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Intervention militaire en Syrie: la semaine marathon de Barack Obama pour convaincre le Congrès

Syrie: les coulisses de la semaine marathon d'Obama pour convaincre le Congrès
AFP

Le suspense est à son comble aux États-Unis. Alors que s'ouvre ce lundi 9 septembre le débat au Congrès américain sur le projet de résolution validant l'intervention militaire en Syrie prôné par Barack Obama, personne n'est en mesure de dire dans quel sens va pencher le vote. Si à plusieurs reprises le président américain et ses lieutenants se sont dit confiants, la bataille est loin d'être gagnée pour la Maison Blanche.

Alors qu'il semblait déterminé à agir rapidement après les attaques chimiques attribués au régime de Bachar al-Assad, Obama a brusquement décidé de s'en remettre au Congrès, même si la Constitution américaine ne l'y oblige pas formellement. Un pari politique très risqué: la question d'une intervention américaine en Syrie divise les élus américains au-delà des clivages politiques habituels et n'enchante guère l'opinion publique.

Pour rallier le Sénat (à majorité démocrate) et la Chambre des représentants (acquise aux Républicains) à sa cause, le président américain avec l'aide de son entourage ont intensément œuvré en coulisses. Lobbying, coups de fil, rendez-vous groupés ou en tête-à-tête, la Maison Blanche a mené une campagne intense pour faire approuver le projet de résolution. Retour sur une semaine marathon.

Lundi 2 septembre, début de la campagne de lobbying

Après son annonce d'avoir recours à un vote du Congrès, Barack Obama n'a plus une minute à perdre. Il a une semaine jour pour jour avant la rentrée parlementaire pour convaincre les élus de le suivre sur le chemin de la guerre. Premier plan d'attaque: décrocher son téléphone. Avec le vice-président Joe Biden et le chef des services de la Maison Blanche, le président a enchaîné les appels aux membres de la Chambre des représentants et du Sénat, selon un haut responsable cité par l'AFP.

"Dans tous les appels et réunions d'information, nous martelons le même argument fondamental: si on ne fait rien contre Assad, l'impact dissuasif de la réglementation internationale contre l'usage des armes chimiques sera affaibli et cela risque d'encourager Assad et ses principaux alliés -- le Hezbollah et l'Iran -- qui verront qu'une aussi flagrante violation des normes internationales n'entraîne aucune conséquence", a indiqué cette source.

Le même jour, Barack Obama a reçu l'influent sénateur Républicain, John McCain. Si on ne sait pas ce qui s'est dit entre les deux hommes, Obama semble avoir été très convaincant. Alors que la veille McCain affirmait qu'il n'était pas sûr de soutenir la résolution, en sortant de sa réunion à la Maison Blanche, il tenait un autre discours: il a estimé qu'un éventuel rejet de la résolution serait "catastrophique".

Mardi 3 septembre, les lieutenants au front

Deuxième phase du plan Obama: envoyer devant les parlementaires des hauts responsables pour une explication de texte en direct. En l'occurrence, le secrétaire d'État John Kerry et le chef du Pentagone Chuck Hagel. Les deux hommes ont plaidé pendant plusieurs heures devant la commission des Affaires étrangères du Sénat le bien-fondé d'une action militaire en Syrie. "Ce n'est pas le moment d'être isolationniste assis dans un fauteuil. Ce n'est pas le moment d'être le spectateur d'un massacre", a lancé Kerry à l'assistance.

Ont-ils été persuasifs? John McCain a en tout cas trouvé le temps long: le sénateur a été surpris en train de jouer au poker en pleine audition. Celle-ci a d'ailleurs été brièvement interrompue par un manifestant pacifiste. Habillé en rose, il a été expulsé en criant: le secrétaire général de l'ONU "Ban Ki-moon a dit non à la guerre, le pape a dit non à la guerre [...] Les Américains n'en veulent pas".

Le manifestant n'a pas tort. Ce même mardi, un sondage ABC News/Washington Post indiquait que près de 59% des Américains s'opposent à des frappes par missiles de croisière en Syrie. Pas de quoi faire les affaires d'Obama.

Pourtant, le président américain s'est dit confiant juste avant de s'envoler pour la Suède mardi soir. Ce sont peut-être les nouveaux soutiens de la journée qui le rendent optimiste: le matin même, son principal adversaire politique ralliait sa cause. Le président de la Chambre, le républicain John Boehner, a en effet apporté son soutien à une intervention militaire, tout comme son numéro deux, Eric Cantor. Une position également suivie par la chef de la minorité démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi.

Mercredi 4 septembre, une première étape est franchie

S'il n'est plus sur le territoire américain, Barack Obama continue à dégainer sa communication pro-intervention. Depuis Stockholm où il fait une escale avant le G20 de Saint-Pétersbourg, il redit sa détermination: "Je pense que le Congrès approuvera [la résolution] parce que [...] si la communauté internationale ne parvient pas à faire respecter certaines règles [...] au fil du temps, le monde deviendra un endroit moins sûr", lâche-t-il.

Pendant que Vladimir Poutine, fermement opposé à tout attaque, met en garde le Congrès de ne pas cautionner une "agression", le Sénat franchi pourtant une première étape. La commission des Affaires étrangères du Sénat a approuvé un projet de résolution. Pas de quoi crier victoire pour autant: le projet a été adopté par 10 voix contre 7. Un vote serré qui "révèle avec éclat les divisions profondes des élus, même au sein de cette enceinte restreinte où les interventionnistes sont traditionnellement beaucoup plus puissants que les sceptiques", souligne Le Figaro.

