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Bataille épique du tandem Dupuis-Goyette pour l'accès au Fonds de solidarité FTQ

Bataille épique du tandem Dupuis-Goyette pour l'accès au Fonds de solidarité FTQ
CEIC

Jocelyn Dupuis et son successeur à la FTQ-Construction étaient prêts à mener des attaques frontales contre la réputation de Michel Arsenault, Jean Lavallée et d'autres individus associés à ces derniers, comme Tony Accurso, pour s'assurer que Richard Goyette obtienne un siège au Fonds de solidarité FTQ.

C'est du moins la thèse que défend le procureur en chef adjoint de la commission, Me Denis Gallant, en se basant sur une série de conversations électroniques de l'opération Diligence de 2009 impliquant Richard Goyette, alors directeur général du syndicat, son prédécesseur Jocelyn Dupuis, ainsi qu'à certaines occasions Rénald Grondin, directeur du local des manoeuvres (AMI).

M. Dupuis, lui, rejette cette thèse et soutient plutôt que le conflit, réel, entre M. Lavallée et lui, tient au seul appétit de pouvoir de ce dernier au sein de la FTQ-Construction, qui aurait tenté de tasser son successeur à la direction générale.

Selon une écoute du 1er avril 2009, Jocelyn Dupuis aurait même été prêt à aller parler au réseau TVA après que Radio-Canada eut commencé à diffuser certaines révélations de Ken Pereira sur ses dépenses somptuaires, ce qu'il semble avoir perçu comme une escalade dans sa lutte avec le clan de l'ex-président de la FTQ-Construction Jean Lavallée, qu'appuyait M. Arsenault.

Dans cette conversation avec Rénald Grondin, M. Dupuis affirme alors qu'il doit sous peu être interviewé par Pierre Bruneau et qu'il entend dénoncer certaines pratiques de Bernard Girard et de Jean Lavallée, qu'il décrit comme des individus à la botte de l'entrepreneur Tony Accurso.

Il va jusqu'à avancer que l'équipe présentée par M. Lavallée aux élections de novembre 2008 était « contrôlée par Accurso ». M. Girard était alors candidat à la direction générale.

L'ex-directeur général de la FTQ-Construction va par la suite annoncer, le lendemain, à son ami Léonard Duguay, qu'il doit aussi être interviewé par Alain Gravel de Radio-Canada prochainement et qu'il n'hésitera pas, là encore, à déballer son sac sur MM. Accurso et Lavallée et leur volonté de garder le contrôle des contrats de la Solim, le bras immobilier du Fonds.

Il a d'ailleurs soutenu à la commissaire Charbonneau que l'entrepreneur Tony Accurso obtenait les contrats qu'il voulait de la Solim grâce à Jean Lavallée qui y siégait.

Son propos à « Ti-Nord » est sinon un long plaidoyer en faveur de son intégrité et de son innocence.

« J'ai pas de problèmes que Gravel me pose des questions. »

— Jocelyn Dupuis

Aucune des deux entrevues, cependant, n'auront finalement lieu. La commission n'a pas pu pour l'instant établir pourquoi.

Elle a cependant pu faire ressortir que les relations entre MM. Dupuis et Accurso vont s'améliorer dans les années à venir puisqu'ils vont à nouveau se fréquenter, comme en font foi des écoutes de l'opération Honorer de septembre 2012.

À l'origine de la querelle...

La querelle trouverait son origine dans une entente qu'auraient conclue, en septembre 2008, MM. Dupuis et Lavallée, et que ce dernier n'aurait pas respectée.

Les deux hommes auraient alors accepté de quitter ensemble leurs fonctions respectives de directeur général et de président de la FTQ-Construction, mais à certaines conditions. Ainsi, M. Lavallée gardait son siège à la SOLIM, le bras immobilier du Fonds, tandis que le futur directeur général accéderait au Fonds, ce dernier point émanant de la thèse de M. Gallant.

Par ailleurs, selon M. Dupuis lui-même, Jean Lavallée aurait même tenté, en vain, à cette occasion, de le convaincre de quitter le syndicat sans condition en lui offrant 500 000 $, 700 000 $, voire un million de dollars « au nom de la FTQ-Construction ». Il ne peut dire d'où l'argent serait venu.

L'entente finalement conclue a été mise à mal par la querelle électorale qui a par la suite déchiré la FTQ-Construction en deux camps adverses menés par MM. Dupuis et Lavallée. Puis, victorieux, le clan Dupuis vote une résolution selon laquelle c'est le directeur général, et non plus le président, qui siégera dorénavant comme vice-président sur l'exécutif de la FTQ.

Or, seul un dirigeant syndical membre de cet l'exécutif peut accéder au Fonds, sous réserve que le président, sinon l'exécutif lui-même, lui donne accès à un siège.

Ceci aurait dû conduire à l'obtention par M. Goyette d'un siège, mais les conversations entendues à la commission indiquent qu'au début 2009, il y a encore de la résistance de la part de Michel Arsenault et M. Lavallée, qui est toujours, lui, à la Solim.

