Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Commission Charbonneau: Lambert entraîné par son ego dans le financement occulte du PRO

Un témoin remet 721 920$ à la commission Charbonneau
CEIC

EN DIRECT - Me Pierre Lambert admet avoir géré la caisse occulte du PRO des Lavallois du printemps 2006 à l'automne 2012 à la demande du notaire Jean Gauthier, proche du maire Gilles Vaillancourt. Il a remis à la commission les sommes encore dans la caisse : 721 920 $.

Un texte de Bernard Leduc

Me Lambert affirme avoir été approché par le notaire Gauthier en 2006 pour remplacer une personne - qui ne sera jamais nommée - pour détenir de l'argent comptant de la caisse occulte du PRO des Lavallois. M. Gauthier lui indique qu'il doit entrer en contact avec Roger Desbois de Tecsult et attendre les instructions.

« On a besoin de quelqu'un de très confidentiel, de très discret », lui dit le notaire Gauthier « quelqu'un en qui on a confiance », ce qui flatte aussitôt l'ego de Me Lambert, de son propre aveu.

« Je le comprends, mais c'est pas clair » qu'il s'agit d'une caisse occulte, précisant que son « besoin de reconnaissance » lui a voilé la conscience.

Me Lambert, gardien de la caisse occulte du PRO

Me Lambert a contacté M. Desbois au nom du notaire Gauthier et ils conviennent d'un rendez-vous pour établir la procédure. M. Desbois lui confirme qu'il s'agit d'être dépositaire de la caisse occulte du parti et lui indique que dès qu'il aura un montant à lui remettre, il l'appellera pour établir un rendez-vous.

La première remise d'argent, quelque 200 000 $ en argent comptant, a lieu en juin 2006. M. Desbois lui remet un cartable en accordéon qui se trouve dans le coffre de son auto.

« Je ne me sens pas illégal à ce moment-là » soutient Me Lambert, qui compare son était d'esprit à celui qui prend un verre de trop, mais ne s'en soucie pas. « Mes repères moraux n'étaient peut-être pas assez aiguisés », confesse-t-il.

M. Lambert soutient n'avoir jamais cette fois, ni les fois subséquentes, compté l'argent, dont les montants lui étaient en fait mentionnés par M. Desbois lors des remises. Il estime qu'avoir reçu de l'argent une dizaine de fois des mains de M. Desbois, chaque fois environ 200 000 $ ( sauf la dernière fois), pour un total de 2 millions sur un période de quatre ans (2004-2009), ce qui recoupe le témoignage de Roger Desbois devant la commission Charbonneau.

« Je n'ai jamais tenu de registre sur ce qui entrait et ce qui sortait. » — Me Pierre Lambert

Lambert entreposait l'argent dans un mini-entrepôt qu'il louait déjà pour des dossiers de son ancien bureau, du mobilier.

Me Lambert soutient qu'il n'avait jamais pensé que l'argent venait d'entrepreneurs avant les témoignages devant la commission Charbonneau, il estimait simplement que c'était « des contributions », mais précise n'avoir pas posé de questions.

Rien ne se fait sans l'aval de Gauthier

Me Lambert a expliqué par la suite que Jean Gauthier l'appelait de temps en temps pour lui dire : « je vais avoir besoin de tel montant ». Le notaire venait parfois chercher lui-même l'argent, parfois dépêchait une personne de confiance pour prendre livraison de dizaines de milliers de dollars.

Il ajoute qu'il arrivait aussi que le notaire l'appelait pour lui dire que Me Jean Bertrand allait appeler. Le représentant officiel du PRO des Lavallois prenait alors rendez-vous pour prendre de l'argent, parfois jusqu'à 100 000 $.

« Toutes les fois, ça avait été dédouané ou autorisé par Jean Gauthier » — Me Pierre Lambert

Selon M. Lambert, les deux tiers de l'argent remis lors de cette période l'ont été à Me Bertrand et l'autre tier à M. Gauthier ou ses messagers.

Il a ajouté avoir procédé à une dernière remise d'un peu moins de 10 000 $ en octobre 2012 à la demande du notaire. Un commissionnaire est venu chercher la somme. Il ne sait pas à qui elle était destinée. Il a remis à la commission les sommes encore dans la caisse : 721 920 $.

Le rôle occulte du notaire Gauthier

Me Lambert admet qu'il ne peut dire si le notaire Gauthier occupait des fonctions officielles au sein du parti. Il avait cependant constaté, dès les années 1980, qu'il était proche de Gilles Vaillancourt.

Il les voyait souvent ensemble dans les brunchs et les cocktails du PRO, et en a déduit que M. Gauthier avait la haute main sur ces activités de financement. Me Lambert lui achetait d'ailleurs des billets, sinon à Me Jean Bertrand, l'agent officiel du parti, et donc officiellement le vrai responsable de la caisse du parti.

Me Lambert avait expliqué au préalable qu'il avait offert à Jean Gauthier en 2005 de participer à un comité sur le programme du parti, parce qu'il voulait aider à établir une vision pour la Ville. Le notaire Gauthier ne lui est jamais revenu sur ce sujet.

