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Un Canadien en mission en Syrie
Radio-Canada

L'inspecteur en armes chimiques canadien pour l'Organisation des Nations unies (ONU) Scott Cairns se trouve Damas, en Syrie, où il participe à l'effort international de démantèlement de l'arsenal d'armes chimiques du régime du président Bachar Al-Assad.

C'est un retour vers Damas pour le Canadien qui y était le soir de l'attaque 21 août dernier. Peinant à trouver le sommeil dans la sécurité relative de sa chambre d'hôtel, il a vu, à sa fenêtre, ce qui semblait être des combats dans l'est de la Ville.

« Je ne savais pas de quoi il s'agissait à ce moment », explique M. Cairns au réseau anglophone de Radio-Canada. « Ce sont des événements qui surviennent fréquemment... des tirs sont effectués à partir ou contre Damas. Il y a constamment des tirs et des explosions. Ce n'est que plus tard, lorsque j'ai vu les reportages, que j'ai réalisé ce qui venait de se produire. »

L'attaque chimique contre une banlieue de Damas s'est produite au moment où une équipe d'inspecteurs de l'ONU se trouvait sur le terrain afin de vérifier les allégations de trois utilisations précédentes d'armes chimiques dans ce pays ravagé par une guerre civile depuis maintenant plus de deux ans. Tant le régime syrien que les rebelles se rejettent le blâme, depuis, de ces recours aux armes chimiques.

Le mandat de M. Cairns et de son équipe est désormais d'amorcer le processus de démantèlement et la destruction de l'arsenal chimique de la Syrie.

Une tâche herculéenne

Cairns soutient que d'inspecter la région de Damas attaquée à l'arme chimique aussitôt après l'attaque a constitué un défi inattendu pour l'équipe de l'ONU. L'événement s'est toutefois avéré un catalyseur dans la décision de détruire l'arsenal chimique de la Syrie qui dispose, selon les experts de l'ONU, de 1000 tonnes d'agents chimiques et ses précurseurs comme du gaz sarin et moutarde.

Bien qu'il clame toujours son innocence pour l'attaque chimique contre la banlieue de Damas du 21 août dernier, le régime de Bachar Al-Assad a accepté la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU stipulant que l'arsenal complet devait être détruit au plus tard au milieu de l'an prochain.

L'équipe d'inspecteur de M. Cairns est entrée en Syrie pour inspecter les armes déclarées par le régime Al-Assad dans son inventaire préliminaire. Cairns sera responsable des équipes sur le terrain qui visiteront les sites identifiés par le régime. Deux autres Canadiens se joindront plus tard à l'effort international de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).

Supprimer la totalité des armes chimiques syriennes est « très difficile », selon M. Cairns. « C'est une tâche extrêmement ambitieuse dans un environnement idéal ou dans un pays en temps de paix », prévient-il. « Réaliser un tel exploit en quelques mois ou en un an, dans un pays ravagé par la guerre, est à la limite de l'impossible. »

L'OAIC espère que plusieurs pays contribueront à payer pour la destruction des armes chimiques. Une opération qui s'annonce coûteuse, selon l'organisation.

Pour l'heure, la priorité consiste à mettre un terme à la production d'armes chimiques pour le premier novembre prochain. La tâche consistera essentiellement à endommager de façon irrémédiable la machinerie servant à la production et le matériel nécessaire à la fabrication.

Un chimiste au service du ministère de la Défense

Originaire de Burlington, en Ontario, Scott Cairns est un expert en armes et munitions chimiques. Il a grandi au sein d'une famille de militaires déménageant fréquemment à l'intérieur des frontières canadiennes.

Il a étudié la chimie à l'Université du Manitoba avant de décrocher un emploi au sein du ministère de la Défense à Suffield en Alberta. Il a apporté son expertise de la chimie, de 2002 à 2007, aux militaires et aux agences gouvernementales. Il a également entraîné les Forces en matière d'agent chimique.

M. Cairns est déménagé à La Haie en 2008 où il a joint les rangs de l'OIAC. Il compte désormais sur une précieuse expérience du terrain syrien qui l'aidera au cours de sa prochaine mission. Il estime que la clé pour occuper le poste de leader de l'équipe d'inspecteurs est de maintenir une impartialité en dépit des intérêts divergeant des diverses factions qui s'entrechoquent sur le terrain.

La sécurité de l'équipe demeure un défi comme le prouve l'attaque d'un tireur d'élite survenu en août dernier. Cet incident est intervenu lors de l'inspection des lieux de l'attaque du 21 août.

Il a interprété l'attaque du tireur d'élite comme « un message plutôt qu'une réelle attaque... [un message] destiné à l'ONU afin de la forcer à tourner les talons et quitter [la Syrie] ». Ils n'ont cependant pas quitté le territoire. Ils sont plutôt retournés à Damas pour changer de véhicules avant de revenir sur le site de l'attaque chimique afin de colliger les preuves.

Les preuves récoltées par l'équipe de l'ONU ont permis à plusieurs pays d'identifier le régime comme étant à l'origine de l'attaque et que du gaz sarin avait été utilisé.

Inspecteur, mais humain malgré tout

Aussi impartiaux qu'ils essaient de demeurer, les inspecteurs sont néanmoins confrontés à la réalité des gens sur le terrain. « Il y a des cas où des enfants ont perdu leur mère, leur père ainsi que tous leurs proches », relate Cairns. « En les regardant dans les yeux, vous voyez qu'ils ignorent de quoi sera fait leur avenir. »

« Et c'est une lutte de tous les instants, comme l'ont sûrement expérimenté tous ceux qui se sont déjà rendus dans ces zones, de s'en tenir aux limites de sa fonction professionnelle parce que vous voulez faire tout pour tout le monde. Mais, c'est impossible. Vous vous concentrez sur la tâche que vous avez à accomplir... Si nous avions dérogé à notre strict engagement, aussi limitée soit la tâche que nous avions à accomplir, nous aurions échoué, de toute façon, dans notre tentative de sauver tout le monde. »

Le choix de Canadiens pour ces missions s'impose dans ces circonstances, selon M. Cairns. « Nous avons une réputation de longue date à travers le monde pour être des gens vers qui se tourner pour maintenir la paix », soutient M. Cairns.

M. Cairns a la conviction que son travail aide les gens sur le terrain. « Ce sont des armes horribles, confie-t-il. Il n'y a aucune raison de les utiliser à notre époque. »

« Le fait que les gens nous remercient me confirme que nous faisons quelque chose de bien », conclut-il. « C'est un baume qui apaise ma conscience, le soir venu, et je sais que ça aide mon équipe. »

Les armes artisanales des rebelles en Syrie

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