« Parce qu'ils sont tellement vicieux, les tabarnak, autant Arsenault que Lavallée. »

— Jocelyn Dupuis, 11 février 2009

Dupuis et Goyette fourbissent leurs armes

Lors d'une conversation du 11 février entre Rénald Grondin, Richard Goyette et Jocelyn Dupuis, tous se disent déterminés à ce que l'entente soit menée à terme.

« Il faut que tu sois sur le C.A. du Fonds, y faut que tu sois nommé par le Conseil général. Ça, moi, si c'est pas ça, y a pas de négos là. On n'est pas là pour aller négocier en perte là. On est là pour s'assurer que le deal initial est maintenu. »

— Échange entre Jocelyn Dupuis et Richard Goyette

M. Dupuis se dit même prêt à confronter Michel Arsenault et Jean Lavallée sur le fait qu'il n'est pas le seul à avoir eu des dépenses somptuaires, comme l'a révélé Ken Pereira, pour débloquer la situation, disant pour sa part ne pas craindre qu'on les rende publiques.

« Je m'en câlisse, sortez-les tabarnak (...) J'ai pas volé, moé. »

— Jocelyn Dupuis

Lors de l'échange, M. Dupuis fait ainsi allusion à un montant de 15 000 $ qu'il aurait donné à Éric Boisjoli pour qu'il fasse des « factures falsifiées » pour justifier son maraudage, en plus de faire des allusions sur Bernard Girard, candidat défait de l'équipe Lavallée pour le poste de directeur général.

Il parle du compte de dépenses de ce dernier, mentionne un repas à L'ONYX de Tony Accurso et parle en outre d'une affaire de 25 000 $ qu'il semble aussi associer à M. Girard.

Il évoque aussi une somme de 150 000$ qui, selon une écoute ultérieure du 2 avril 2009, aurait permis à M. Girard de garder ses représentants sur sa liste de paie, sans avoir à obtenir l'autorisation de l'exécutif.

On entend aussi M. Dupuis dans cette même écoute dire que Bernard Girard et Jean Lavallée avaient été jusqu'à proposer à M. Grondin de payer son hypothèque pour qu'il vote de leur bord lors des élections.

Selon Rénald Grondin, MM. Girard et Lavallée sont prêts à rentrer dans les rangs.

M. Dupuis semble aussi avoir des choses à dire sur les séjours de M. Arsenault sur le Touch de Tony Accurso. « Regarde, quand il a caché qu'il est allé sur le bateau avec... M'as le ramasser moi ».

« Arsenault capote parce que ça commence à sortir de partout. C'est une crisse de bonne affaire. »

— Jocelyn Dupuis

M. Dupuis dira cependant devant la commission qu'il ne peut dire quel intérêt avait M. Arsenault à séjourner sur le Touch.

Dupuis prêt à faire chanter Lavallée sur ses propres liens avec Desjardins

Des conversations faites plus tôt, au mois de janvier, indiquent aussi que Jocelyn Dupuis disposait de preuves solides démontrant que Jean Lavallée avait, comme lui, des liens d'affaires avec Raynald Desjardins, une information qu'il était prêt à dévoiler au président de la FTQ afin de nuire à la bonne entente entre les deux hommes.

Un extrait d'écoute électronique d'une discussion du 26 janvier 2009 entre Jocelyn Dupuis et Richard Goyette indique qu'à l'époque, M. Arsenault pense encore que M. Lavallée n'a rien à se reprocher.

M. Goyette parle alors à M. Dupuis en marge d'un repas avec M. Arsenault. Ils discutent d'un chèque de 5000 $ que Raynald Desjardins a fait à la FIPOE, le syndicat des électriciens dirigé par Jean Lavallée.

M. Desjardins, soulignent-ils, a déjà remboursé à M. Lavallée quelque 200 000 $. Le tout constitue un remboursement pour un condo au 6650 Couture.

L'émission enquête avait déjà révélé que de nombreux condos de l'immeuble sur Couture, dont la construction avait été financée entièrement par la FIPOE, avaient été achetés par des dirigeants de la FTQ, des individus liés à la mafia et par Tony Accurso.

La commission avait aussi fait réentendre un extrait d'écoute du 21 janvier 2009, déjà présenté par l'enquêteur Stephan Cloutier, dans laquelle Richard Goyette annonce à M. Dupuis que M. Arsenault doit sous peu le nommer au Fonds de solidarité.

Méfiant, cependant, le nouveau directeur du Fonds est prêt à menacer le président de la FTQ de produire une lettre qui pourrait forcer une enquête sur Jean Lavallée et la Solim et lui coûter le siège qu'il y occupait.

M. Dupuis lui souligne de rappeler à M. Arsenault qu'il a lui aussi des documents contre M. Lavallée.

Il s'agit des chèques pour les condos sur Couture, soutient M. Dupuis à la commission.

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