Le témoin n'a pu expliquer pourquoi il avait approché le notaire Gauthier, et non Jean Bertrand, sinon le maire lui-même, pour proposer de collaborer au programme du PRO. « Probablement que je m'imaginais que Jean Gauthier s'occupait de ça », ajoutant que personne ne l'avait cependant aiguillé dans sa direction.

Pierre L. Lambert a été arrêté dans le cadre de l'opération Honorer à Laval avec 36 autres personnes le 9 mai dernier. Son nom a notamment été évoqué devant la commission Charbonneau par le collecteur de fonds occultes du PRO des Lavallois, Roger Desbois.

L'ex-ingénieur chez Tecsult Roger Desbois, qui recevait la ristourne de 2 % des entrepreneurs collusionnaires à Laval, a affirmé avoir remis à Me Lambert, avec l'aval du maire, pas moins de 2 millions des 2,7 millions qu'il allègue avoir ramassés auprès de ces derniers entre 2003 et 2009.

Me Lambert se défend d'être proche de Vaillancourt

Me Lambert se défend d'avoir été proche du maire, mais avoir eu de bonnes relations professionnelles avec le maire. Ils ne se parlaient que des mandats que Me Lambert avait à la Ville de Laval et seulement sur les heures de bureau « comme n'importe quel client ». Il ajoute n'avoir jamais parlé de politique avec lui ni de financement politique.

Me Lambert a contribué quelque 10 000 $ au PRO des Lavallois entre 1990 et 2010, des sommes généralement versées à l'occasion de brunchs et de cocktails, mais il ne croit pas avoir jamais été formellement membre du parti de Gilles Vaillancourt. Il ajoute n'avoir jamais contribué au PRO en argent comptant.

L'avocat soutient par ailleurs n'avoir jamais été impliqué dans le parti, sauf lors des élections, pour former des bénévoles pour les bureaux de scrutin et oeuvré le jour même du scrutin comme avocat en lien avec le président d'élection.

« Je n'ai pas eu de rôle à joué au niveau de l'organisation. » — Me Pierre Lambert

M. Lambert a expliqué avoir commencé à fréquenter Gilles Vaillancourt sur plan professionnel à partir des années 1980, soit avant même qu'il ne soit maire. Il le croise alors dans des rencontres de travail sur divers projet, mais aussi dans des évènements mondains à la chambre de commerce, notamment, où se croisent entrepreneurs, ingénieurs, comptables, avocats notaires et banquiers.

Me Lambert a aussi expliqué s'être impliqué au PLQ sous Robert Bourrassa au niveau de sa circonscription, mais n'être plus membre. Il a néanmoins contribué 9175 $ au parti entre 1997 et 2009. Il précise cependant qu'il s'agissait en fait de contributions à des activités sociales du parti, comme des brunchs et des cocktails.

Me Lambert était associé jusqu'au 31 mai dernier dans le cabinet Dunton-Rainville à Laval. Il avait auparavant eu son propre cabinet, Lambert et associés, dans cette même ville, et été jusqu'en avril dernier président du C. A. de la Caisse Desjardins des Mille-Îles de Laval (de 2001 à 2013).

Me Lambert, qui est spécialisé dans le droit des affaires et le droit immobilier, estime que 75 % de sa clientèle était composé d'entreprises et les 25 % restant d'organismes sans but lucratif. Il a notamment eu des mandats de la Ville de Laval, mais aussi auprès de la Conférence régionale des élus (CRÉ) de Laval, de Laval Technopole, du Cosmodôme (le camp spatial - sera sur le C.A.), de la Cité du Savoir (un campus de l'UdeM à Laval), de la Cité de la culture et du sport (un amphithéâtre), soit différents projets faits en OSBL.

Il a souligné que c'est sa participation, en 1995, à la campagne de sauvetage financier du Cosmodôme, qui lui a ouvert la porte pour des mandats d'OSBL. Cette campagne, reconnaît-il, était une priorité pour le maire Gilles Vaillancourt. Des ingénieurs et des entrepreneurs seront sollicités pour l'occasion. Il soutient qu'il n'a aucune idées si ceux-ci s'étaient fait promettre des contrats en retour.

Lors de son témoignage le 28 mai dernier, Gilles Théberge a expliqué qu'en 2000, peu avant qu'il ne quitte Sintra, le directeur de l'ingénierie Claude Deguise a demandé à l'entreprise cinq chèques de 10 000 $, à être versés sur cinq ans, pour « sauver le Cosmodôme », avec promesse de faux extras à la clé.

Me Lambert souligne que les municipalités font des projets en OSBL parce qu'elles n'ont souvent pas elles-mêmes les ressources à l'interne pour les mener à bien : « ce n'est pas un organisme paravent ».

L'avocat est aussi membre de plusieurs organismes communautaires comme le Club des Lions, la caisse populaire des Mille-Îles de Laval, des associations d'hommes d'affaires, et fait souvent du bénévolat, toutes des activités qui lui ont permis de se créer des réseaux. Il a aussi créé le Cercle St-Martin, qui regroupe des gens d'affaires de Laval à l'image du défunt Club St-Denis à Montréal.

INOLTRE SU HUFFPOST

Tony Accurso

La commission Charbonneau en bref

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.