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« Offshore leaks »: les médias se serrent les coudes

« Offshore leaks »: les médias se serrent les coudes
Flickr: James Cridland

À la suite des révélations sur des cas d'évasion fiscale un peu partout dans le monde, plusieurs gouvernements réclament d'avoir accès aux informations obtenues par le Consortium international des journalistes d'enquête (ICIJ). Les responsables des médias refusent cependant de rendre ces documents publics.

« Il n'est pas question de révéler quoi que ce soit de cette liste », a affirmé mercredi le directeur de l'information de Radio-Canada, Michel Cormier.

M. Cormier soutient que CBC/Radio-Canada, qui fait partie du consortium d'une quarantaine de médias de partout dans le monde ayant obtenu une liste de personnes ayant des intérêts dans des paradis fiscaux, défendra bec et ongle « un principe sacré de l'indépendance journalistique ».

Dans ce cas précis, le directeur de l'information de Radio-Canada ajoute que le diffuseur public « est lié à une solidarité avec 40 grands médias du monde » dans le cadre d'un consortium de journalistes d'enquête.

« Ce serait de trahir tout le monde si on se soumettait à cette demande des gouvernements canadien et québécois », ajoute-t-il.

La direction de l'information de Radio-Canada refuse également de remettre la liste de noms sans en fournir la source, puisqu'on révélerait alors le chemin utilisé pour obtenir l'information, explique Michel Cormier.

Le gouvernement fédéral, qui dit envisager des moyens judiciaires pour obtenir cette liste, a également demandé à l'ICIJ de lui fournir ces renseignements.

CBC/Radio-canada n'a pas reçu d'avis juridique du gouvernement fédéral à ce sujet jusqu'à maintenant.

Québec veut avoir accès à la liste

De son côté, la première ministre du Québec, Pauline Marois, a également dit souhaiter que Revenu Québec obtienne les informations sur la quarantaine de Québécois qui font partie de la liste de personnes ayant des comptes dans des paradis fiscaux.

« Les médias concernés ont refusé de donner la liste en vertu évidemment du secret auquel ils ont droit lorsqu'ils obtiennent de telles informations. Cependant, dans mon cas, j'ai demandé et je souhaite que le ministère du Revenu, qui travaille déjà avec d'autres administrations à travers le monde, dont entre autres avec l'Agence du revenu du Canada, puisse avoir aussi accès à ces listes de noms, en autant que celles-ci soient accessibles », a indiqué Mme Marois lors de la période des questions à l'Assemblée nationale

« Pour l'instant, ce que l'on constate, c'est qu'il y a un refus de nous donner accès à ces listes de noms, ce qui ne nous empêchera pas d'utiliser tous les moyens légaux à notre disposition pour être capables d'arriver à avoir ces informations », a-t-elle poursuivi.

Le ministre des Finances du Québec, Nicolas Marceau, a par ailleurs indiqué que le gouvernement étudiait présentement les moyens de lutter davantage contre l'évasion fiscale, n'excluant pas la mise en place d'un programme de délation, comme l'a fait le gouvernement fédéral.

Pressions sur les médias européens

En France, le quotidien Le Monde a annoncé qu'il rejetait « toute demande, qu'elle soit judiciaire ou gouvernementale, de transmission de données ». Le Monde cite la « protection des sources » et la « protection de la mission d'information » pour refuser de remettre les documents que réclame le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve.

Mardi, à l'Assemblée nationale, le ministre avait « demandé à la presse, qui dit détenir des éléments et des fichiers, de bien vouloir les communiquer à la justice de manière à ce que celle-ci puisse faire son travail ».

« À chacun son rôle. À la justice d'établir les responsabilités là où la loi a pu être enfreinte. Aux gouvernants et législateurs de prendre des mesures pour prévenir les abus. À la presse d'éclairer le citoyen, avec bonne mesure », écrit le journal dans son édition en ligne.

Pour sa part, le quotidien belge Le Soir a annoncé sur son site Internet qu'il ne pouvait « répondre favorablement » à la requête du procureur de Bruxelles, Olivier Coene, qui lui demandait une copie des fichiers informatisés. Le rôle de « quatrième pouvoir » de la presse serait compromis s'il accédait à la demande.

Le gouvernement allemand a essuyé, lui aussi, une fin de non-recevoir de la part du magazine Focus, partenaire de l'ICIJ en Allemagne.

Selon l'ICIJ, qui tient un décompte des réactions suscitées par ses révélations, le gouvernement suisse s'est distingué en déclarant qu'il ne souhaitait pas avoir accès aux données « obtenues illégalement » et qu'une grande partie des activités répertoriées dans les documents pouvaient être parfaitement légales.

L'ICIJ écrit sur son site web qu'il ne remettra pas les données demandées, parce qu'il est une organisation indépendante et non « une section de la police ni un agent du gouvernement. »

CBC est le seul membre canadien de l'ICIJ, organisme basé à Washington dont un membre a reçu un disque dur contenant 2,5 millions de documents concernant les sociétés extraterritoriales et les fiducies de plus de 100 000 personnes bien nanties du monde entier.

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