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L'avocat du sénateur Mike Duffy implique le cabinet du premier ministre

L'avocat de Mike Duffy implique le bureau de Harper
CP

OTTAWA - Après avoir d'abord donné sa bénédiction à Mike Duffy pour ses indemnités de logement, le bureau du premier ministre aurait fait volte-face et tenté de lui faire avaler un scénario destiné à étouffer le scandale.

L'avocat du sénateur tombé en disgrâce a affirmé, lundi, que Nigel Wright, alors chef de cabinet de Stephen Harper, avait confirmé à M. Duffy par courriel — aussi récemment qu'en décembre 2012 — que ses réclamations étaient légitimes.

Mais selon Me Donald Bayne, voyant que la controverse ne s'essoufflait pas, le bureau du premier ministre aurait concocté «un scénario», qu'il aurait tenté d'imposer au sénateur à force de «pressions et menaces».

«Il était devenu une patate chaude. Il est passé du statut de l'un de leurs meilleurs atouts politiques à l'un de leurs pires boulets», a illustré Me Bayne.

Dans une conversation en février dernier, M. Wright aurait annoncé à M. Duffy que le bureau du premier ministre allait régler sa situation, en lui fournissant des réponses à répéter aux médias, mais surtout, en lui offrant les 90 000 $ qu'il devait rembourser au Sénat pour des allocations auxquelles il n'avait pas droit. La raison: ce dossier déplaisait à la base électorale des conservateurs.

M. Duffy aurait relaté cette conversation dans une note adressée à ses avocats d'alors.

«C'est un scénario — selon les propres mots de Nigel Wright — qui a été créé pour le sénateur Duffy, pas parce qu'il avait quelque chose à cacher ou avait fait des réclamations inappropriées, mais parce que le bureau du premier ministre avait décidé qu'il voulait balayer sous le tapis un embarras politique pour la base conservatrice», a signalé Me Bayne.

Et tout cela n'est que la «pointe de l'iceberg», a-t-il insisté. Il a soutenu avoir quantité d'éléments de preuve, dont d'autres courriels. Il a toutefois refusé de les divulguer en raison de l'enquête en cours par la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Suspension

Le sénateur Duffy fait désormais face à la menace qu'on lui brandissait s'il refusait d'obtempérer: le chef du gouvernement au Sénat, Claude Carignan, a annoncé la semaine dernière son intention de déposer mardi trois motions pour le suspendre sans salaire, tout comme ses anciens collègues Pamela Wallin et Patrick Brazeau. Il les accuse de «négligence grossière» dans la gestion de leurs ressources parlementaires.

Aux yeux de Me Bayne, les conservateurs agissent ainsi comme une foule qui réclamerait une peine sans procès. Tout comme l'avocat de Mme Wallin, il envisage de poursuivre l'institution si la motion du sénateur Carignan est adoptée.

Il a répété que son client n'avait rien fait de mal et qu'il avait fait confirmer à plusieurs reprises qu'il pouvait déclarer une résidence principale à l'Île-du-Prince-Édouard tout en étant souvent à Ottawa. Peu de temps après avoir été nommé à la Chambre haute, il se serait enquis auprès de la leader du gouvernement au Sénat de l'époque, Majory LeBreton, qui lui aurait affirmé que les règles à cet effet n'étaient «pas définies». Réponse similaire de la part d'un autre sénateur conservateur, John Wallace, du comité sur l'éthique. Ni l'un ni l'autre n'ont voulu commenter les dires de l'avocat de M. Duffy lundi.

Assistant à la période de questions pour la première fois depuis juin dernier, Stephen Harper s'est fait presser de questions au sujet de celui qu'il avait lui-même nommé au Sénat en 2008. L'opposition a cherché à savoir qui d'autre à son bureau connaissait l'existence du chèque de 90 000 $, mais M. Harper a continué de répéter que Nigel Wright avait agi seul.

«Nous avons été très clairs que nous nous attendons à ce que tous les parlementaires respectent l'esprit et la lettre de toute règle concernant les dépenses, et que s'ils ne les respectent pas, ils peuvent s'attendre à ce qu'il y ait des conséquences et doivent répondre de leurs actes», a-t-il martelé.

Mais les partis d'opposition croient que son bureau est plus impliqué dans ce fiasco qu'il ne le laisse paraître.

«C'est beau de dire (qu'avec) Nigel Wright, on a trouvé un responsable au niveau du bureau du premier ministre. N'empêche que les éléments qu'on reçoit à tort ou à raison (...) laissent croire à beaucoup plus d'implication du côté du bureau du premier ministre», a soutenu la députée néo-démocrate Francoise Boivin.

Le député libéral Dominic LeBlanc a pour sa part avancé que c'est le chef conservateur lui-même qui devrait exposer au grand jour les documents qu'il posséderait sur l'affaire Duffy-Wright. «La personne qui devrait les révéler est l'architecte de toute cette dissimulation: M. Harper lui-même», a-t-il lancé.

Les cas des deux autres sénateurs qui pourraient perdre le droit de siéger mardi diffèrent de celui de M. Duffy sur certains points.

M. Brazeau a lui aussi eu des démêlés avec l'administration du Sénat concernant des allocations de logement touchées à tort, mais il est, en parallèle, accusé de voie de fait et d'agression sexuelle. Quant à Mme Wallin, elle a eu à rembourser 140 000 $ pour des frais de voyage qu'elle n'aurait pas dû réclamer à la Chambre haute.

Les trois sénateurs sous enquête de la (GRC) ont été nommés par Stephen Harper.

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Pierre-Hugues Boisvenu

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