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Trépanier s'empêtre dans des contradictions (VIDÉO)

Trépanier s'empêtre dans des contradictions (VIDÉO)
CEIC

L'interrogatoire principal de Bernard Trépanier s'est terminé, comme il avait commencé, par des propos contradictoires sur son rôle dans le système de partage des firmes de génie-conseil pour faire main basse sur les contrats publics de la Ville de Montréal dans les années 2000.

Un texte de François Messier avec Bernard Leduc

L'ex-directeur du financement d'Union Montréal a ainsi répété que les dizaines de milliers de dollars qu'il a exigés des firmes de génie dans les mois précédant la campagne électorale de 2005 constituaient non pas des sommes forfaitaires payables sur-le-champ en argent comptant, mais des engagements à acheter des billets de financement pour le parti du maire Gérald Tremblay au cours des quatre prochaines années.

Le procureur en chef adjoint Denis Gallant lui a alors rappelé que, selon son propre témoignage livré à la fin-mars, Rosaire Sauriol de Dessau et Michel Lalonde du Groupe Séguin (devenu Génius) l'avaient invité au restaurant, à la fin de 2005, pour le sommer de ne plus s'occuper des contrats des firmes de génie.

« À partir de là, tu ne t'occupes plus [...] de rien au niveau des ingénieurs. Les gars ont mis assez d'argent et il n'y a rien qui a fonctionné », avaient dit ses interlocuteurs, selon son propre témoignage.

« Ça ne va pas bien, là... », a laissé tombé Me Gallant. Après un long silence, le témoin a répondu que MM. Sauriol et Lalonde s'étaient excusé le lundi suivant cette rencontre au Calvi et qu'il leur avait proposé d'instaurer ce système peu après.

Avant cet échange, le commissaire Renaud Lachance avait longtemps cuisiné le témoin au sujet des billets pour des événements de financement d'Union Montréal qu'il vendait à ces firmes de génie. Bernard Trépanier avait admis qu'il demandait aux firmes d'acheter un nombre de billets en fonction de l'importance des contrats obtenus. Plus il y a de contrats, plus vous vendez de billets? lui a demandé le commissaire. « C'est sûr », a répondu le témoin.

Le commissaire Lachance a souligné que ce fonctionnement était assimilable à la ristourne de 3 % sur les contrats obtenus évoquée par les nombreux dirigeants de firmes de génie qui ont été appelés à la barre au cours des dernières semaines. Bernard Trépanier a refusé de cautionner cette interprétation. Il a du même souffle nié qu'il profitait des appels qu'il faisait pour informer les firmes des résultats des appels d'offres que lui fournissait Robert Marcil pour vendre ses billets.

Il a aussi nié qu'il invitait les représentants des firmes de génie à mettre de l'argent dans le « chapeau » lors des activités de financement du parti, en référence à cette caisse dans laquelle les partis étaient autorisés à recueillir des dons anonymes en argent comptant. « On poussait beaucoup beaucoup pour avoir des chèques. La solution, ce n'était pas le chapeau », a-t-il assuré.

La facture de 75 000 $ de Morrow discutée dans le « war room » d'Union Montréal

Tout au long de son témoignage, Bernard Trépanier a nié avoir reçu de l'argent comptant des firmes de génie-conseil, exception faite d'une somme de 40 000 $ qu'Yves Cadotte de SNC-Lavalin lui a remise à l'occasion de la campagne électorale de 2005. À ce sujet, Bernard Trépanier a d'ailleurs affirmé, après l'avoir nié, qu'il avait prévenu l'agent officiel d'Union Montréal, Marc Deschamps, de la situation.

« Je savais qu'il y avait 40 000 $, je suis allé le porter [au bureau, dans le coffre-fort, NDLR], mais je n'ai jamais touché à cet argent-là par après », a-t-il dit. Il précisera ensuite qu'il n'a pas informé l'ex-président du comité exécutif Frank Zampino de cette affaire. « Je n'ai pas eu besoin de lui dire », a-t-il commenté.

