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La vie d'Adèle: retour sur la polémique qui oppose Abdellatif Kechiche et Léa Seydoux

Palme de la polémique
Wild Bunch

"Nous nous sentions comme des prostituées." Point d'orgue de la campagne de communication mouvementée qui entoure La vie d'Adèle, cette exergue choisie par The Independent pour l'interview menée par les deux actrices, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos.

Cette citation est la dernière pierre d'une longue polémique qui accompagne la promotion du film. Palme d'or au festival de Cannes, œuvre choc sur une passion absolue entre deux jeunes femmes, le film est bousculé par la controverse qui oppose Seydoux au réalisateur Abdellatif Kechiche.

En dénonçant pêle-mêle, les conditions du tournage, l'omniprésence médiatique, les méthodes dictatoriales ou les origines bourgeoises, les protagonistes ont fait durer une polémique dont les ramifications remontent jusqu'à la Croisette.

Bande-annonce:

Failles

Le 26 mai dernier, c'est la consécration. La vie d'Adèle reçoit une triple Palme. Le trio actrices/réalisateur y allait de ses larmes de joie au moment de recevoir le prix. La vision d'une belle équipe et d'un beau moment était offerte aux amateurs de cinéma. Dans la journée pourtant, Le Monde avait publié un communiqué de la branche cinéma et audiovisuel de la CGT. En cause, les conditions de tournage et de production du film d'Abdellatif Kechiche.

"Nos collègues ayant travaillé sur ce film nous ont rapporté des faits révoltants et inacceptables. Le tournage était prévu pour deux mois et demi. Finalement il a duré le double, à budget constant. Et pour faire du Kechiche, il faut être là à 100%. Sur cinq mois, ce n'est pas tenable."

Le syndicat dénonce tous les manquements au Code du travail. Promesses salariales non tenues, temps de présence étirable à merci, comportement proche du "harcèlement". Sur fond de division de la profession sur la nouvelle convention collective, la missive n'est pas innocente.

Symbole

Julie Maroh, auteur du Bleu est une couleur chaude, la bande dessinée qui a inspiré le film, apporte elle aussi sa pierre à l'édifice. "Je ne doute pas qu'il avait de bonnes raisons (...) de ne pas me rendre visible sur le tapis rouge à Cannes alors que j'avais traversé la France pour me joindre à eux. (...) et de ne pas me recevoir, même une heure, sur le tournage du film. De n'avoir délégué personne pour me tenir informée du déroulement de la production entre juin 2012 et avril 2013, ou pour n'avoir jamais répondu à mes messages depuis 2011."

Malgré ces quelques cailloux dans la chaussure, le film est salué unanimement. La Palme récompense une histoire d'amour entre deux jeunes filles et est rebaptisée un temps du hashtag #Palmepourtous sur Twitter, d'autant plus symbolique que la Manif Pour Tous rassemble à Paris les opposants au mariage gay le même jour.

Fractures

Le film débarque de l'autre côté de l'Atlantique pour une tournée de festivals (Telluride puis Toronto). C'est là qu'une véritable fracture va s'opérer. Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos déballent la grosse artillerie lors d'un entretien au Daily Beast. Face à un média anglo-saxon, les deux actrices ne sont plus dans la nuance.

Bien qu'elles louent les qualités du film, elles parlent en parallèle d'un tournage "horrible" notamment lors des longues et très explicites scènes de sexe, des journées sans fin et des centaines de prises pour une même séquence. Une expérience qu'elles ne souhaitent pas renouveler.

Plus mesurée dans un entretien à Télérama, Léa Seydoux, omniprésente à la Une des magazines, jure qu'elle ne tournera plus avec Abdellatif Kechiche.

Punchlines

La réponse du réalisateur ne se fait pas attendre. Dans des propos rapportés par Ramzy Malouki, l'envoyé spécial de Canal+ à Los Angeles, Abdellatif Kechiche apparaît légèrement paranoïaque et invoque même la lutte des classes.

Interrogé par le HuffPost Québec, Abdellatif Kechiche se défend: "Je n'oblige personne à adhérer à ma façon de travailler. Tout réalisateur possède ses propres exigences. En ce qui me concerne, les comédiens doivent incarner des personnages plus que les jouer."

Dans Télérama, le cinéaste va même plus loin et se décrit "humilié et déshonoré" par les propos de Léa Seydoux qui estime que l'actrice "vole la vedette au film et à Adèle".

"Selon moi, ce film ne devrait pas sortir, il a été trop sali. La Palme d'or n'a été qu'un bref instant de bonheur. Ensuite, je me suis senti humilié, déshonoré. J'ai senti un rejet de ma personne que je vis comme une malédiction."

Adèle Exarchopoulos justement, s'est plutôt tenue en retrait des polémiques. Tentant de calmer le jeu, elle explique aux Inrockuptibles voir le cinéaste comme un "génie". "Abdel ne nous a ni frappées ni torturées, il nous a juste demandé de tout donner".

Pour Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes et fondateur du Festival Lumière de Lyon dédié au film classique, les échanges assassins entre Kechiche et ses actrices "ne sont pas une polémique". "À aucun moment les filles ont dit qu'elles n'aimaient pas le film", estime-t-il à l'AFP

"C'est un langage de vérité auquel on n'est pas habitué: la vérité de ces deux actrices qui disent tout simplement que 'oui le tournage a été difficile' et le langage de Kechiche qui dit 'oui je suis comme cela, j'ai besoin de cet engagement total pour travailler'.

Découvrez dans le diaporama ci-dessous quelques images du film:

La vie d'Adèle

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