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Les Cyniques - Le rire de la Révolution tranquille : le reflet d'une époque

: le reflet d'une époque
Courtoisie

S'ils étaient toujours actifs, les Cyniques bousculeraient l'ordre établi depuis bientôt 50 ans. Dans les faits, Marc Laurendeau, André Dubois et les regrettés Serge Grenier et Marcel Saint-Germain n'ont contesté nos élus de leurs blagues corrosives et de leur mordant que pendant la décennie 1960. Mais l'humour occupe une telle place dans la culture québécoise que leur héritage demeure encore bien frais.

Pour témoigner de leur legs, un imposant ouvrage, Les Cyniques - Le rire de la Révolution tranquille vient de paraître aux Éditions Triptyque dans la foulée de l'Observatoire de l'humour, recherche interdisciplinaire sur le rire et l'humour instituée par Louise Richer, directrice de l'École nationale de l'humour (ENH), à l'occasion du 25e anniversaire de l'institution. Cette anthologie de l'œuvre des Cyniques est le premier titre d'une collection à paraître. Il comprend une sélection de textes du groupe, choisis par Marc Laurendeau et André Dubois eux-mêmes, dont certains sont inédits. Les textes sont accompagnés de commentaires des deux hommes sur leurs créations, ainsi que de sept études universitaires traitant de l'influence du quatuor dans notre société. L'historien Robert Aird, qui a supervisé la conception du bouquin avec Lucie Joubert, professeure titulaire du département de Français de l'Université d'Ottawa, ouvre l'ensemble avec une présentation jalonnée de références sur la période pendant laquelle ont sévi les Cyniques. Guy A.Lepage y livre aussi un témoignage, et Luc Boily, auteur et professeur à l'ENH, dépeint une réflexion sur la formation. La compilation, agrémentée de plusieurs photos et d'une revue de presse, s'étend sur 500 pages.

«C'est un autre regard sur l'histoire, explique Marc Laurendeau. Les numéros ont été mis en situation, on raconte le contexte de l'époque, ce qui se passait, les raisons des noms et des personnages, les structures des sketchs, etc. C'est comme apprendre l'histoire à travers l'humour qui se faisait à ce moment-là, et ça permet de mesurer l'audace que les Cyniques représentaient. C'est le principal intérêt du livre. Ce n'est pas seulement pour les nostalgiques.»

«Quand on a donné le OK pour ce projet, on croyait que ça allait être vite fait, a poursuivi le communicateur. On pensait qu'on allait réunir nos textes, que les universitaires allaient faire leurs travaux, et que ce serait facile. Mais, oh! Ç'a été plus compliqué que ça. Des textes, il y en avait plus que je pensais. Il a fallu tout relire, vérifier si le niveau de langue était bon, si tout était exact...»

Paver la voie

Marc Laurendeau ne s'étonne pas que la carrière des Cyniques soit le premier objet d'étude de l'Observatoire de l'humour. Après tout, ces jeunes fanfarons d'hier, qui savaient mettre le doigt sur nos bobos collectifs, ont pavé la voie à toutes les générations de comiques qui les ont suivis.

«On est probablement le groupe d'humoristes le plus identifié à la Révolution tranquille, avance-t-il. L'humour a toujours été présent dans le peuple québécois; avant nous, il y avait Olivier Guimond, les Fridolinades, de Gratien Gélinas, Chez Miville, à la radio, Jacques Normand, Paul Berval... Ce sont tous des gens qui, sans aucun doute, nous ont influencés. Mais notre spécificité était d'être un peu plus directs, coriaces, audacieux et subversifs. On dérangeait un peu plus.»

«Au début des années 1960, il y a eu un bousculement, et l'humour devenait plus corrosif. Nous, on représentait cette tendance, dont d'autres se sont inspirés ou prévalus par la suite. On est les premiers d'une vague, celle des Deschamps, Rock et Belles Oreilles...»

Et aujourd'hui?

Aujourd'hui, les Cyniques auraient probablement bien du matériel pour s'amuser, qu'on pense simplement aux scandales de corruption et aux débats sur la laïcité. Marc Laurendeau s'anime lorsqu'on le lui fait remarquer. Le Cynique en lui ne semble pas très loin....

«Ah oui, on aurait de la matière, s'enthousiasme-t-il, d'un ton inspiré. La Charte, tout ce qui s'est passé au niveau municipal, les sénateurs à Ottawa, Rob Ford... Je pense que c'est une période faste pour les humoristes, pour ceux qui savent s'en servir. Les Jean-René Dufort, les Pierre Verville, les Guy Nantel... On y prendrait beaucoup de plaisir.»

«Mais il faudrait s'adapter au contexte, nuance-t-il. Je ne vous cache pas que ça n'aurait pas été facile avec toute la rectitude politique qu'on connait maintenant. Il y a des sujets qui seraient désormais difficiles à aborder. À l'époque, on jouissait d'une très, très grande liberté. Autant, dans les années 1950, sous Duplessis, on aurait été chassés de la scène et les boîtes qui nous faisaient venir auraient perdu leur permis d'alcool, autant dans les années 1960, il y avait une libération qui s'amorçait vis-à-vis le clergé, le pouvoir politique et l'autorité. On avait une marge de manœuvre. J'ose croire qu'on aurait pu s'adapter à la nouvelle situation, mais ça aurait été difficile.»

Et les Cyniques auraient-ils fait grand usage des réseaux sociaux? Marc Laurendeau, qui vient justement d'ouvrir son compte Twitter, sourit.

«Je pense qu'on aurait été là, acquiesce-t-il. On livrait nos commentaires, nos opinions et nos gags sur à peu près tout. Alors, je pense qu'on en aurait fait usage. De nous quatre, je crois que Serge aurait été celui qui aurait été le plus du genre à être actif là-dessus...»

Les Cyniques - Le rire de la Révolution tranquille est présentement en vente, mais sera lancé officiellement lors d'un colloque de l'Observatoire de l'humour, qui se tiendra du 26 au 28 novembre, à l'Agora Hydro-Québec du Cœur des sciences de l'UQAM.

Marc Laurendeau, André Dubois, Lucie Joubert et Robert Aird seront également présents au Salon du livre de Montréal, du 20 au 25 novembre, pour rencontrer les lecteurs et participer à une table ronde.

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