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Crack : une réponse de Doug Ford jugée insuffisante

Crack : une réponse du frère de Rob Ford jugée insuffisante
CP/The Globe And Mail

Le frère du maire de Toronto et conseiller municipal, Doug Ford, s'est porté à la défense de Rob Ford, mercredi, rencontrant finalement la presse à l'hôtel de ville, mais sans donner plus de détails, cinq jours après la publication d'allégations liées à une vidéo qui montrerait un homme ressemblant au maire en train de fumer ce qu'il semble être du crack.

Le responsable du site américain Gawker et deux journalistes du Toronto Star ont dit, la semaine dernière, avoir vu la vidéo tournée sur le téléphone cellulaire d'un présumé trafiquant qui aurait vendu de la drogue au maire. Radio-Canada n'a pas vu la bande et ne peut pas l'authentifier.

Alors que le maire Ford fuit les médias depuis vendredi dernier, son frère Doug Ford a soutenu, mercredi, que le maire avait déjà nié les allégations à trois reprises.

« Rob Ford est un homme d'intégrité. Aucun maire (de la ville) n'a été aussi accessible. » — Doug Ford, frère du maire

Doug Ford a affirmé que le maire lui avait dit que les allégations étaient fausses et « je le crois ».

Il a accusé le Toronto Star de « journalisme douteux » et a demandé aux journalistes d'arrêter de pourchasser son frère.

Le conseiller s'est contenté de lire un texte, vantant les accomplissements du maire, avant de tirer sa révérence, sans répondre aux questions des journalistes.

Pour sa part, le maire Rob Ford a répondu, vendredi dernier, que les allégations étaient « ridicules » et qu'il s'agissait d'une « autre attaque du Toronto Star », sans vouloir donner plus de détails. Même confronté, mercredi matin, par un journaliste télé dans une beignerie, il a refusé d'en dire plus, affirmant que le reporter devrait se munir d'un bon sac de couchage s'il comptait continuer à le suivre jour et nuit.

Réactions

Le conseiller municipal Josh Matlow, un centriste, a affirmé après la sortie publique de Doug Ford que le maire se devait de s'expliquer personnellement et « avec honnêteté ».

« Le maire doit faire passer les intérêts de la Ville avant les siens. » — Josh Matlow, conseiller municipal

Nombre de commentateurs pensent que les allégations vont continuer à hanter le maire, en plus de créer l'impression chez le public qu'il ment, tant et aussi longtemps qu'il ne donnera pas plus de détails sur la situation.

Le maire adjoint, lui, avait laissé entendre, mercredi matin, que M. Ford restait muet sur la situation, selon les conseils de ses avocats. Doug Holyday, qui a lui-même incité le maire à s'expliquer publiquement, a ajouté qu'il ne savait pas pourquoi M. Ford avait reçu ce conseil juridique.

Ridiculisé à la télé américaine

Le maire adjoint, Doug Holyday, avait déploré, plus tôt mercredi, le fait que le maire et la Ville Reine soient devenus les dindons de la farce d'humoristes américains, qui se sont moqués durant leur émission, mardi soir, des allégations contre Rob Ford.

Lors de leurs émissions à la télé américaine, mardi soir, les humoristes Jimmy Kimmel et Jon Stewart ont ri de la situation. M. Kimmel a fait une entrevue truquée avec un autre comédien, qui prétendait être le maire. « Je pense que vous avez peut-être besoin d'aide », a affirmé l'humoriste à la blague, après une mise en situation durant laquelle on voyait le faux maire en train de sauter sur un lit, expirant de la fumée, et accompagné d'une prostituée et d'un orignal.

Pour sa part, l'émission Daily Show a interviewé deux faux correspondants canadiens qui racontaient que la consommation de crack était l'un des passe-temps les plus chéris au pays.

Le maire adjoint de Toronto a affirmé, mercredi matin, qu'il aimerait que les Américains sachent que Toronto est une « ville extraordinaire », les invitant à visiter la métropole « pour les bonnes raisons ».

Pendant ce temps, au moins deux de ses alliés au conseil municipal de Toronto le défendent, mais sous réserve. L'ancien chef du budget Mike Del Grande a affirmé qu'il n'avait jamais vu chez le maire de « signe » d'alcoolisme ou de dépendance aux drogues, tout en ajoutant que ce n'était pas un « test décisif ». Son collègue Peter Milczyn, vice-président de la Commission des transports et président du comité de la planification, a abondé dans le même sens.

« Je ne l'ai jamais vu boire ou sous l'influence de drogues. Mais je ne sais pas ce qu'il fait à l'extérieur de l'hôtel de ville. » — Peter Milczyn, conseiller municipal

Les conseillers Milczyn et Del Grande ont pressé par ailleurs le maire de clarifier la situation, qui porte ombrage aux affaires de la Ville, selon eux.

Des élections municipales auront lieu l'an prochain, et même les alliés traditionnels de Rob Ford semblent vouloir prendre leurs distances face à un maire qui accumule les controverses depuis son élection, en 2010.

La vidéo

Le responsable du site américain Gawker, qui avait publié les allégations en premier jeudi dernier, affirme qu'il a vu la vidéo dans laquelle on apercevrait Rob Ford en train de fumer ce qui semble être du crack, après avoir été abordé par quelqu'un qui tentait de la lui vendre. Il ne l'a toutefois pas achetée.

