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Les évêques craignent que le militantisme antireligieux menace l'identité québécoise

Les évêques craignent que le militantisme antireligieux menace l'identité québécoise
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QUÉBEC - Les évêques du Québec s'inquiètent des dérives du débat sur la charte des valeurs. Il y a un grave danger: le militantisme antireligieux menace bien plus l'identité québécoise que l'ouverture aux religions, de l'avis du président de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec, Pierre-André Fournier.

Dans une entrevue à La Presse Canadienne, il a fait part, vendredi, de ses impressions sur le débat en cours, à quelques jours d'une réunion de tous ses frères évêques du Québec.

«Le débat va dans toutes les directions», a fait remarquer, préoccupé, Mgr Fournier, qui est aussi évêque de Rimouski.

«Il va falloir clarifier, cela risque de semer la division, bien plus que d'être rassembleur», a-t-il ajouté en convenant qu'il existe des éléments explosifs dans la proposition du gouvernement Marois. «Cela n'est pas bien exprimé, cela n'est pas complet. Ce qui est dans les documents ne nous satisfait pas.»

Le projet de charte des valeurs du Parti québécois présenté cette semaine vise notamment à garantir la neutralité de l'État, à interdire les signes religieux très visibles chez les employés de l'État et à baliser les accommodements raisonnables. L'Assemblée des évêques avait été mise au courant par des élus du dépôt imminent du document et de ses grandes lignes, peu après les premiers reportages sur son contenu, a dit Mgr Fournier. L'Assemblée fait valoir que la laïcité s'applique aux institutions, pas aux individus, qui sont libres de manifester leurs convictions religieuses.

La fameuse question du voile fait diversion par rapport à l'enjeu fondamental, qui est la définition de la laïcité, a affirmé le président de l'Assemblée des évêques dans un entretien téléphonique depuis son évêché dans le Bas-Saint-Laurent. «C'est comme le magicien: tout le monde regarde quelque chose, alors que la vraie chose se passe ailleurs, on tire sur l'autre fil.»

Selon lui, la confusion autour de la laïcité et de la neutralité risque de rayer d'un trait 400 ans d'histoire, étant donné le passé religieux important du Québec, qui fait partie de l'identité québécoise. La séparation de l'Église et de l'État est déjà faite au Québec, le Québec est déjà une société laïque, a déclaré Mgr Fournier, qui se demande à quelle société laïque on aspire. Il met en garde contre un État neutre qui se trouverait à prendre position contre les religions, ce qui deviendrait un athéisme d'État.

«Un militantisme antireligieux, fortement opposé à la religion, c'est plus menaçant pour l'identité québécoise que l'ouverture aux religions. C'est un danger. L'Église catholique risque d'être plus affectée que les autres religions dans tout cela, à cause de notre histoire qui risque d'être restreinte à peu de choses.»

On pourrait ainsi perdre une partie de l'identité québécoise dans la démarche, qui cherche pourtant à la préserver et la renforcer.

Mgr Fournier dit avoir d'ailleurs déjà été mis au courant, depuis quelques jours, d'«interprétations fausses» de la charte, avant même qu'elle n'entre en vigueur. Des municipalités refuseraient déjà de prêter des locaux pour le culte, au nom de la laïcité, dans plusieurs diocèses.

«Imaginez (ce que ce sera) quand la loi va passer», a-t-il laissé entendre, en déplorant que l'Église catholique soit mise sur le même pied que n'importe quelle secte.

Les évêques ont bien l'intention de prendre part aux consultations qui auront lieu, au moment du dépôt du projet de loi. Mgr Fournier se demande toutefois s'il sera adopté, étant donné l'opposition en Chambre.

Une vingtaine d'évêques catholiques seront donc réunis à Trois-Rivières, du 17 au 20, pour discuter de la charte. Ils veulent notamment élargir le débat à l'ensemble des valeurs québécoises, par exemple la coopération, a indiqué Mgr Fournier. Ils débattront aussi de la pertinence d'une charte ou d'une loi, ainsi que du port du voile chez les employés de l'État, et bien sûr, le crucifix à l'Assemblée nationale.

Mgr Fournier a dit espérer que ce débat de société permette aux Québécois de relire leur histoire, pour qu'ils voient «les bienfaits» des gestes posés par nos ancêtres. «Je souhaite un réveil de fierté. Ne faisons pas une rupture qui nous couperait de nos racines.»

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