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Un homme, deux patrons : à quelle heure le punch? (CRITIQUE/VIDÉO)

Un homme, deux patrons : à quelle heure le «punch»? (CRITIQUE/VIDÉO)

Les bonnes intentions sont palpables dans Un homme, deux patrons, pièce qui comble cette année le volet théâtral du Festival Juste pour rire. On les perçoit dans le jeu extrêmement physique et sans temps morts des acteurs, dont celui de Marcel Leboeuf, qui porte sur ses épaules une bonne partie de cette comédie parfois exagérément burlesque. On les ressent dans toute l’atmosphère sixties qu’on a tenté d’insuffler à l’ensemble, en insérant même des prestations de trois musiciens fort sympathiques entre les tableaux. On les devine aussi dans les nombreuses interactions des personnages avec le public, qui arrivent spontanément, tels d’amusants clins d’œil, inattendus et rigolos.

Hélas, les meilleures volontés du monde ne suffisent pas toujours à atteindre la cible. Un homme, deux patrons, adaptation québécoise de l’histoire du même nom du dramaturge britannique Richard Bean (One Man, Two Guvnors, en anglais), d’après le classique de la commedia dell’arte Arlequin, valet de deux maîtres, de l’italien Carlo Goldoni, était présentée en grande première au Monument National, lundi. Bien que remplie, la salle n’a pas été secouée d’énormément de fous rires sentis pendant la soirée, et plusieurs spectateurs ont abandonné leur siège à l’entracte, probablement peu intéressés par le sort de Francis Frenette et ses supérieurs.

C’est que la mise en scène de Normand Chouinard s’étire inutilement en longueur et s’enlise trop souvent dans un tourbillon de blagues tellement récurrentes qu’elles en deviennent lassantes. La première partie est, au mieux, divertissante, et déridera les amateurs d’humour facile et bon enfant. Mais la sauce se gâte réellement en deuxième portion, alors que certains segments n’en finissent plus et nous arrachent davantage de soupirs que de rires. Si Denise Filiatrault n’était pas actuellement occupée à guider les jeunes artistes d’Hairspray, autre spectacle que Juste pour rire propulsera la semaine prochaine, elle lancerait sans doute un authentique « À quelle heure le punch ? » à toute l’équipe d’Un homme, deux patrons…

Quelques clichés

La trame de ce casse-tête policier, campé dans le Magog de 1963, regorge pourtant de potentiel comique. Francis Frenette (Marcel Leboeuf, déchaîné, qui pèche presque par excès d’enthousiasme), un pauvre bougre un peu niais, est forcé, pour subvenir à ses besoins, de cumuler deux emplois et d’ainsi servir deux personnes à la fois. Bien sûr, notre antihéros fera tout pour que le premier maître n’apprenne rien de l’existence de l’autre, et vice-versa.

Ce qu’il ignore, toutefois, c’est que ses deux patrons sont en réalité des amoureux. Rachel (attachante Anne-Élizabeth Bossé), la femme du couple, se fait passer pour son frère jumeau afin de mettre la main sur une importante somme d’argent, et son compagnon, Stanislas (Sébastien Dodge), un criminel, a lui aussi besoin d’un coup de main pour échapper aux autorités. Les tourtereaux ont donc engagé à leur insu le même homme pour les dépanner. Installés au même hôtel, ils en feront voir de toutes les couleurs à un Francis un peu démuni, qui pense davantage à son estomac qu’à son boulot. Plusieurs autres personnages – dont certains frôlent dangereusement la caricature – viennent se greffer à cette enfilade de quiproquos et de malentendus.

Malheureusement, plusieurs gags tombent à plat. La scène où Francis doit préparer un repas à ses employeurs, pratiquement un cliché dans une proposition du genre, est exaspérante de redondance. Même chose pour l’extrait où il fait la cour à une comptable (Dominique Pétin), supposée représenter la « femme libérée » des années 1960 au Québec. La conclusion, évidemment joyeuse, devrait finir par nous contenter et racheter quelque peu les faiblesses des deux heures précédentes, mais c’est tout le contraire qui se produit. Et c’est sans parler des décors, inégaux d’un acte à l’autre, qui tiennent parfois sur un seul papier peint et qu’on espérerait par moments plus élaborés.

Mais, on le répète, les bonnes intentions sont là. Normand Chouinard avait insisté, lors de l’annonce du projet, en novembre dernier, sur le fait qu’il souhaitait faire revivre les numéros de vaudeville à la sauce Olivier Guimond et Gilles Latulippe avec Un homme, deux patrons. Aucune prétention ne se dégage de cette pièce, qu’on a visiblement voulu rassembleuse et proche des gens. Dommage que ce bouquet de bonnes idées n’ait pas donné le résultat escompté.

Un homme, deux patrons tiendra l’affiche du Monument National jusqu’au 29 juin.

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