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Chypre : Le «bank run», la terreur à l'ouverture des banques

Chypre : La terreur du «bank run»
afp

CHYPRE - Jeudi 28 mars la petite île méditerranéenne se réveille dans l'inconnu. Ses habitants devaient d'ailleurs se lever tôt pour avoir une bonne place dans la file d'attente... En effet, après une fermeture des banques de 12 jours, quel comportement vont adopter les chypriotes quand les guichets rouvriront, à midi, heure locale? Vont-ils se précipiter pour retirer tout leur argent, au risque de faire "crasher" les établissements financiers ?

Nicosie semble prêt à jouer le tout pour le tout, le bien-nommé gouverneur de la Banque centrale, Panicos Demetriades, assurant qu'un "effort surhumain" était engagé pour mettre fin à la paralysie.

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Mais comment cela va-t-il se passer concrètement?

  • Selon la presse chypriote, un décret valide pour sept jours va limiter les paiements et virements à l'étranger à 5000 euros par mois, par personne et par banque.
  • De plus, les voyageurs quittant l'île ne pourront pas porter sur eux plus de 3000 euros en espèces.
  • Concernant les restrictions à l'intérieur de Chypre les retraits seront limités à 300 euros par jour, mais il ne sera pas possible d'encaisser les chèques en liquide, comme beaucoup de Chypriotes ont l'habitude de le faire. Les clients pourront seulement déposer les sommes sur leurs comptes et les retraites
  • Les entreprises pourront quant à elle payer leurs salariés à l'étranger et les compagnies d'assurance verser des dédommagements sans restriction.
  • Les résidents chypriotes seront autorisés à subvenir aux frais de leurs enfants étudiants à l'étranger à hauteur de 10.000 euros tous les trois mois. Les montants des transactions commerciales ne seront pas limités, à condition que les entreprises puissent prouver qu'ils correspondent à leur activité ordinaire. Ces restrictions s'appliqueront à tous les comptes, paiements et virements en toutes monnaies, à l'exception des missions diplomatiques.

(Une pompe à essence chypriote n'acceptant que le liquide)

Attention, fuite massive des capitaux en vue

Aucune confirmation officielle de ces mesures censées limiter les effets une éventuelle panique bancaire n'a pu être obtenue mercredi. Les autorités semblaient toutefois déterminées à rouvrir jeudi les banques de l'île. "C'est censé être une protection, mais le contre-coup économique sera considérable, parce que les gens retarderont les paiements ou paieront en liquide, réduisant encore plus les bénéfices des banques. Les paiements internationaux auront des retards énormes", a estimé Simona Mihai-Yiannaki, professeur à la European Université, spécialisée dans la banque.

Un doute subsiste toutefois sur l'ouverture de Bank of Cyprus et Laïki Bank, respectivement numéros un et deux du pays. En fermant la seconde et en imposant des pertes aux clients fortunés de la première (entre 30 et 40%), les guichets pourraient demeurer clos ou subir un traitement particulier. Mais pas de quoi rassurer les déposants, qu'ils soient riches ou pas.

Le risque est réel, car l'économie chypriote est totalement paralysée depuis le 16 mars. Avec des retraits aux distributeurs limités à 120 euros et les virements impossibles, le but était d'éviter une fuite de capitaux. "Malgré les contrôles, les capitaux vont sortir pendant longtemps, peut-être 6 mois", a rappelé Simona Mihai-Yiannaki, évoquant "l'impact psychologique" des restrictions: "Les gens pensent 'nous sommes contrôlés, fuyons'".

Les banques étrangères déjà prêtes à "aider"

Andorre, Suisse, Lettonie, Allemagne... Venus de tous les horizons, des représentants des banques européennes se bousculent depuis une semaine à Chypre pour séduire les clients qui s'apprêtent à quitter l'île. Moscou a d'ores et déjà annoncé qu'elle allait étudier les conséquences pour ses intérêts. De nombreux e-mails auraient été envoyés à des entrepreneurs et fonds d'investissement chypriotes par des banques allemandes, maltaises ou luxembourgeoises, leur proposant une ouverture de compte "en moins d'une heure", indique Le Monde. Le quotidien explique également qu'une équipe spéciale de la Deutsche Bank a été envoyée à Nicosie. Elle serait notamment là pour démarcher les clients russes, dont les fonds à Chypre sont estimés à 31 milliards de dollars.

Le "bank run" qu'est-ce que c'est ?

C'est un phénomène de panique bancaire, la plupart du temps spontané, que l'on constate avec une ruée des déposants aux guichets. Les clients veulent retirer instantanément l'intégralité de leurs liquidités, de peur que leur établissement devienne insolvable.

"Une telle situation peut faire tomber une banque en quelques heures ou jours", explique au HuffPost Alexandre Baradez, analyste chez Saxo Banque. Il ne manque pas non plus de rappeler que cela peut arriver à n'importe quel établissement. "Ici, le problème n'est pas la solvabilité, mais bien la liquidité". En effet, une grande partie des dépôts sont placés à terme pour se rémunérer sans risque. Des fonds qui ne sont donc pas accessibles dans l'heure. Résultat: lorsqu'un grand nombre d'épargnants veut retirer son liquide en masse, la banque ne peut pas offrir autant de cash qu'il y a de retraits. L'établissement fait alors faillite très rapidement.

L'histoire récente dispose de 2 exemples retentissants : IndyMac (Etats-Unis) et Northern Rock (Royaume-Uni), qui ont subi l'éclatement de la crise financière de 2007.

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