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Commission Charbonneau: Témoignage-surprise d'un entrepreneur de Mascouche sur Laval

Commission Charbonneau: Témoignage-surprise d'un entrepreneur de Mascouche sur Laval
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Un entrepreneur de Mascouche, Pierre Allard, a raconté à la commission avoir tenu tête au système de collusion à Laval entre entrepreneurs. Le propriétaire d'Excavations S. Allard a affirmé avoir refusé, en 2006, de se tasser sur un contrat public de raccordement des égouts et aqueducs de 42 triplex aux services municipaux sur un chantier où il avait fait l'excavation.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

M. Allard a raconté avoir subi les pressions de Patrick Lavallée, de J. Dufresne Asphalte, à trois jours du dépôt des soumissions. Lors d'une rencontre dans un resto-bar de Laval organisée par l'entrepreneur Normand Trudel de Mascouche, M. Lavallée lui lance, au nom d'un groupe de collusionnaires, que le contrat lui revenait, que c'était à son tour, et qu'il ferait mieux de se retirer ou de faire une soumission de complaisance, en attente d'un éventuel « retour d'ascenseur ».

M. Allard, qui avait été prévenu par un ami actif dans les égouts et aqueducs que sa soumission allait « déranger des gens à Laval », revient rapidement de sa surprise et refuse net.

« C'est clair que, pour moi, je n'embarque pas dans ce stratagème-là », décide sur le coup M. Allard, « Ça ne me tente pas de tourner les talons et de fuir ».

Peu après, M. Allard remportait effectivement l'appel d'offres, au plus grand plaisir du promoteur Gestion Lola, dont le chargé de projet, M. Baker, lui avoue alors avoir voulu sur le contrat un « gars honnête », ajoutant que sans sa présence, les prix des soumissionnaires auraient été de 100 000 $ à 200 000 $ plus élevés.

M. Allard n'aura par la suite pas de nouvelles de M. Lavallée, pas plus que des autres entreprises collusionnaires, soit Carl Ladouceur Excavation, VG et Desjardins Asphalte.

« J'ai fait le choix de ne pas participer à ça. Aujourd'hui, je suis content de ce choix », a lancé M. Allard, faisant allusion aux arrestations opérées le 9 mai dernier par l'UPAC à Laval.

M. Allard a par la suite dénoncé le stratagème à l'escouade Marteau.

Des cols bleus avides d'argent comptant

M. Allard a aussi expliqué que des cols bleus de Laval lui avaient demandé un pot-de-vin de 100 $ lorsqu'ils étaient venus pour le site pour approuver la première tranchée qu'il avait creusée pour poser ses tuyaux.

Il soutient qu'un des deux cols bleus lui a dit qu'il n'oserait pas descendre dans la tranchée par Excavations S. Allard, avant de retourner à son camion. Un opérateur de l'entrepreneur lui a alors dit que le col bleu cherchait à se faire payer.

Pierre Allard dit qu'il a finalement donné un billet de 50 $ au col bleu. Mais que ce dernier en a exigé un second. À court de monnaie, l'entrepreneur lui a finalement donné 60 $ supplémentaires afin que les travaux puissent aller de l'avant.

Il dit s'être plaint par la suite au contremaître des deux hommes, un dénommé Joël. Il soutient que c'est la dernière fois qu'on lui a demandé un tel paiement.

Quelques déboires pour M. Allard

M. Allard a expliqué qu'il avait voulu utiliser des tuyaux du fournisseur Casaubon pour réaliser le projet de raccordements des égouts et aqueducs aux triplex construits par le promoteur. Les plans et devis de la firme Filiatrault McNeil, qui s'occupait de la partie publique du projet, spécifiaient que l'entrepreneur devait utiliser des produits « L'Écuyer ou l'équivalent ».

Lorsqu'il a présenté son plan de travail à Alain Filiatrault, Pierre Allard s'est cependant fait dire qu'il devait impérativement utiliser des tuyaux L'Écuyer pour la partie publique des travaux. À défaut d'agir ainsi, lui a dit M. Filiatrault, il courait le risque que la Ville de Laval lui demande de retirer ses tuyaux Casaubon.

M. Filiatrault, a poursuivi Pierre Allard, a spécifié qu'il n'avait aucune objection à ce que des tuyaux Casaubon soient utilisés pour la partie privée du projet.

Pierre Allard dit qu'il a cédé, après s'être fait confirmer par son fournisseur de tuyaux qu'un entrepreneur avait déjà dû retirer des tuyaux Casaubon installés à Laval. Il maintient cependant que les produits Casaubon sont un équivalent légitime à ceux de L'Écuyer, et que le tout est approuvé par le BNQ.

Un témoignage imprévu

Le témoignage de l'entrepreneur de Mascouche n'était pas prévu. La commission avait annoncé mardi matin que l'entrepreneur lavallois Ronnie « René » Mergl, de Nepcon, serait appelé à la barre des témoins au terme du témoignage de Gilles Théberge. Elle a changé d'avis en toute fin d'après-midi.

C'est la deuxième fois que la commission fait volte-face de la sorte depuis qu'elle a entrepris de se pencher sur les pratiques de collusion en vigueur à Laval. Il y a deux semaines, elle avait annoncé que Gilles Théberge serait appelé à témoigner après l'ex-directeur général adjoint de Laval, Jean Roberge. Elle s'était finalement rétractée, appelant plutôt à la barre deux collecteurs de fonds du parti du maire Vaillancourt, Roger Desbois, puis Marc Gendron.

Fidèle à ses habitudes, la commission n'a pas divulgué la nature du témoignage de Pierre Allard. Le nom de l'entrepreneur n'a fait surface qu'une fois depuis les travaux de la commission : il a réalisé un contrat en maîtrise d'oeuvre privé (MOP) à Laval pour différents travaux de pavage, de bordures, de trottoirs et d'éclairage par distribution souterraine sur une partie des rues Biencourt, Patenaude, Bousquet, Larouche et Lemaitre.

C,est maintenant au tour de Ronnie Mergl de témoigner . Il sera le premier des 37 hommes arrêtés par l'UPAC le 9 mai dernier dans le cadre du projet Honorer à être entendu par la commission. Tout comme ses frères Mike et Anthony Mergl, il fait face à plusieurs chefs d'accusation, dont complot pour corruption, complot pour fraude, fraude, acte de corruption dans les affaires municipales, fraude envers le gouvernement et abus de confiance.

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Tableau des 37 personnes accusées dans la foulée de l'opération Honorer, ainsi que les chefs d'accusation retenus contre elles :

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