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Mort d'un bénévole au Grand Prix du Canada: des méthodes à revoir, des questions à poser

Mort d'un bénévole au Grand Prix du Canada: des méthodes à revoir, des questions à poser
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La CSST a rendu public son rapport sur l'accident de travail qui a coûté la vie au commissaire de piste Mark Robinson à la fin du Grand Prix du Canada, le 9 juin.

Rappelons que ce commissaire de piste bénévole, comptant plus de 10 ans d'expérience au Grand Prix du Canada, a été happé à mort par le chariot-élévateur alors que l'équipe d'intervention rapportait une Sauber aux puits après la course.

Dans son rapport de 38 pages, la Commission de la santé et la santé du travail (CSST) précise les conclusions de son enquête. À savoir que le chariot-élévateur allait trop vite, que la victime était placée devant l'axe des roues du chariot, car la voiture F1 en suspension au bout de la grue du chariot avait pivoté sur elle-même, qu'au moment où l'appareil-radio du travailleur s'est détaché de sa poche de combinaison, il a ralenti le pas et a été happé par la machine. Une combinaison de facteurs qui a contribué à l'accident qui lui a coûté la vie.

La CSST a émis des constats d'infraction aux deux organisateurs du Grand Prix du Canada, dont le montant de l'amende varie de 15 698 à 62 790 dollars pour une première infraction, entre 31 396 et 154 976 dollars en cas de récidive (source CSST).

Rappelons que lors du Grand Prix du Canada, François Dumontier, promoteur de l'évènement, partage les responsabilités avec l'Automobile Club de l'Ile Notre-Dame (ACIND) qui gère le personnel bénévole du circuit (notamment les commissaires de piste), la FOM (qui gère le côté commercial de l'évènement) et la FIA (qui gère le côté sport de l'évènement, notamment en matière de sécurité active (voitures) et passive (circuit).

« On va prendre connaissance du rapport complet qu'on nous a présenté, a réagi François Dumontier, président du groupe Octane et promoteur du Grand Prix du Canada. Pour nous au Grand Prix, la sécurité est un aspect hyper important. On travaille à l'intérieur de normes internationales avec la Fédération internationale de l'automobile.

« Il y a des recommandations qui vont être relativement faciles pour nous à appliquer, a admis M. Dumontier, et nous avons quelques mois devant nous. »

La CSST interdit aux organisateurs d'utiliser les chariots-élévateurs lors du prochain Grand Prix du Canada, en 2014, à moins que des mesures correctives exigées par la CSST ne soient apportées. Or les chariots-élévateurs sont utilisés pour transporter les voitures sur tous les circuits du Championnat du monde.

« Il y a quand même certaines normes qu'il va falloir présenter à un niveau international, au niveau de la FIA, précise M. Dumontier. Puisque nous travaillons à l'intérieur de normes qui sont prescrites par la FIA, car nous sommes un des 19 grands prix à travers le monde, et que si à Montréal, on doit lever une F1 d'une façon différente des autres pays, la FIA va devoir donner son accord. »

La CSST reconnaît que les organisateurs doivent suivre les exigences de la FIA, des directives contenues dans un cahier de charges. Mais l'organisme québécois écrit dans son rapport que « la méthode utilisée pour transporter la voiture de course est dangereuse et que la gestion de la gestion et de la sécurité est déficiente » (page 2 du rapport).

L'enquête de la CSST a notamment noté que la victime roulait devant l'axe des roues du camion-remorque, alors qu'il aurait dû être sur le côté du camion.

La vitesse du chariot

La CSST a estimé la vitesse du véhicule utilitaire à 11 km/h, or la notice du fabricant indique que la vitesse ne devrait pas dépasser 1,4 km/h. L'opérateur du camion n'a pas eu le temps de réagir et de freiner à temps.

L'équipe d'intervention a reçu l'ordre de la « tour de contrôle » de rapporter la voiture rapidement aux puits, avant que le public n'envahisse la piste.

Auraient-ils pu ramener la voiture en faisant fonctionner le camion à reculons ? Ce qui aurait placé les commissaires derrière le véhicule et non devant.

La CSST interpelle donc la FIA sur de nouvelles méthodes d'intervention à mettre en place qui pourraient améliorer la sécurité des commissaires. Au circuit Gilles-Villeneuve, mais également sur tous les circuits accueillant la F1.

« On va présenter ce rapport-là à la FIA », a dit François Dumontier.

C'est le cas de la recommandation de déterminer les points de levage appropriés à la charge, soit dans ce cas-ci la voiture.

La CSST remet en question le design même des voitures de course, car elles n'ont qu'un seul point de levage, dans la prise d'air moteur au-dessus de la tête du pilote.

Mais de là à demander à la FIA de modifier le règlement technique et le dessin des voitures pour qu'il y ait d'autres points de levage, il y a un pas que la CSST ne veut pas franchir.

« Je veux insister sur une chose, indique Ramdane Djedid, un des deux inspecteurs de la CSST qui ont bâti le rapport, à Radio-Canada Sports. Il existe plein d'options. Plusieurs solutions sont possibles. C'est aux organisateurs d'élaborer ces mesures et de nous les soumettre. Dans nos mesures d'interdiction, nous rappelons que les employeurs peuvent soumettre toute autre mesure. Nous en évaluerons l'équivalence.

« Nous examinerons la méthode qui nous sera présentée dans son ensemble. C'est très ouvert, insiste M. Djedid. Et nous serons toujours disponibles pour les soutenir dans leur démarche. C'est notre démarche de façon systématique. »

Les responsabilités du travailleur accidenté

Le rapport de la CSST ne parle de ce qui a provoqué la chute de l'appareil-radio de la victime, qui a conduit à l'accident dont a été victime Mark Robinson.

Selon les informations obtenues par Radio-Canada Sports, le travailleur accidenté ne portait pas à la taille la ceinture de service à laquelle l'appareil de communication-radio (communément appelé walkie-talkie) doit être accroché. Il avait accroché son appareil à sa poche droite.

Or, l'accident est survenu, dit la CSST, parce que M. Robinson a ralenti le pas alors qu'il était dans l'axe des roues du chariot-élévateur.

« Imaginez qu'il ait été ralenti par sa radio ou par autre chose, mais que la méthode ait été conforme aux exigences et aux directives du fabricant du chariot-élévateur, s'il courait très loin du chariot-élévateur… Vous voyez que la radio, même si c'est un élément contributif qui explique l'accident, ce n'est pas nié, ce n'est pas la cause essentielle. »

L'ACIND et le promoteur doivent tirer les leçons de cet accident, un dialogue s'impose avec la FIA afin d'appliquer les recommandations de la CSST. Mais la FIA acceptera-t-elle d'étudier le rapport?

En cette période de négociations sur le renouvellement du contrat qui lie Montréal à la F1, au-delà de la question budgétaire, l'avenir du Grand Prix du Canada dépend aussi maintenant de la capacité des intervenants à parler sécurité… et surtout à s'entendre.

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