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Belles-Sœurs, au Monument-National: ne boudez pas votre plaisir...

Belles-Sœurs, au Monument-National: ne boudez pas votre plaisir...
Valerie Remise

Elles sont si pétillantes, les Belles-Sœurs de Michel Tremblay, dans la comédie musicale mise en scène par René Richard Cyr et rythmée au son des airs de Daniel Bélanger. Vous n’avez pas encore vu ce petit chef-d’œuvre? Courez-y. Présentée en tournée depuis deux ans, la pièce refait escale à Montréal, au Monument-National, jusqu’au 21 septembre. Et, même si vous l’avez déjà applaudie, ne boudez pas votre plaisir et retournez-y. On n’a jamais trop de la folie de Belles-Sœurs dans ce monde souvent terne.

Car tout, dans cette création joliment adaptée au goût du jour, frise la perfection. D’abord, le texte, intemporel, joué depuis 1968, qui raconte les petites misères des femmes de l’époque, coincées dans leur cuisine, aux prises avec un quotidien fait de tâches ménagères et de progéniture peu reconnaissante. L’histoire de cette théâtrale et manipulatrice, mais attachante, Germaine Lauzon (son « Maudit verrat de bâtard que ‘chu donc tannée! », résonne à la fois sincère et mille fois exagéré dans nos oreilles), magistralement interprétée par Marie-Thérèse Fortin, qui gagne un million de timbres-primes et qui invite ses amies à un « party de collage de timbres ». On reconnaîtra tous une proche parente ou une vague connaissance dans cette « dame du peuple », pour qui le bonheur passe par la possession, par les mille et une babioles qu’elle pourra se procurer avec ces bouts de papier qui lui tombent dessus comme un cadeau du ciel. Et on aura aussi une impression de déjà-vu en rencontrant ses sœurs, ses belles-sœurs, ses voisines venues lui prêter main-forte autour d’une « liqueur » et d’un plat de « peanuts ». Ces Rose Ouimet, Marie-Ange Brouillette, Des-Neiges Verrette, Yvette Longpré, Thérèse Dubuc et autres Angéline Sauvé qui crèvent de jalousie devant l’hôtesse, et qui finiront par lui voler tous ses précieux timbres. Ces adorables commères, qui ont la critique et le jugement faciles, mais qui reçoivent bien souvent sur le nez les crachats qu’elles envoient en l’air.

Autre aspect à encenser: les prestations des comédiennes, qui nous font rire, pleurer, parfois les deux en même temps, et qui nous transportent dans cet univers à la fois bon enfant et plein de gravité. Elles nous chantent leurs joies et leurs déboires avec vérité, avec cœur, et on croit sans peine à leurs éclats et leurs tourments. Sonia Vachon (Rose Ouimet) est hilarante. Kathleen Fortin (Des-Neiges Verrette) est attendrissante. Suzanne Lemoine (très frustrée Marie-Ange Brouillette) est craquante. Maude Guérin (Pierrette Guérin) est sensible. Et que dire de Janine Sutto, dont l’énergie comique est comparable à celle de ses cadettes, et qui vole le show à chaque fois que l’attention se porte sur elle. Et on en passe.

Il y a aussi ces merveilleuses trouvailles de mise en scène, comme cette plateforme surélevée où sont assises les actrices qui ne font pas partie de l’action immédiate, mais qui nous permet, en un coup d’œil, de jauger leur personnage et d’anticiper leur arrivée. Il y a ces irrésistibles ritournelles qui nous incitent à taper du pied, et qu’on a le goût de fredonner plusieurs heures après être sorti de la salle : Gratis, Maudite vie plate, J’ai-tu l’air de que’qu’un qui a déjà gagné que’qu’chose?, L’ode au bingo… Et il y a cette absence totale de prétention, qui fait de Belles-Sœurs un spectacle divertissant, coloré, rafraichissant, qu’on prend plaisir à découvrir et redécouvrir.

Une question s’impose, maintenant : serait-on capable d’apprécier à sa juste valeur une version « non musicale » des Belles-Sœurs, après avoir savouré les tableaux concoctés par le trio Tremblay-Cyr-Bélanger? Certes, le classique de Michel Tremblay ne prendra jamais une ride et ne perdra en aucun cas de son lustre et de sa pertinence. Mais, maintenant, ses Belles-Sœurs transpirent une magie nouvelle, plus moderne, plus vivante. Les années 1960 n’ont jamais paru aussi vitaminées, malgré leurs zones d’ombre.

Après son passage à Montréal, la troupe de Belles-Sœurs se rendra à Québec, Terrebonne, Brossard, Gatineau, Longueuil, Joliette et Saint-Hyacinthe. Pour informations: www.belles-sœurs.ca.

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Les Belles-soeurs

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