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L'ombre de Martin Luther King plane sur le roman « Motel Lorraine » de Brigitte Pilote (ENTREVUE)

Martin Luther King plane sur le roman «Motel Lorraine» de Brigitte Pilote (ENTREVUE)
courtoisie

Le 4 avril 1968, Martin Luther King est assassiné froidement au Motel Lorraine de Memphis. Environ 10 ans plus tard, une voyante québécoise et ses deux filles trouvent refuge dans la chambre où personne ne veut séjourner depuis le triste événement. Portrait d’une époque où l’égalité raciale fait ses premiers pas, courtepointe de personnages aux destins qui s’entremêlent, ode aux rêves et à la résilience, le deuxième roman de Brigitte Pilote vient d’atterrir sur les tablettes.

« Au tout début, j’ai eu l’image d’une mère en voiture avec une ado et une jeune fille à l’arrière. L’ambiance était tendue, se souvient l’auteure. Quand je commence l’écriture d’un roman, je passe mes personnages en auditions et je fais des bouts d’essais. J’ai d’abord voulu les envoyer à New Richmond, mais ça ne fonctionnait pas. Puis, j’ai pensé au Motel Lorraine et à Martin Luther King, sur qui j’avais fait des recherches. Dans mon premier roman, un des personnages s’intéressait aux dernières citations des grands apôtres de la non-violence. Avant de se faire tuer, Luther King était sur la rambarde du motel et il a demandé aux musiciens de jouer « Precious Lord take my hand » plus tard à l’église. À ce moment-là, j’ai réalisé que le Motel Lorraine serait un endroit incroyable pour camper mon roman. »

Écrivaine instinctive, travaillant sans plan, découvrant peu à peu la nature de ses personnages, Brigitte Pilotte s’est laissé porter par les effluves historiques de l’endroit. N’ayant pas prévu que ses personnages soient Blancs ou Noirs, l’auteure a vu leurs couleurs apparaître d’elles-mêmes. « En campant mon roman à Memphis, à la fin des années 70, je ne pouvais pas ne pas tenir compte de la division raciale et de son impact sur l’histoire. J’ai eu peur jusqu’à la fin de ne pas avoir l’autorité pour écrire là-dessus, puisque je suis Blanche et que je n’ai pas vécu la ségrégation raciale. J’ai pris la chance de me casser la gueule avec un sujet difficile, mais très porteur, plutôt que d’aller vers quelque chose qui ne me stimulait pas. En littérature, je crois qu’il faut savoir s’enlever du chemin pour que nos personnages prennent le dessus. Il faut s’autoriser à dire ce qu’on a à dire. Motel Lorraine est sorti de moi. Je le revendique, avec ses qualités et ses défauts. »

Negro spiritual

Histoire aux voix multiples, Motel Lorraine invite les lecteurs à découvrir Sonia, la maman en exil, qui préfère emplir ses deux filles de friandises et de friture, plutôt que de leur offrir un accès à la moindre nourriture intellectuelle et à un lieu de vie décent. Louisiane, la jeune adolescente qui plante un glaive dans le cœur de sa mère en arrêtant de manger et qui découvre que ses nouvelles mensurations sont au goût du jour. Georgia, sa jeune sœur, grassette, mais non complexée, résignée, mais sereine, qui rêve de chanson et d’attention. Louzie, un ex-prisonnier qui profite de son appareil de photographe pour dresser un écran entre ses envies et une pédophilie condamnée. Alabama, une jeune Afro-Américaine dont la pâle noirceur et la voix cristalline attirent l’attention d’une chef de chœur et provoquent la fierté de son prospère papa. Jackie, la femme de ménage du Motel Lorraine, frère de Louzie, protectrice de Georgia et défenderesse de l’intégrité et de la justice. « Le thème central de mon histoire se résume à comment on fait pour rayonner et vivre sa vie le plus près possible de son talent et de ses aspirations, tout en affrontant les écueils de la vie. »

Loin d’être une autobiographie, l’histoire du Motel Lorraine n’en est pas moins bardée de thématiques chères au cœur de Brigitte Pilote. Prête à tout pour consacrer le reste de son existence à l’écriture, elle a fait de sa vie un exemple de simplicité volontaire et affirme qu’elle n’hésiterait pas à déménager dans une chambre de couvent s’il le fallait. « Pendant 20 ans, l’écriture de fiction a été évacuée de ma vie. Le métier d’écrivaine était incompatible avec la vraie vie, la famille, le chum et la maison en banlieue. Mais quand j’ai frappé la quarantaine, j’ai décidé de plonger et j’ai écrit mon premier roman, Mémoires d’une enfant manquée. Je veux continuer de m’y consacrer pleinement. »

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