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Opération Hégémonie: un homme d'affaires victime d'incendiaires

Opération Hégémonie: un homme d'affaires victime d'incendiaires
Capture d'écran

Jocelyn Anctil, un homme d'affaire prospère et ambitieux de l'Estrie, a raconté à la commission Charbonneau comment ses entreprises ont été victimes d'une série d'incendies criminels entre 2009 et la fin 2010.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

M. Anctil, qui estime avoir encaissé des pertes entre 800 000 $ et 900 000 $ durant cette période, a vécu difficilement ce régime d'intimidation qu'on lui a fait vivre, jusqu'à ce que la police lance l'opération Hégémonie, qui intéresse la commission depuis le début de la semaine.

Les problèmes de M. Anctil ont commencé lorsqu'il a pris de l'expansion à Magog en achetant Matériaux Magog-Orford, en 2007, pour y vendre notamment des ponceaux. Son principal compétiteur y est alors Ponceaux de l'Estrie.

L'un des propriétaires de cette entreprise meurt cependant en 2008, ce qui change la donne. La femme d'un dénommé Raymond Coulombe prend alors la relève, selon M. Anctil, mais ses affaires péréclitent, alors que celles des commerces du groupe Anctil prospèrent.

Cette situation suscite la colère de M. Coulombe : « Je pense qu'il ne nous aimait pas beaucoup ».

M. Anctil est le président de Gestion J.Anctil, qui possède des quincailleries Rona à Sherbrooke, Magog et Saint-Denis-de-Brompton, un centre de services pour des travaux de construction à Granby, ainsi que Maisons Orford, une compagnie spécialisée dans la fabrication de maisons préusinées. Il emploie quelque 600 personnes et fournit notamment des ponceaux.

Anctil frappé par une série d'incendies criminels

Une des entreprises de M. Anctil, Maison Orford, qui fait des maisons préfabriquées, est alors victime d'un incendie suspect en mars 2009, ce qui résulte en une perte totale et 350 000 $ de dommages. Mais selon M. Anctil, l'enquête n'a pas permis de faire de lien avec M. Coulombe. Des pompiers volontaires, semble-t-il, auraient allumé le feu.

Puis, les incendies se succèdent. Debut avril 2010, une maison modèle sur le terrain de Maisons Orford est incendiée : une perte de 50 000 $.

Peu après, le 5 avril, un feu éclate sur les terrains de la Division Environnement du Groupe Anctil à Granby : des dommages de 147 000 $.

Plus tard, le 25 avril, un autre incendie éclate à Matériaux J. Anctil à Saint-Denis-de-Brompton dans son inventaire de ponceaux. Les pertes sont évaluées à 20 000 $.

«Je ne me suis pas posé la question, j'ai dit : ''ils viennent de mettre le feu.» — Jocelyn Anctil

Enfin, le 21 décembre, un feu éclate à Matériaux Magog-Orford, en plein jour, dans sa réserve de ponceaux : les dommages s'élèvent à 170 000 $.

M. Anctil soutient que dès les premiers incendies, au moins cinq personnes l'ont appelé pour le mettre en garde contre Raymond Coulombe.

M. Anctil va non seulement engager un détective privé pour faire la lumière sur ces incendies, mais dépensera aussi 100 000 $ en gardiens de sécurité. Il fera lui-même de la surveillance. Il commence a la même époque à se retirer quelque peu du marché des ponceaux et décide de se limiter à écouler simplement son inventaire.

Quand la SQ s'en mêle

La décision par la Sûreté du Québec, au printemps 2010, d'ouvrir une enquête lui permet enfin de respirer : « On a été soulagé énormément », confie-t-il.

L'enquête, nommée Hégémonie, qui portait à l'origine sur les incendies, s'élargit au fil du temps à un réseau de trafic de stupéfiants.

Le 21 juin 2011, une trentaine de perquisitions sont menées et une vingtaine de personnes sont arrêtées. Parmi eux, le propriétaire du commerce Les Ponceaux de l'Estrie, Raymond « Ray » Coulombe, qui avait été soupçonné d'avoir commandé les incendies et d'avoir dirigé un réseau de trafic de stupéfiants.

M. Coulombe est finalement mort l'an dernier, avant d'avoir été jugé. Six autres personnes accusées d'avoir trempé dans le trafic de drogue subissent cependant leur procès dans cette affaire. La sélection du jury dans ce procès a commencé lundi matin.

Cette situation explique d'ailleurs pourquoi le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a demandé et obtenu que les témoignages livrés lundi au sujet de l'opération Hégémonie, dont celui de l'enquêteur au dossier, Stéphan Viens, soient frappés d'une ordonnance de non-publication.

Anctil malmené par ses assurances

M. Anctil garde notamment un mauvais souvenir de ses déboires avec ses assureurs qui, après avoir menacé de le lâcher, hausseront finalement ses primes de 25 %.

Il croit que le gouvernement devrait envisager de mettre en place une loi qui fasse en sorte que les entreprises reconnues victimes d'actes criminels n'aient pas à subir la pression de leurs assureurs et de leurs banques.

Il propose aussi l'instauration d'une ligne d'urgence anti-crimes pour que d'autres entrepreneurs victimes d'intimidation puissent dénoncer la situation.

Écrevisse au menu

La commission Charbonneau se penche maintenant sur le projet Écrevisse, une opération antidrogue menée en Abitibi-Témiscamingue et ailleurs. Elle entendra trois enquêteurs dans cette affaire, soit Simon Riverin, Richard Ayotte et Jean-Marc Arel.

L'opération Écrevisse s'est soldée par plus de 80 arrestations et donnera lieu à deux procès : l'un pour meurtre prémédité concerne Serge Pomerleau, Denis Lefebvre et Yves Denis; l'autre, pour complot pour gangstérisme et complot pour trafic de stupéfiants.

Les témoignages sont frappés d'un interdit de publication. Les citoyens qui veulent assister aux audiences en personne peuvent cependant se présenter au 9e étage de l'immeuble gouvernemental situé au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, à Montréal.

La procureure en chef Sonia Lebel avait expliqué la semaine dernière, lors de son allocution d'ouverture, que les prochains témoins permettraient à la commission d'examiner différentes questions, dont l'intérêt pour le crime organisé d'acquérir des entreprises ou le contrôle dans des secteurs donnés de l'industrie de la construction.

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