Des journalistes du Toronto Star disent aussi avoir vu la vidéo en question. La reporter Robyn Doolittle raconte qu'elle avait visionné l'enregistrement avec un collègue il y a deux semaines, sur le téléphone cellulaire d'un présumé trafiquant de drogue qui disait avoir fourni du crack au maire. Il voulait leur vendre la vidéo au coût d'au moins 100 000 $, mais ils ont refusé.

Le Star, accusé par le maire d'attaques injustifiées dans le passé, n'a publié un article sur le sujet que vendredi, soit après que les allégations eurent d'abord été faites sur le site Gawker, parce que l'histoire était plus solide, selon Mme Doolittle. La journaliste est « certaine à 100 % » que l'homme qu'elle a vu dans la vidéo était Rob Ford.

L'avocat du maire a affirmé, lui, que les allégations étaient diffamatoires; il met en doute l'authenticité de la vidéo, qu'il n'a pas vue lui-même. Me Dennis Morris a expliqué que la bande « aurait pu être truquée » et que son contenu n'était pas clair.

« Personne ne peut vérifier ce qui se passe dans la vidéo et ce qui y est fumé exactement. » — Me Dennis Morris, avocat du maire de Toronto

Me Morris ajoute que l'apparence anormale du maire dans la vidéo, si elle est authentique, pourrait être le résultat de différents facteurs. Par exemple, dit-il, « quelqu'un qui a pris des médicaments » peut avoir l'air anormal.

Pour sa part, la police de Toronto « surveille la situation de près », selon un porte-parole.

Le crack est un dérivé fumable de la cocaïne, très concentré et se présentant sous la forme de cristaux toxiques.

En 1990, le maire de Washington de l'époque, Marion Barry, avait été filmé en train de fumer du crack. Il avait été arrêté et avait passé six mois derrière les barreaux, avant de faire un retour en politique et d'être élu comme conseiller municipal en 1992. Le politicien, toujours très populaire malgré sa condamnation passée, avait retrouvé son siège de maire deux ans plus tard.

Allégations passées

En mars dernier, le maire Ford avait nié catégoriquement souffrir d'alcoolisme, accusant le Toronto Star de véhiculer à nouveau « des mensonges, des mensonges » à son endroit.

Il avait accusé les journalistes du quotidien d'être des « menteurs pathologiques ». « Poursuivez-moi [en diffamation]! », avait aussi lancé le maire à leur endroit, visiblement en colère, à la suite d'un point de presse pour rendre hommage au boxeur George Chuvalo. M. Ford avait ajouté que les électeurs trancheraient lors des prochaines élections, en 2014.

Son frère et conseiller municipal, Doug Ford, avait affirmé sur les ondes d'une radio privée n'avoir « jamais vu Rob boire à un seul événement ».

Radio-Canada n'a pas pu vérifier indépendamment la véracité des allégations du Toronto Star.

Les allégations d'alcoolisme :

Le Toronto Star citait plusieurs sources anonymes qui affirmaient que les organisateurs d'un gala, en février, avaient demandé au maire de quitter la salle parce qu'il « semblait saoul ». D'autres sources avaient plutôt raconté au Star que son comportement était normal. C'est aussi ce qu'avait affirmé le ministre de la Défense, Peter MacKay, qui avait croisé le maire au souper-bénéfice du Garrison Ball. Mais le Star ajoutait que l'entourage de M. Ford tentait depuis des mois de lui faire suivre une cure de désintoxication.

Par ailleurs, en mars dernier, l'ancienne candidate à la mairie et critique de M. Ford Sarah Thomson avait affirmé que le maire lui avait agrippé les fesses, en plus de lui avoir fait des avances, lors d'une fête. Elle avait même soutenu que le maire semblait être drogué, racontant que son comportement n'était pas normal. Rob Ford avait rejeté ces allégations en bloc.

Le frère du maire, Doug Ford, avait accusé le Star de mener une vendetta politique contre le maire; il avait invité le quotidien à « nommer ses sources » si ses allégations étaient fondées.

Doug Ford avait rejeté, toutefois, l'idée de poursuivre le quotidien en diffamation, affirmant que « ce serait de jouer leur jeu » et précisant que sa famille avait déjà dépensé près d'un demi-million de dollars en frais d'avocat pour défendre en cour le maire contre des allégations non fondées.

Depuis son élection il y a deux ans, Rob Ford a fait face à des recours judiciaires relativement à ses dépenses électorales et à de présumés conflits d'intérêts. Dans ce dernier dossier, le maire a échappé de peu à la destitution en janvier, après qu'un tribunal eut annulé sa condamnation en appel.

Alors qu'il était conseiller municipal, M. Ford a dû s'excuser auprès d'un couple de résidents de l'extérieur de la ville qu'il avait insultés lors d'un match de hockey, alors qu'il était ivre. Le couple s'était plaint qu'il faisait trop de bruit. « Veux-tu que ta petite femme aille en Iran et se fasse violer et tuer? », avait lancé Rob Ford. Il avait d'abord nié les événements avant d'admettre ses torts.

Durant la dernière campagne électorale, M. Ford a par ailleurs nié avoir été arrêté pour conduite en état d'ébriété et possession de marijuana en Floride en 1999. Il avait ensuite concédé que l'histoire était véridique, affirmant qu'il l'avait « oubliée ».

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