Et du côté de la Chambre des représentants, c'est encore loin d'être gagné. Plusieurs projets de texte ont circulé mais aucun n'a été officialisé. Il faut dire que la Chambre est loin d'être acquise à un vote, comme le montre l'infographie réalisée par nos confrères du HuffPost américain (cliquez sur la carte pour l'agrandir. Elle est remise à jour en continu).

(suite de l'article ci-dessous)

Jeudi 5 septembre, l'optimisme surjoué

"Nous sommes très satisfaits des tendances, chaque jour, des élus des deux bords prennent position pour soutenir un recours à la force militaire". La phrase est de Ben Rhodes, le conseiller adjoint de sécurité nationale d'Obama. En plein G20, la rengaine optimiste de l'exécutif devient suspecte. Pourquoi alors rabâcher sans cesse le credo de la présidence si les tendances sont "satisfaisantes"?

Preuve que rien n'est joué, Barack Obama continue d'enchaîner les coups de téléphone. Malgré les 8000 km qui le séparent du Congrès, Barack Obama reste toujours aussi actif. Entre les réunions et les dîners avec les puissants du monde, il reste en contact avec la "Colline" (le surnom du bâtiment du Congrès). Autre signe de fébrilité de sa part: l'annulation d'une visite en Californie la semaine prochaine afin de mieux mettre la pression sur les élus depuis Washington.

Vendredi 6 septembre, le doute s'installe

Que s'est-il passé au G20? Est-ce la réticence, voire l'opposition à une frappe des chefs de l'État présents qui font douter Barack Obama? Pour la première fois, le laïus présidentiel change de ton. Au cours d'une conférence de presse, il a reconnu la difficulté d'obtenir le consentement des élus.

"Dans les jours à venir, je continuerai de mener des consultations avec mes homologues dans le monde entier et au Congrès. Et je tenterai de défendre de mon mieux la nécessité d'une action appropriée", a-t-il annoncé avant de concéder: "Je savais que ce serait difficile". Il a souligné avoir conscience des réticences possibles alors que son pays "est en guerre depuis plus de dix ans maintenant".

Barack Obama a également annoncé ce qui apparaît d'ailleurs comme son ultime recours pour convaincre: un discours à la nation mardi 10 septembre.

Samedi 7 septembre, jouer sur la corde sensible

"Nous sommes les Etats-Unis. On ne peut pas rester aveugle devant les images de Syrie que nous avons vues". Barack Obama a profité de son allocution hebdomadaire pour revenir à la charge en jouant notamment sur la corde sensible des élus. "C'est pourquoi je demande aux membres du Congrès, des deux partis, de s'unir et d'agir pour promouvoir le monde dans lequel nous voulons vivre, le monde que nous voulons laisser à nos enfants et aux futures générations", a-t-il ajouté.

Vantant un idéal, Barack Obama n'a pas hésité à jouer aussi sur la peur en avançant qu'une non-intervention "augmenterait le risque de voir des armes chimiques utilisées de nouveau, de les voir tomber dans les mains de terroristes qui les utiliseraient contre nous". Le président américain s'est toutefois voulu rassurant en promettant qu'"il ne s'agirait pas d'un autre Irak ou d'un autre Afghanistan".

De son côté John Kerry enchaîne les rencontres avec les dirigeants européens afin de les convaincre de constituer une alliance internationale. "Il y a un certain nombre de pays - un nombre à deux chiffres - qui sont préparés à prendre part à une action militaire", s'est même vanté Kerry lors d'une conférence de presse à Paris. L'administration Obama pense sans doute qu'accumuler les soutiens à travers le monde faciliterait un "oui" au Congrès. Mais c'est sans compter les échéances électorales. Au-delà de la lassitude de la guerre et le précédent irakien, les élus américains ont à l'esprit les primaires de 2014.

"Les élections primaires ont lieu dans moins d'un an, et les candidats surveillent leurs arrières en se demandant s'ils vont devoir affronter quelqu'un de leur propre parti parce qu'ils ont pris position en faveur du président", explique par exemple à l'AFP l'ancien sénateur républicain Jon Kyl.

Dimanche 8 septembre, pas de répit dominical

Si John Kerry poursuit son offensive diplomatique en Europe, sur le plan intérieur pas de répit dominical. Le vice-président Joe Biden, qui s'est entretenu jeudi et vendredi avec des élus des deux chambres, a dîné dimanche soir avec des sénateurs républicains.

Quant au secrétaire général de la Maison Blanche Denis McDonough, il a été sur quasi tous les plateaux de télévision. Il a martelé la nécessité d'une riposte limitée, votée par le Congrès, à ces "horribles" attaques qui ont fait quelque 1400 morts selon le renseignement américain. "J'ai parlé avec des dizaines d'élus cette semaine [...], nous "n'avons pas l'intention de perdre le vote", a-t-il indiqué tout en reconnaissant les "risques" encourus de se retrouver "entraîné dans une guerre civile".

Et pas question d'arrêter les efforts de persuasion avec l'ouverture des débats au Congrès. La Maison Blanche compte bien faire pencher la balance jusqu'au dernier moment, c'est-à-dire celui du vote.

Lundi 9 septembre, John Kerry, Chuck Hagel, et la conseillère à la Sécurité nationale Susan Rice réuniront les élus de la Chambre, et feront de même mercredi avec les sénateurs. Quant à Barack Obama, il doit enregistrer une interview avec les trois grands réseaux de télévision et les chaînes PBS, CNN et Fox News qui sera diffusée le soir même.

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