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Comment «Les Soprano» et James Gandolfini ont changé les codes de la série télé

Comment «Les Soprano» ont changé les codes de la série télé
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Sans lui, Les Soprano n'existeraient pas. Sans la série, James Gandolfini n'aurait probablement pas été la figure tutélaire d'une génération de spectateurs brutalement orphelins. L'acteur américain, immortalisé par son incarnation de Tony Soprano, mafieux du New Jersey atteint de crises d'angoisse, est décédé a l'âge de 51 ans.

James Gandolfini aura fait partie d'une des mues les plus importantes de la télévision. Quand, dans les années 1990, plusieurs chaînes décident de prendre des risques narratifs et esthétiques, Les Soprano, élaborée par David Chase parvient à réunir les codes du film de mafia et ceux de la comédie dramatique familiale, dans la foulée des meilleurs Scorsese.

Récompensés par une vingtaine d'Emmy Awards et plusieurs Golden Globes, les 86 épisodes diffusés par HBO entre 1999 et 2007 ont propulsé "Tony Gandolfini" au rang d'icône, servi par une écriture originale mélangeant, psychologie, activités de gangster, théories philosophiques, enjeux sociaux et politiques.

Le générique des Soprano:

En 1999, la série va surprendre autant par les thèmes qu'elle aborde -les tribulations d'un parrain pas très glamour du New Jersey- que par sa construction. Exit le carcan de l'intrigue qui se déroule sur un épisode. Contrairement aux habitudes de la télévision, l'arc narratif s'étire sur une saison entière.

Pour Nicolas Robert, journaliste et chroniqueur sur le DailyMars, la naissance des Soprano est à l'origine d'un basculement des chaînes payantes américaines.

"Certaines comme HBO franchissent à cette époque un palier qualitatif. Des créateurs comme David Chase se mettent à raconter des histoires différemment. Les Soprano, The Wire et Six Feet Under empruntent le sillon creusé par Oz."

Ce nouveau cadre permet aux créateurs de se libérer des contraintes habituelles. "Les impératifs ont changé. Il y a moins de pression liée aux audiences et aucune censure concernant les scènes de sexe et de violence. Enfin, la plupart de ces auteurs abandonnent le suspens outrancier qui concluaient les épisodes pour des 'cliffhangers thématiques' poussant le spectateur à réfléchir sur le sens des images qu'il a vues." Résultat: on s'attache comme jamais aux personnages dont la psychologie peut être approfondie des heures durant.

Un héros ambivalent

La réussite des Soprano repose beaucoup sur la présence d'un imposant bonhomme. James Gandolfini n'a jamais eu de grand rôle mais son visage va s'imposer et convaincre les afficionados. Nicolas Robert souligne l'ambivalence de son personnage.

"L'avènement de Tony Soprano dans toute sa complexité a lieu lors de l'épisode College - dans la première saison de la série. Il emmène sa fille Meadow dans le Maine, visiter des établissements d'enseignement supérieur pour la suite de ses études tout en confrontant un repenti."

Gandolfini embrasse la double casquette du père de famille/chef de clan, entre la gestion du quotidien de sa femme et de ses enfants et son ascension au sein de la mafia. "David Chase prend le temps de développer les émotions, les rapports humains. Tony est partagé entre présence et représentation alors qu'on se reconnaît dans ses doutes, ses crises existentielles."

Souffrant d'un penchant chronique pour la dépression, ambitieux mais vulnérable, Tony est contraint de consulter très fréquemment sa psy entre deux meurtres. Un des portraits de héros les plus nuancés offert par la télévision et un James Gandolfini que David Chase décrit comme un génie:

"Quiconque l'a vu même dans son plus petit rôle est catégorique. C'est l'un des plus grands acteurs de sa génération. Une bonne part de son talent réside dans ses yeux tristes. Je me rappelle lui avoir dit plusieurs fois. 'Tu ne comprends pas. Tu es comme Mozart'."

Pool de luxe

Pour travailler sur ce personnage et développer le sentiment d'attraction/répulsion qui habite les spectateurs au fil des saisons, Chase s'est toujours appuyé sur une talentueuse équipe de scénaristes. Nicolas Robert décrit son ambition: "Il veut raconter l'histoire d'un type ayant un rapport complexe avec sa mère et il inclut cette situation dans l'univers de la mafia, propice aux fantasmes."

"David Chase sait s'entourer. Parmi ses collaborateurs, il a révélé des auteurs comme Terrence Winter qui part ensuite écrire Boardwalk Empire ou Matthew Weiner, le créateur de Mad Men. Tim Von Patten a réalisé plusieurs épisodes des Soprano avant de travailler sur Game of Thrones."

Héritage

Les Soprano sont nés directement du cinéma de mafia italo-américain à la Francis Ford Coppola ou Martin Scorsese. Saluée comme l'un des meilleurs programmes de l'histoire de la télévision grâce aux innovations formelles de David Chase, elle est une expérience inédite qui se rapproche du 7e art en terme de production et de storytelling,

Nicolas Robert estime qu'on se souviendra de la série: "Elle a instauré un rythme vraiment particulier en confrontant le spectateur à une riche palette d'émotions. Ce rythme unique, cette forme de lenteur, est reprise dans les séries dites 'contemplatives', aujourd'hui comme Mad Men."

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