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Gauthier admet avoir collecté pour le PRO auprès des ingénieurs

Gauthier admet avoir collecté pour le PRO auprès des ingénieurs
Capture d'écran

EN DIRECT - L'ex-notaire Jean Gauthier admet avoir joué un rôle clé dans la collecte de « fonds illégaux » auprès de certains bureaux d'ingénieurs au profit du PRO des Lavallois dans les années 2000, confirmant une partie des allégations entendues sur lui à la commission. Il se défend par ailleurs d'avoir été proche du maire Vaillancourt.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

L'homme de 74 ans reconnaît avoir agi comme « courroie de transmission » entre ces bureaux d'ingénieurs et le parti de Gilles Vaillancourt. Jean Gauthier soutient avoir arrêté de jouer ce rôle en 2005-2006 après le témoignage-choc de l'ex-ministre libéral Marc-Yvan Côté, qui avouait à la commission Gomery, avec regrets, avoir collecté des fonds occultes pour le Parti libéral du Canada.

M. Gauthier croit avoir commencé à jouer ce rôle au début des années 2000, mais reconnaît qu'au regard du témoignage de l'ex-vice-président de CIMA+, Lucien Dupuis, il est « plausible » qu'il ait en fait commencé dès 1996-1997. Il se défend de l'allégation de Me Jean Bertrand, le représentant officiel du parti, selon qui il devait approuver tout recours à la caisse occulte.

M Gauthier a précisé n'avoir jamais eu de rôle officiel au sein du parti du maire Gilles Vaillancourt. Il dit que sa réputation d'être proche du maire est « surfaite ».

Jean Gauthier se défend d'avoir joué un rôle d'éminence grise ou de sage auprès de Gilles Vaillancourt, et tout aussi d'avoir été un ténor du parti.Gilles Vaillancourt, souligne-t-il, était « était sa propre éminence grise ».

Il reconnaît avoir cependant été présent à tous les congrès du parti et s'être occupé de la vente de billets pour des cocktails de financement du PRO jusqu'en 1997.

L'ex-notaire a expliqué que le rôle de collecteur de fonds qu'il tiendra était auparavant occupé par Jean-Louis Lesaux, un homme d'affaires proche du PRO depuis sa fondation. « C'était de commune renommée que l'argentier était M. Lesaux », a soutenu M. Gauthier, ajoutant qu'il agissait ainsi sans avoir de rôle d'agent officiel au parti.

Il ajoute que, sans avoir eu « connaissance de faits précis », la « rumeur » était que M. Lesaux récoltait pour le PRO tant auprès des ingénieurs que des entrepreneurs. Il ignore tout de ces montants ou du pourcentage perçu, ainsi que les noms des contributeurs.

Jean Gauthier affirme par ailleurs qu'il était « très près » du représentant officiel du parti, Me Jean Bertrand. Il soutient avoir profité de cette proximité pour déplorer que le parti utilise les conseillers municipaux comme prête-noms, une pratique dévoilée par Me Bertrand, qui disait bénéficier en cela de la complicité de M. Gauthier.

Il dit aussi avoir souligné à Me Bertrand qu'il y avait « trop d'argent » au PRO des Lavallois.

M. Gauthier a continué à rencontrer fréquemment Me Bertrand après avoir cessé son rôle de collecteur de fonds occultes. Ce dernier lui confiera alors ses déboires avec le scandale, en 2010, du remboursement des budgets de recherche et de secrétariat, utilisés par le PRO à des fins partisanes.

Les deux hommes se sont aussi parlé à l'automne dernier lorsque les bureaux du PRO et la résidence de Me Bertrand ont été perquisitionnés par l'UPAC. Il reconnaît enfin qu'ils se sont rencontrés en décembre dernier, comme l'a mentionné Me Bertrand, après avoir été convoqué à la commission. Il dément cependant avoir voulu profité de la rencontre pour lui soutirer de l'information.

M. Gauthier soutient qu'outre Me Jean Bertrand, il n'avait que peu de liens avec d'autres responsables du PRO, avec des personnes de l'entourage de l'ex-maire Vaillancourt ou encore à la Ville de Laval. « Les seules informations que j'avais, au meilleur de ma connaissance, venaient de Jean Bertrand », a-t-il soutenu.

Il affirme avoir eu de rares contacts avec Pierre Lafleur, chef de cabinet du maire, ou Pierre Desjardins, de la firme de relations publiques National, proche du maire et impliqué au PRO.

Il se défend sinon d'avoir jamais rencontré Claude Deguise, ex-directeur de l'ingénierie à la Ville et décrit par plusieurs témoins comme le dirigeant du système de partage occulte de contrats. Il connaît cependant Jean-Marcel Perreault, numéro 2 dans ce département, avec qui il possède une fiducie.