Yves Cadotte avait plutôt dit avoir remis 125 000 $ en argent comptant à l'argentier d'Union Montréal. Marc Deschamps a quant à lui affirmé qu'il n'a jamais été témoin de remise en argent comptant dans le cadre de ses fonctions. Il avait plutôt accusé Bernard Trépanier d'avoir empoché les sommes d'argent qu'auraient pu lui remettre entrepreneurs et firmes de génie.

« Jamais », a répondu Trépanier à ce sujet. « Si c'est à moi, c'est à moi. Si c'est aux autres, c'est aux autres ».

Yves Cadotte avait aussi expliqué que SNC-Lavalin avait payé une partie des 200 000 $ demandés par Bernard Trépanier en acquittant une facture de 75 000 $ de Morrow communication pour des travaux effectués pour Union Montréal.

Le témoin, qui nie avoir fait cette demande, a précisé lundi qu'il avait entendu parler de cette facture par quelqu'un qui était au « war room » électoral d'Union Montréal en 2005. Cette personne, qu'il n'a pu nommer, avait aussi évoqué que la facture allait être payée par SNC-Lavalin. Yves Cadotte lui a aussi parlé de cette facture, a-t-il rappelé.

Le président de Morrow communications, André Morrow, a soutenu devant la commission que cette facture à SNC-Lavalin était parfaitement légitime, et qu'elle n'était aucunement liée à des travaux effectués pour Union Montréal.

« Je n'étais pas au courant » de la collusion entre entrepreneurs

L'ex-grand argentier d'Union Montréal dément par ailleurs que des entrepreneurs en construction de Montréal lui aient versé des cotes en échange de contrats publics de la Ville. Bernard Trépanier dit d'ailleurs n'avoir jamais entendu parler d'une collusion impliquant ces entrepreneurs. « Je n'étais pas au courant. Moi, les contracteurs, je ne les voyais pas », a-t-il fait valoir.

Bernard Trépanier n'a jamais été directement montré du doigt par des entrepreneurs en construction à ce sujet. Lino Zambito d'Infrabec a dit qu'il versait à Nicolo Milioto, alors dirigeant de Mivela, 3 % de la valeur des contrats obtenus au parti de l'ex-maire Gérald Tremblay, Union Montréal. Michel Leclerc de Terramex a dit pour sa part qu'il devait donner de l'argent à M. Milioto pour « la politique ».

M. Milioto, qui était très proche Nicolo Rizzuto père et qui fréquentait le café Consenza, a toujours nié avoir récolté sciemment cette ristourne.

Le témoin n'a pas bronché lorsque le procureur en chef adjoint Denis Gallant lui a rappelé qu'il a pourtant parlé 81 fois à Nicolo Milioto entre le 22 juin 2005 et le 15 août 2009. Il s'est borné à répondre qu'il lui vendait simplement des billets pour des activités de financement et qu'il pouvait appeler une personne plusieurs fois avant de lui parler.

Il a aussi fait valoir qu'il pouvait demander à M. Milioto de vendre des billets pour des activités de financement de certains arrondissements, à la demande des organisateurs concernés. Bernard Trépanier dit qu'on passait par lui parce qu'il connaissait Nicolo Milioto.

L'ex-argentier d'Union Montréal a d'ailleurs confirmé qu'il a continué de faire de la sollicitation pour Union Montréal, même après avoir officiellement quitté le parti, au printemps ou à l'été 2006.

Des démentis en série

En fin d'avant-midi, le procureur Gallant et les commissaires sont revenus à la charge, en lui rappelant que de nombreux dirigeants de firmes de génie l'ont montré du doigt au cours des dernières semaines. Le témoin n'a pas répondu directement lorsque le procureur lui a demandé si tous ces gens s'étaient parjurés, mais a avancé qu'Union Montréal et lui ont pu être des boucs émissaires tout désignés.

« Il va prendre ça le bonhomme. Il a 74 ans. Il va craquer » a-t-il illustré à l'appui de sa thèse. Il a d'ailleurs assuré qu'il serait prêt à confronter tous ses accusateurs « dans les yeux ».

