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Syrie, Snowden, homophobie... à quoi joue Vladimir Poutine au G20? (VIDÉO)

Syrie, Snowden, homophobie... à quoi joue Poutine?

À Saint-Pétersbourg, l'ambiance sera tendue pour la photo de famille du G20 qui s'ouvre ce jeudi 5 septembre. Les sorties du président russe ont effectivement le don d'irriter les autres pays, et en particulier les États-Unis, compte-tenu du lourd passif entre les deux nations. A tel point que Barack Obama a "sévi" début août: il a annulé sa rencontre avec Poutine, initialement prévue en marge du sommet. Du jamais vu depuis plusieurs dizaines d'années.

Mais à quoi joue Vladimir Poutine? Depuis quelques mois, il endosse volontiers le rôle du méchant sur la scène internationale. Défense d'Edward Snowden, provocation à l'encontre des homosexuels à l'occasion des Mondiaux d'athlétisme et en prévision des JO de Sotchi, défense du régime de Bachar al-Assad... il multiplie les prises de position anti-occidentales. L'ex-agent du KGB n'est pas loin de la caricature du méchant russe dans les films des années guerre froide.

Mais voilà que le G20 s'ouvre sur fond de crise syrienne, et que le président russe adopte un ton moins abrupte. Du moins en apparence, puisqu'il s'amuse plutôt à souffler le chaud et le froid.

Après plusieurs semaines de critique musclée des positions américaines sur la Syrie, après avoir signalé que ses navires de guerre étaient prêts à réagir en cas d'escalade, dans une interview datée du mercredi 4 septembre, Vladimir Poutine a d'abord annoncé que son pays avait suspendu ses livraisons de missiles sol-air S300 à la Syrie.

Il a également déclaré que Moscou accepterait une action en Syrie s'il y avait des "preuves convaincantes" de l'usage d'armes chimiques par le régime. Mais dans le même temps, Poutine a mis en garde le Congrès américain contre l'approbation de frappes en Syrie qui constitueraient une "agression" si elles avaient lieu "en dehors du cadre des Nations unies".

Concernant Snowden, que Poutine a qualifié de "défenseur des droits de l'homme", il a promis qu'il n'allait pas le livrer aux États-Unis" et que l'ex-agent de la NSA "pouvait se sentir en sécurité" en Russie. "Peut-être, quand un certain temps passera, l'Amérique comprendra elle-même que ce n'est pas un traître ou un espion, que c'est un homme avec des convictions", a-t-il ajouté. Un peu ironique quand on pense, entre autres exemples, au sort des Pussy Riots ou à celui de Mikhail Khodorkovski.

De quoi se demander ce que cherche Poutine à toujours vouloir endosser le mauvais rôle.

S'opposer par principe

Dans le cas de la Syrie, l'opposition de la Syrie à une intervention internationale est "une opposition de principe", explique Julien Nocetti, chercheur au centre Russie de l'IFRI, qui précise: "Le corpus idéologique russe prône la non-interférence dans les affaires internes des États et le respect de la souveraineté territoriale". Une "position jusqu'au-boutiste" qui donne "l'illusion de la puissance de la Russie", complète Marie Mendras, chercheur au CNRS et politologue au Centre d'études et de recherches internationales de Science-Po.

Ajoutez à cela une couche d'anti-américanisme héritée de l'histoire soviétique et vous obtenez un mélange détonnant. "Certains dirigeants actuels ont grandi pendant l'ère soviétique et ont conservé certains réflexes de cette époque", rappelle Julien Nocetti. Un anti-américanisme qui semble d'ailleurs trouver écho parmi une certaine frange de la population.

Le Figaro explique par exemple que des lobbys pro-Assad, soutenu par le Kremlin, "manifestent en continu" contre une intervention en Syrie. Interrogé par le quotidien, Leonid Ivachov, ancien haut responsable au ministère de la Défense et président de l'Académie des problèmes géopolitiques, a qualifié une possible alliance franco-américaine de "mixte de libéralisme perverti, d'homosexualisme et de fascisme". Donnant dans la comparaison, il a estimé que "l'Amérique se comporte comme Hitler dans les années 1930, tout comme ses alliés, la France et le Royaume-Uni qui avaient soutenu le leader nazi".

Pour un peu, on se croirait revenu à la grande époque de l'URSS et des méchants de James Bond garantis 100% soviétiques. "C'est vrai que le ton actuel fait penser à des périodes d'absence de dialogues, comme dans les années 60, mais sur le fond, c'est différent. La Russie n'est plus une superpuissance", confirme-t-elle.

Pour Marie Mendras, Poutine commet toutefois une erreur de calcul en adoptant cette posture: "Ce n'est pas parce que la Russie bloque la communauté internationale qu'elle s'affirme pour autant. Cela a plutôt tendance à l'isoler" analyse-t-elle. "La Russie pourrait regagner le respect de la communauté internationale en changeant d'attitude et en dénonçant les terribles abus du régime de Bachar al-Assad, mais elle ne veut pas perdre son pouvoir de nuisance, qui lui permet d'exister en s'opposant", ajoute-t-elle.

Un retour de la Guerre froide? Pas vraiment

Jusqu'où ira Poutine? Assistera-t-on à une nouvelle guerre froide? Pas si vite. Si de nombreux médias ont parlé de retour de la Guerre froide, nous en sommes très loin. Même s'il y a "des tensions à l'œuvre", l'expression n'est "pas vraiment pertinente", pour Julien Nocetti. "Contrairement à l'époque de la Guerre froide, il y a une asymétrie en terme de puissance entre les États-Unis et la Russie", explique-t-il.

Vladimir Poutine a par ailleurs nié avoir de mauvais contact avec le président américain. "Le président des Etats-Unis est un très bon interlocuteur, c'est facile de lui parler parce que ce qu'il veut est clair, sa position est claire et il sait écouter la position d'une autre personne", a-t-il lancé dans son interview du 4 septembre.

"Nous comprenons que la position de la Russie sur certaines questions provoque l'irritation de l'administration américaine", a-t-il dit. "Mais il serait bien pour nous tous de ne pas nous irriter, mais d'être patients et de travailler pour trouver des solutions", a-t-il ajouté.

De son côté, si Obama a dit espérer que Poutine changera d'"approche", le président américain n'a pas oublié, la veille de son arrivée en Russie, de défendre l'égalité des droits des homosexuels ni de rappeler que "face à une telle barbarie [en Syrie], la communauté internationale ne peut pas être silencieuse".

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