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Pétrole: l'Iran veut retrouver son rang malgré la baisse de la demande

Pétrole: L'Iran veut retrouver son rang
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Le retour de Bijan Namdar Zanganeh à Vienne risque de causer un sacré casse-tête aux membres de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Huit ans après sa dernière venue en tant que ministre iranien du Pétrole, il entend bien signifier par son retour aux affaires que Téhéran revient aussi sur le marché. Avec à la clé, une importante production d'hydrocarbures qui attend tranquillement d'être écoulée.

À la suite de l'accord préliminaire conclu le 24 novembre à Genève sur le nucléaire iranien, la République islamique voudrait reprendre sa deuxième place parmi les 12 pays producteurs de l'organisation, derrière l'Arabie saoudite. Le sommet de l'OPEP s'ouvre le 4 décembre dans la capitale autrichienne et devra aborder un sujet brûlant que Téhéran n'a pas hésité à soulever la veille en conférence de presse: l'Iran compte retrouver "immédiatement" ses pleines capacités de production.

Les sanctions occidentales imposées en 2012 à l'Iran, soupçonné de mener un programme nucléaire militaire, ont coûté cher à son économie. Ne pouvant plus exporter son pétrole brut, le pays a perdu des milliards de dollars de revenus et sa place au sein de l'OPEP, situation dont ont profité l'Arabie saoudite, sa grande rivale politique dans la région, et l'Irak, devenue la deuxième nation la plus exportatrice. Mais d'ici 6 mois, la situation pourrait changer.

L'Iran veut reprendre sa place

Si l'accord de Genève ne lève pas les sanctions liées aux exportations pétrolières (1 million de barils/jour), il ouvre cependant une période de négociations sur le fond. D'ici la mi-2014 et la signature d'un accord définitif, les sanctions ont de fortes chances d'être complètement levées. D'ici là, l'OPEP devrait maintenir son plafond de production, limité à 30 millions de barils par jour. Le même depuis fin 2011.

Mais en deux ans les intérêts ont changé et certains partenaires ont bien grandi. En retrouvant son portefeuille du Pétrole, Bijan Zanganeh n'a pas ménagé ses critiques contre l'Irak. Bagdad aurant profité des sanctions internationales de Téhéran pour capter le maximum de parts de marché dans le secteur pétrolier. "L'Irak a remplacé le pétrole iranien par son propre pétrole. Ce n'est vraiment pas une attitude amicale", a déploré le mois dernier ce proche de Hassan Rohani, le nouveau président iranien modéré.

Pour ceux qui ne suivraient pas au fond, l'OPEP fonctionne comme un cartel de pays producteurs de pétrole. Ces derniers s'entendent sur une production annuelle de barils, attribuée à chaque Etat membre. À la fin, il faut que l'offre de pétrole puisse défendre un prix de 100 dollars par baril: le "bon prix". L'Arabie saoudite, premier producteur mondial de brut et chef de file du cartel, joue le rôle de "banque centrale" du pétrole en augmentant ou réduisant sa production selon l'évolution de l'offre mondiale. Et derrière ce subtil jeu de négociation, des antagonismes régionaux: l'Arabie Saoudite est sunnite, tandis que l'Iran et l'Irak sont chiites.

L'Irak apprécie sa deuxième place

Selon un délégué du Golfe, cité anonymement par l'agence Reuters, l'Iran va certainement réclamer une place à sa mesure. "Ils vont nous dire qu'ils sont de retour sur le marché et qu'ils ont besoin d'espace", explique cette source depuis Vienne. Une fois les sanctions levées, Téhéran souhaite passer de 1 million de barils par jour à une production comprise entre 3 et 3,5 millions. Un total difficilement conciliable avec les ambitions de l'Irak, qui désire passer de 2,4 à 3,2 millions en 2014.

Mais pour le ministre iranien c'est clair: "Quand un pays membre retourne sur le marché après des limitations, les autres comprennent qu'ils doivent lui ouvrir les portes et non le combattre".

Les négociations s'annoncent donc très chaudes, surtout depuis l'élection surprise d'Hassan Rohani en Iran. L'Arabie saoudite accueille avec un certain scepticisme ce qu'elle considère comme un changement d'alliance entre Téhéran et Washington. "Nous assistons à un rapprochement potentiel entre les Etats-Unis et l’Iran qui pourrait redessiner la carte géostratégique du Moyen-Orient", a estimé Fawaz Gerges, professeur à la London School of Economics. Pour Uzi Rabi, spécialiste de l’Iran à l’Université de Tel Aviv, "les Saoudiens sont furieux de ce qui se passe". Ambiance...

Une demande déclinante pour le pétrole de l'OPEP

En plus d'un regain d'ambition de l'Iran, l'OPEP va devoir adopter sa production à une demande moins forte l'année prochaine. En effet, malgré un appétit mondial en hausse, la demande pour le pétrole en provenance de l'OPEP devrait baisser d'environ 900 000 barils par jour selon l'AIE (Agence internationale de l'Énergie). L'OPEP elle-même prévoit un déclin de la demande pour son brut jusqu'en 2017, principalement à cause de l'importante hausse de l'offre produite hors de son organisation.

Pour Carsten Fritsch, analyste de Commerzbank, le "plus grand défi" pour le cartel est la rapide augmentation de la production de pétrole de schiste aux États-Unis ("huile de schiste", cousine germaine du gaz de schiste). Cette dernière a fait bondir la production du pays de 50% en cinq ans. D'ici 2020, le Dakota du Nord sera plus dynamique que le Golfe. Mieux: en 2035 les Etats-Unis s'approcheraient de l'indépendance énergétique.

De nouvelles tendances sont donc en train de se dessiner. Les plus vastes réserves exploitables ne sont plus au Proche-Orient (1200 milliards de barils) mais en Amérique du Nord (2200 milliards de barils). De nouvelles zones émergent: Canada, Brésil, Afrique de l'Ouest, golfe du Mexique...

"Pour la première fois depuis la fin des années 1980 (hors périodes de ralentissement économique), d'ici à la fin de l'année, l'offre des pays non-OPEP devrait progresser plus vite (+0,9 million de barils quotidiens sur un an) que celle des membres de l'Organisation, qui, elle, devrait reculer (-0,7 million)", estime dans Le Nouvel Observateur Geoffroy Hureau, ingénieur économiste à l'Institut français du Pétrole-Energies nouvelles.

Pourtant, lors de sa dernière réunion en mai, l'OPEP est apparue assez sereine face à l'augmentation massive de la production américaine. L'AIE a averti le mois dernier que cette révolution ne durerait pas et que les États-Unis, appelés selon elle à devenir premier producteur mondial de brut devant l'Arabie Saoudite d'ici deux ans, ne resterait qu'une dizaine d'années sur la première marche du podium. Entre temps, "l'OPEP va simplement investir moins dans ses capacités de production pour le futur et produira évidemment un peu moins afin de soutenir les prix", estime Harry Tchilinguirian, stratégiste chez BNP Paribas. Encore faut-il que l'Iran modère ses ambitions débordantes...

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