativement à d'autres pays donateurs, la façon dont les sommes sont réparties demeure obscure, indique le chercheur Paul Cliche dans un rapport rendu public jeudi, à quelques jours du quatrième anniversaire du séisme qui a ravagé la Perle des Antilles.

«On a des données globales sur les projets financés, mais ça nous vient du rapporteur de l'ONU. Et dans les données globales, on dit que les deux tiers de l'aide à la reconstruction (554,8 millions $) rentrent dans la catégorie 'non spécifiée'. Donc on n'a pas une vision globale», a exposé M. Cliche.

De façon générale, l'aide canadienne est «susceptible d'avoir un impact positif» sur les conditions de vie de la population haïtienne, signale le chercheur de l'Université de Montréal, qui a effectué cette recherche à la demande de l'organisme Concertation pour Haïti (CPH).

Mais il ne suffit pas de délier les cordons de la bourse pour escompter obtenir des résultats tangibles, a plaidé M. Cliche, selon qui la question du logement est «loin d'être réglée».

Le tremblement de terre meurtrier du 12 janvier 2010 a détruit environ 200 000 maisons en plus de jeter à la rue environ 1,3 million de personnes.

Selon les données des Nations unies publiées le 30 septembre 2013, 171 974 personnes demeurent encore sur 306 sites temporaires, et les objectifs en matière de reconstruction ont été atteints dans une proportion de 13 pour cent.

«On a fait des constructions d'abris temporaires. Il y en a 113 595 selon les données officielles. Comme on dit souvent en Haïti et dans certains pays du Sud, il n'y a rien de plus permanent que ce qui est temporaire», a-t-il exposé en entrevue téléphonique.

«Ce dont je me doute, c'est que les abris temporaires vont devenir des maisons permanentes. C'est quoi ça, en termes de dignité humaine?»

Dans la foulée du séisme, par dizaines de milliers, les sans-abri ont érigé des camps de fortune dans les villes dévastées par la catastrophe.

L'une des stratégies mises de l'avant par les pays donateurs pour venir en aide aux familles a été de remettre une enveloppe de 500 $ US à chacune d'entre elles. Une mesure essentiellement cosmétique, selon ce que laisse entendre Paul Cliche.

«Ça été efficace pour vider les camps. (...) L'idée, c'était de débarrasser les camps, parce que c'était une honte de voir tant de gens dans les camps», a-t-il suggéré.

À plus grande échelle, la question du développement économique du pays est également préoccupante, a relevé le chercheur associé au Réseau d'études des dynamiques transnationales et de l'action collective (REDTAC) de l'Université de Montréal.

Ottawa oriente son aide vers le développement du secteur minier et de zones franches, un modèle économique qui maintiendra les citoyens du pays en situation de pauvreté, a prévenu M. Cliche.

«C'est un développement qui est extraverti, qui a le regard vers l'extérieur, vers l'exportation. Qui va acheter les métaux et les vêtements qui sont faits en Haïti? Ce ne sont pas les Haïtiens», a-t-il expliqué.

«L'avantage comparatif en Haïti, ce sont les bas salaires et les ressources naturelles à bas prix. C'est la pauvreté qui est l'avantage comparatif.»

Le pays n'est pas non plus sorti de l'auberge en ce qui a trait à la situation sanitaire: l'épidémie de choléra fait toujours des ravages, et l'ONU estime à 2,2 milliards $ le montant nécessaire à son éradication. À ce jour, seulement 180 millions $ ont été engagés, d'après les informations contenues dans le rapport de Paul Cliche.

Selon un rapport d'experts, la maladie a été introduite au pays par des soldats de la mission des Nations unies en Haïti, la MINUSTAH. Des organisations humanitaires ont intenté une poursuite en justice contre l'ONU, mais celle-ci plaide son immunité judiciaire.

La communauté internationale devra prendre ses responsabilités, tranche M. Cliche: «il faut que les pays phares à l'ONU, les pays influents par rapport à Haïti, et ça inclut le Canada, fassent des pressions».

Le chercheur n'a pas voulu accorder une note de performance globale au Canada en ce qui a trait à son action humanitaire en Haïti, mais il a malgré tout témoigné de sa déception.

«Globalement, on est tellement loin. C'est tellement décevant, considérant tous ces discours de refondation qu'on a entendus après le séisme. On a repris le discours du temps où les Duvalier sont tombés, mais on est tellement loin, a-t-il lâché. Surtout dans un pays où il y a plein de capacités.»

À la lumière des conclusions de ce rapport, la CPH sollicite une rencontre avec les décideurs canadiens afin de redéfinir les orientations de l'aide canadienne et trouver des solutions pérennes qui favoriseront une véritable refondation sociale et économique d'Haïti.

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