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«Inside Llewyn Davis» : magnifique poème à la liberté (CRITIQUE/PHOTOS/VIDÉO)

«Inside Llewyn Davis» : magnifique poème à la liberté (CRITIQUE/PHOTOS/VIDÉO)

Après une période un peu molle au début des années 2000, les Frères Coen offrent depuis le meilleur du cinéma américain. Coup sur coup, ils ont réalisé le thriller No Country for Old Men (Oscar du meilleur film en 2007), puis la comédie satirique Burn after reading et le magnifique western True Grit. Ils se surpassent encore une fois avec Inside Llewyn Davis (Grand prix à Cannes), poème hivernal dédié à la bohème musicale de Greenwich Village en 1961. Sans aucun doute, l'un de leurs meilleurs films.

On suit Llewyn (absolument remarquable Oscar Isaac), musicien folk sans le sou, sans domicile fixe dormant de canapé en canapé et qui vient de perdre son ami suicidaire avec lequel il formait un duo. L'homme a un incroyable talent, une voix superbe, un charisme, une prestance, mais il ne semble pas avoir de chance.

Enfin, tout ce qu'il touche se transforme en occasion ratée. Il met enceinte la copine (Carrey Mulligan) de son ami (Justin Timberlake); il est floué dans ses droits musicaux et n'obtient pas de redevances sur une chanson populaire... Lorsqu'il se déplace à Chicago pour jouer à The Gate of Horn, il ne parvient pas à impressionner un manager important, Bud Grossman (F. Murray Abrahams). Il se résigne à retourner dans la marine marchande avant de changer d'avis à nouveau. Lui reste ce petit chat caramel qui lui colle aux pas, deux âmes perdues qui se sont trouvées.

Drôle de film que cet Inside Llewyn Davis. L'œuvre s'amorce sur une chanson, Hang me, Oh Hang me – tous les morceaux sont magnifiquement interprétés par l'acteur Oscar Isaac – et se termine le même soir après une parenthèse de plusieurs journées. On suit la vie précaire d’un musicien librement inspirée de celle du chanteur Dave van Ronk, mentor musical de Bob Dylan.

Comme à leurs habitudes, les Frères Coen aiment poser leur caméra sur le perdant, celui qui ne réussit jamais. Ce Llewyn Davis est un magnifique loser, mais qui s’avère en fait, un farouche indépendant d'esprit. Avant que le genre devienne populaire dans les années 60 et fleurisse pendant le Flower Power, le folk est joué dans quelques troquets de Greenwich Village, quartier artistique de Manhattan. Llewyn/Van Ronk représente l'homme sacrifié, celui qui va donner son âme à sa musique, défoncer les portes, mais sans jamais réussir.

Le film permet toutefois de saisir la complexité du personnage. Llewyn veut obtenir la reconnaissance du public, mais ne veut pas faire de compromis artistique. Lorsque le manager Grossman lui offre de faire des voix dans un quatuor, il préfère refuser. À l'image de Van Ronk, il est de ces artistes qui ont une intégrité et ne veulent pas marchander leur talent. La liberté surpasse l'argent. Aussi, sa personnalité capricieuse fait en sorte de rebuter certaines personnes. Son génie est donc invitant et repoussant à la fois, ce qui n'aide en rien sa carrière.

Ainsi, le long métrage permet une plongée dans cette époque charnière musicale, mais là où il se démarque, c'est l'atmosphère mystérieuse qui s’en dégage. Inside Llewyn Davis se vit comme un rêve bleuté, alangui du spleen associé à l'hiver. Lors de certains plans, on ne sait pas si le musicien est perdu dans ses pensées ou s'il vit réellement ce qui lui arrive.

Le voyage vers Chicago et le retour vers New York est un bon exemple : les yeux rougis par les nombreuses heures de conduite, Davis croit avoir frappé son petit chat oublié sur l'autoroute. Mais est-ce bien le cas? Et puis, ce chat, que représente-t-il? Son karma ou sa malchance? Le film émiette quelques indices sur les trottoirs de Manhattan comme autant de trajectoires qui s'entrechoquent...

Dans cette œuvre mélancolique à la réalisation parfaite et précise, une étoile brille, celle d'Oscar Isaac. Sa prestation de Llewyn Davis est sans doute l'une des meilleures de l'année. Cet acteur (vu dans Drive en 2011 aux côtés de Carrey Mulligan) montera peut-être un jour cueillir son Oscar, à moins que son étoile le mène vers un autre chemin, moins populaire, mais tout aussi glorieux.

Inside Llewyn Davis – Métropole Films Distribution – Drame musical – 105 minutes – Sortie en salles le 27 décembre 2013 – États-Unis.

Inside Llewyn Davis

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