Le témoin a ensuite démenti :

  • que Charles Meunier de BPR lui a remis de l'argent comptant en mains propres, comme ce dernier l'a affirmé dans son témoignage;
  • que Michel Lalonde de Genius a versé une cote à Union Montréal en faisant un chèque à sa compagnie, Bermax;
  • qu'Alexandra Pion, ou une quelconque autre employée temporaire d'Union Montréal a compté de l'argent à sa demande.

Bernard Trépanier a aussi réitéré qu'il ne savait pas quel intérêt l'ancien patron des travaux publics Robert Marcil pouvait trouver à lui transmettre de l'information sur les contrats à venir ou sur le résultat des comités de sélection. « Jamais M. Marcil ne m'a demandé de faveur », a-t-il déclaré.

Il a ajouté n'avoir jamais été au courant que Frank Zampino souhaitait que Robert Marcil siège à des comités de sélection, comme l'a rapporté l'ex-directeur général de la Ville Claude Léger.

De retour à la barre mardi

Bernard Trépanier sera de retour à la barre des témoins mardi. Avant d'être interrogé sur le scandale immobilier du Faubourg Contrecoeur, il sera contre-interrogé par les avocats du Parti libéral, Michel Décary, d'Union Montréal, Michel Dorval, et de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, Denis Houle.

Daniel Rochefort de l'Association de la construction du Québec a entrepris son contre-interrogatoire en toute fin d'après-midi. Il a demandé à l'homme de 74 ans de fournir des photos ou la liste des invités présents à une fête organisée à l'occasion de son 70e anniversaire.

Le témoin a dit qu'il n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvaient ses photos. Il a dit qu'il appellerait sa femme, en Floride jusqu'au 1er mai, pour s'informer. Il a cependant révélé que le député libéral Michel Bissonnette, alors président de l'Assemblée nationale, était présent, tout comme trois politiciens municipaux, soit Frank Zampino, Cosmo Maciocia et Sammy Forcillo.

Bernard Trépanier avait révélé un peu plus tôt que le cadeau de 5000 $ qu'il avait alors reçu de Rosaire Sauriol de Dessau avait été payé par cinq personnes, dont Frank Zampino, ainsi que Tony Accurso et son bras droit, Frank Minicucci.

Il a aussi révélé qu'il avait déjà séjourné sur le bateau de Tony Accurso, en compagnie de Bernard Poulin de SM et des épouses des deux hommes. Il a cependant assuré qu'il ne s'était peu mêlé aux deux couples, puisqu'il était seul, et n'a pu dire de quoi les deux hommes d'affaires parlaient.

Le témoignage de Bernard Trépanier dans le dossier Faubourg Contrecoeur sera frappé d'une ordonnance de non-publication, comme l'a demandé le Directeur des poursuites criminelles et pénales

« J'étais l'ouvreur de portes »

L'ex-directeur du financement d'Union Montréal a aussi été interrogé en début de journée sur la nature du travail qu'il a effectué pour la firme Astral Media. Bernard Trépanier et sa compagnie Bermax ont perçu quelque 570 000 $ en honoraires d'Astral entre 2002 et 2010 pour faire du démarchage dans des municipalités.

M. Trépanier faisait profiter Astral de ses contacts pour l'aider à placer ses panneaux publicitaires dans des municipalités, notamment à Sherbrooke, Longueuil, Saint-Léonard et Laval. « J'ouvrais la porte. Après, j'allais avec un représentant spécialisé de chez Astral... je l'introduisais... », a dit M. Trépanier. Ça pouvait me prendre trois jours pour y parvenir, a-t-il expliqué, quelqu'un sans lien avec des élus aurait pu prendre trois semaines.

Par exemple, en 2006-2007, il a reçu environ 75 000 $ en commissions d'Astral pour du démarchage à Longueuil, où il était en contact avec le maire d'alors, Claude Gladu.

Mais Bernard Trépanier nie avoir donné de l'argent à des élus pour qu'ils favorisent les panneaux publicitaires d'Astral.

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