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« Il a fait la magouille, le ministre » Guy Chevrette, dit Cloutier

« Il a fait la magouille, le ministre » Guy Chevrette, dit Cloutier
PC

L'ex-ministre péquiste des Transports Guy Chevrette a fait de la « magouille » dans le dossier de la construction d'un tronçon de 31 kilomètres de la route 125 entre Saint-Donat et Lac-Supérieur, a soutenu Gilles Cloutier mercredi devant la commission Charbonneau. M. Chevrette a nié ces allégations par voie de communiqué.

Un texte de François Messier

L'ex-vice-président au développement des affaires de la firme de génie-conseil Roche soutient que Guy Chevrette lui a dit qu'il « aimerait ça » que le contrat de construction pour ce projet, réalisé au début des années 2000, soit accordé à Pavages Desjardins, où travaillait un de ses amis.

Selon Gilles Cloutier, Roche, qui avait décroché le contrat pour les plans et devis dans ce dossier, a effectivement manoeuvré de manière à ce qu'une filiale de Pavages Desjardins, JL Campeau, obtienne le contrat. L'affaire a été réglée lors d'une rencontre organisée le 12 septembre 2001 entre Yves Lortie de Roche et Guy Desjardins, directeur général de JL Campeau.

Une fois le contrat signé, Gilles Cloutier dit avoir remis une somme de 25 000 $ à un « grand ami » de Guy Chevrette, Gilles Beaulieu. Il croit que l'argent a servi à payer un voyage que M. Chevrette, Gilles Beaulieu et leurs épouses respectives ont fait par la suite.

L'affaire avait été négociée des semaines plus tôt, après que Guy Chevrette eut décidé que la MRC de la Matawinie allait gérer ce contrat. Cloutier avait alors rencontré Gilles Beaulieu qui lui dit « que si, un jour ou l'autre, Roche a la job, [il aura] une somme à payer pour faire le contrat de 21 millions ».

Gilles Cloutier ne sait pas si toute la somme a été remise à Gilles Beaulieu. Un autre dirigeant de Roche, Yves Lortie, lui avait dit qu'il s'occuperait de ces paiements, et il n'a pas vérifié ce qu'il en était advenu.

M. Cloutier n'a jamais précisé quel rôle Gilles Beaulieu jouait auprès de Guy Chevrette. Il a cependant assuré n'avoir jamais parlé d'argent avec l'ex-ministre péquiste.

Une première intervention auprès de Chevrette

Le contrat de la route 125 devait originalement être géré par la municipalité de Saint-Donat, mais la direction territoriale du ministère des Transports a finalement décidé de le confier à la MRC de la Matawinie, après que Gilles Cloutier soit intervenu auprès du ministre Chevrette.

L'ex-vice-président de Roche avait annoncé au ministre qu'avant même que l'appel d'offres ne soit lancé, des entrepreneurs de la région avaient été vus célébrant leur victoire dans un restaurant, en compagnie du député péquiste Claude Cousineau.

Gilles Cloutier avait du même souffle suggéré à Guy Chevrette que l'appel d'offres pour les plans et devis géré par la MRC de la Matawinie soit évalué par un comité de sélection composé des maires des cinq municipalités longeant ce nouveau tronçon, soit :

  • Le maire Yves Paquin de Saint-Donat, qui était contre Roche, selon Cloutier;
  • Le maire Daniel Brazeau de Chertsey;
  • Le maire Réjean Neveau de Rawdon, alors préfet de la MRC;
  • Le directeur de la MRC de la Matawinie, Yves Gaillardetz;
  • Le directeur de la MTQ pour la région, Mario Turcotte.

Guy Chevrette, dit-il, a trouvé « l'idée très bonne ». Un peu plus tard, ce comité de sélection proposé a bel et bien été constitué. Gilles Cloutier affirme que Daniel Brazeau l'a appelé dès qu'il su qu'il y serait, et lui a confirmé les autres membres du comité. « C'était mon homme dans le comité des cinq », a-t-il dit à son sujet.

Or Gilles Cloutier avait développé des liens avec quatre des cinq membres du comité. Il avait organisé des élections pour les maires Brazeau et Neveu, avait déjà offert des billets de football à Mario Turcotte, et était un « bon ami » de M. Gaillardetz. « Je menais le score de ce comité-là 4 à 1 », a commenté le témoin.

Gilles Cloutier soutient qu'avant la tenue du comité de sélection, il a donné ses conseils à Daniel Brazeau, pour qui il avait déjà organisé plusieurs élections.« J'ai dit à M. Brazeau [...] pour être sûr, pour ne pas manquer notre coup, tiens-toi à peu près dans le 92,5 ». La grille d'évaluation déposée en preuve par la commission montre que Roche a bel et bien obtenu une note de 91,2.

Gilles Cloutier dit d'ailleurs avoir appris les résultats du comité de sélection « dans les minutes » qui ont suivi la fin de la réunion, grâce à Daniel Brazeau.

« Dans le fond, pour faire ça court [...] il y avait une magouille, comme j'ai expliqué. Chevrette a enlevé la magouille de Saint-Donat, mais par contre Cloutier, Roche et Chevrette ont fait une nouvelle magouille », a résumé Gilles Cloutier. « Alors on n'était pas mieux que les gens de Saint-Donat et M. Chevrette a décidé de faire ça comme ça. »

« J'ai fait de la collusion, pis j'ai fait même de la corruption, et je me suis servi du ministre. Il y avait deux magouilles. J'en ai défait une, mais on en a remonté une autre », a conclu Gilles Cloutier.

Guy Chevrette nie tout

Dans un communiqué publié en soirée mercredi, Guy Chevrette nie toutes les allégations formulées à son endroit par Gilles Cloutier.

« Les affirmations de l'ancien vice-président de la firme Roche à mon égard sont totalement fausses et diffamatoires. Je souhaite être entendu par la Commission le plus rapidement possible afin de pouvoir rétablir la vérité et contrecarrer cette atteinte à ma réputation », affirme l'ancien ministre.

Le communiqué précise que « la Commission a déjà convenu de le recevoir comme témoin à une date à être déterminée afin qu'il puisse notamment donner sa version des faits ».

Gilles Beaulieu, l'ami de M. Chevrette, n'a également aucun souvenir des événements évoqués par le témoin Gilles Cloutier. « Pour ma part, je trouve cela complètement ridicule, c'est aberrant. Je ne sais pas pourquoi cet individu-là peut faire une déclaration semblable. Je n'ai rien à cacher et puis je n'ai jamais rien eu en rapport à cela », a déclaré M. Beaulieu en entrevue à Radio-Canada.

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