Un notaire qui brasse des affaires

M. Gauthier a aussi eu une compagnie, Gestion Claudimel, radiée en 2003, avec laquelle il a brassé des affaires avec Jean-Louis Lesaux au sein de la compagnie 132372 Canada Inc, radiée en 2006. Pendant dix ans, la compagnie revendait des terres achetées à des constructeurs.

Gestion Claudimel a aussi fait des affaires avec Giuseppe Borsellino, de Petra, et Alfred Chevalier pour la vente d'une quinzaine de terrains début 2000. Il pense que M. Borsellino, qui participait aux cocktails du PRO, avait des relations avec le maire Vaillancourt.

Il se défend par ailleurs avoir profité des contrats de cession de rues obtenus par la Ville pour son bureau de notaire. Ces contrats, dit-il, « ne représentaient pas 5 % de notre chiffre d'affaires ».

De nombreuses allégations sur Jean Gauthier

Jean Gauthier est soupçonné d'avoir longtemps collecté des contributions politiques illégales auprès des firmes de génie-conseil au profit du parti de Gilles Vaillancourt. M. Gauthier affirmait encore récemment que d'« énormes mensonges » avaient été dits sur lui devant la commission.

Jean Gauthier est l'une des 37 personnes arrêtées lors de l'opération Honorer. Il a été accusé de fraude envers le gouvernement, d'abus de confiance, de complot pour corruption, d'actes de corruption dans les affaires municipales, mais aussi - ce qui est plus rare - de possession de biens criminellement obtenus et recyclage des produits de la criminalité.

Il n'est cependant pas accusé de gangstérisme, comme l'ex-maire Vaillancourt, l'ex-directeur général Claude Asselin et l'ex-directeur du service d'ingénierie de la Ville, Claude Deguise.

À la fin du mois de mai, l'ingénieur à la retraite Roger Desbois de Tecsult a soutenu que le notaire Gauthier récoltait des fonds auprès de firmes de génie ayant fait de la collusion pour obtenir des contrats publics de la Ville de Laval, soit Dessau, Tecsult, Cima+, Genivar, MLC, Filiatrault McNeil, Equlluqs, Bafa Consultants et Triax. Il a d'ailleurs affirmé lui avoir remis la ristourne de l'ordre de 2 % que devait verser Tecsult dans le cadre de ce système.

M. Desbois, qui collectait cette même ristourne de 2 % auprès des entrepreneurs en construction de la troisième ville du Québec, n'est pas le seul à avoir remis de l'argent au notaire Gauthier. Son prédécesseur chez Tecsult, Marc Gendron, a dit avoir fait de même, en précisant que le notaire Gauthier faisait cela depuis bien avant 1996. Jean Roberge a dit avoir fait de même lorsqu'il était chez Équation Groupe Conseil, tout comme Bahjat Ashkar, de Bafa Consultants.

L'ex-agent officiel du PRO des Lavallois, Me Jean Bertrand, a pour sa part soutenu que celui qu'il a décrit comme son mentor lui remettait de l'argent comptant. Cet argent, provenant selon ce que lui aurait dit le notaire Gauthier des firmes de génie-conseil, était utilisé pour effectuer des dépenses électorales illégales lors des campagnes électorales ou était remis aux conseillers municipaux du PRO qui servaient ainsi de prête-noms.

Jean Bertrand a d'ailleurs dit à la commission qu'il avait parlé au notaire Gauthier en décembre dernier, après avoir reçu un subpoena de la commission, et affirmé qu'il entendait dire « toute la vérité ». Le notaire Gauthier lui aurait répondu qu'il n'était « pas obligé » d'agir de la sorte.

La semaine dernière, l'avocat Pierre Lambert a affirmé que Jean Gauthier, qui était actif dans le PRO depuis 30 ans, était celui qui l'avait l'approché pour qu'il devienne dépositaire d'une partie des contributions versées au PRO. Le notaire, a-t-il dit, cherchait quelqu'un de « très confidentiel, très discret » pour cette tâche. Me Lambert a estimé qu'il avait reçu environ 2 millions de dollars de Roger Desbois à compter de 2006. Il a d'ailleurs remis une somme de 721 920 $ à la commission.

Me Lambert a expliqué que l'argent que lui remettait Roger Desbois était entreposé dans un mini-entrepôt public qu'il louait, jusqu'à ce qu'il soit remis à Jean Gauthier ou à Jean Bertrand. Tous les décaissements, a-t-il assuré, étaient « dédouanés » par Jean Gauthier.

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