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Les Aiguilles et l'opium: Réflexion sublime sur la douleur

Les Aiguilles et l'opium: Réflexion sublime sur la douleur
Courtoisie

Un texte puissant, un dispositif scénique impressionnant, Les Aiguilles et l'opium version 2013, une autre création ingénieuse de Robert Lepage.

Une des choses que les aiguilles d'acupuncture ne guérissent pas, nous dit le personnage central de la pièce, c'est une peine d'amour. Robert, un comédien québécois en séjour professionnel à Paris, tente de fonctionner malgré une rupture amoureuse récente. En parallèle, l'impossible amour entre Miles Davis et Juliette Gréco et la déclaration d'amour-haine faite par Jean Cocteau au peuple américain dans un texte publié en 1949. Et comme toujours avec Robert Lepage, le tout s'emboîte, s'imbrique, de façon fluide et ludique.

Créé en 1991, Les Aiguilles et l'opium est probablement l'un des textes les plus réflexifs de Robert Lepage. La douleur, la déchéance, la difficulté de créer en dehors d'un cadre, le texte de Lepage est tout en questions, moins dans le récit que certains spectacles plus récents.

Comme espace de jeu, un cube, dont l'une des faces est ouverte. Monté sur un dispositif pivotant, ce cube bouge, tourne, dans toutes les directions, tel un astre en orbite. Grâce à un système de trappes et de projections, il devient tantôt une chambre d'hôtel, un studio d'enregistrement ou un club de jazz. La nouvelle version des Aiguilles et l'opium a pu bénéficier des avancées technologiques développées par l'équipe d'Ex Machina, notamment du travail de création d'images de Lionel Arnould. En quelques projections succinctes, un métro, une ruelle un « pawn shop», on plonge avec Miles Davis dans la déchéance et la drogue. Soulignons d'ailleurs le travail du danseur-et acrobate Wellesley Robertson III, dans le rôle de Miles Davis, une prestation qui l'oblige à se mouvoir dans ce cube, à l'endroit, à l'envers, à en escalader la structure et à se laisser chuter dans sa pente.

À Marc Labrèche, qui entre la version de 1994 et la nouvelle production est devenue l'immense vedette de télévision qu'on connaît, on n'a aucun reproche à adresser. Par contre, dans chacune des phrases et des intonations, on ne peut s'empêcher d'entendre Robert Lepage, l'acteur. Comme chaque fois qu'il nous a été donné de voir une création de Lepage avec un acteur-remplaçant (Le dragon bleu, Le projet Andersen) les Henri Chassé, Yves Jacques et Marc Labrèche ont beau être de formidables acteurs, on regrette toujours l'absence de Lepage, le comédien. Sa façon de jouer si particulière, sans projection de voix et avec une théâtralité minimum, servent si bien les mots... ses mots. Mais chose certaine, Labrèche prouve qu'il peut encore entrer dans des zones de jeu plus intimistes.

Bien qu'avec la peine d'amour comme thématique principale, Les Aiguilles et l'opium offre son lot de moments comiques. On retiendra entre autres une formidable scène où Robert explique à un hypnotiseur pourquoi l'histoire du peuple québécois est une comédie de boulevard qui se résume en moins de cinq actes et comment « les années qui finissent par un zéro » ont fait le Québec.

Vers la fin du spectacle, le personnage de Robert se demande comment faire pour sublimer la douleur quand on n'a pas le génie de Miles Davis ou de Jean Cocteau. Lepage, lui, n'a aucune question à se poser quant à son propre génie, dont on voit une autre des multiples facettes.

Les Aiguilles et l'opium - Texte et mise en scène : Robert Lepage - Avec Marc Labrèche et Wellesley Robertson III

Au Théâtre du Trident jusqu'au 18 octobre.

Au Canadian Stage de Toronto du 22 novembre au 1er décembre.

Au TNM, du 6 au 31 mai 2014.

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