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Habitant en face d'une église homophobe, il peint sa maison aux couleurs du drapeau gay

Habitant en face d'une église homophobe, il peint sa maison aux couleurs du drapeau gay
LeHuffPost/Carol Hartsell

HOMOSEXUALITÉ – Le siège de la Westboro Baptist Church, une organisation religieuse extrémiste et homophobe du Kansas, a eu droit à une surprise pour le moins colorée mardi 19 mars. Orchestrée par un des résidents du quartier, l’initiative se préparait en secret depuis plusieurs mois.

Tout a commencé fin 2012 lorsqu’Aaron Jackson, un des fondateurs de Planting Peace (une association caritative qui s’est concentrée par le passé à différentes causes comme la conservation de la forêt tropicale ou l’ouverture d’orphelinats), a acheté une maison qui se situait en face du siège de cette église très controversée.

Mardi 19 mars, accompagné d’une équipe de volontaires, ce dernier a entrepris de refaire la décoration extérieure de sa demeure en la repeignant aux couleurs de l’arc-en-ciel. De façon à ce qu’elle soit parfaitement assortie au drapeau adopté par la communauté homosexuelle, l’ennemie jurée du groupe religieux extrémiste.

» Découvrez -ci dessous les photos de la maison spécialement redécorée. Le texte se poursuit ci-dessous.

L'Equality House

La maison de l’égalité

Le projet -que l’association a appelé "Equality House" ("Maison de l’égalité", en français)- est le premier d’une longue série que Planting Peace compte lancer contre la Westboro Baptist Church, connue pour ses manifestations (ou ses menaces de manifestations) aux évènements qu’elle considère pro-gay et/ou anti-Dieu comme les marches des fiertés, les funérailles de militaires ou très récemment les commémorations organisées en hommage aux victimes de la tuerie de Newtown.

"J’ai lu un article racontant que Joseph Miles, un enfant de 10 ans, avait manifesté contre la Westboro Baptist Church en tenant une pancarte sur laquelle on pouvait lire "Dieu ne déteste personne"", a confié Aaron Jackson à nos collègues américains du HuffPost. "Je ne connaissais pas cette église et je ne savais pas où elle se trouvait mais cette histoire refaisait constamment surface. Et une nuit, je me suis demandé où pouvait bien être cette église. Je l’ai trouvée et grâce à Google Earth je me suis "promené dans le quartier" à 360 degrés. C’est à ce moment-là que j’ai vu un panneau "à vendre" sur la pelouse d’une des maisons. Et ça m’est venu d’un coup: mais bien sûr, je pourrais acheter cette maison en face de la Westboro Baptist Church et la peindre aux couleurs du drapeau LGBT!"

"C’est absurde d’en être encore là en 2013"

Aaron Jackson affirme avoir toujours voulu s’investir et militer pour la cause gay mais n’était pas sûr de la meilleure façon de s’y prendre jusqu’à ce que cette opportunité se présente: "Si je ne me suis pas lancé dans le militantisme pour la cause gay c’est parce que, d’une certaine façon, c’est presque absurde: on est en 2013, en est-on vraiment encore là? Ça semble ridicule".

"Mais le problème est bien réel et des enfants se suicident à cause de ça. Je voulais faire quelque chose et quand j’ai vu cette maison à vendre, tout a commencé à prendre forme. Tous ceux qui me connaissent savent que je suis un peu cinglé et qu’il n’y a pas de paperasserie dans mon association caritative. Quand je veux faire quelque chose, je le fais."

Planting Peace a donc acheté cette maison de Topeka, au Kansas, pour environ 83.000 dollars (soit 65.000 euros) et Jackson y habite depuis un mois. Et alors qu’il attendait le meilleur moment pour transformer la maison en un hommage bien visible à la communauté LGBT -responsable de tous les maux sur Terre, d’après la Westboro Baptist Church- il a rencontré des membres de l’église en question. Y compris la célèbre famille Phelps, à la tête de l’organisation religieuse depuis sa fondation en 1956.

Les Phelps, une famille formidable ?

"Ils sont propriétaires de la majorité des maisons de ce coin où je me promène tous les jours. Je les vois se déplacer de maison en maison. Un jour j’ai croisé Shirley Phelps (la fille du chef de l’église, Fred Phelps, qui est par ailleurs l‘une de ses principales porte-paroles) sur son quad. Je lui alors dit: "Bonjour, comment ça va?". Elle et son mari m’ont répondu: "Oh, très bien! Et vous, comment allez-vous?". Nous avons eu une rapide conversation, elle a été très aimable. Elle a fait une blague et nous avons tous ri."

"C’est fou -et très déstabilisant- parce que c‘est le genre de personne qui vous appelle "hun" ou "darling" ("chéri", en français), comme cela se fait typiquement dans le sud des États-Unis. On se demande: "mais c’est bien cette femme qui est censée me dire que je brûlerai en enfer?". C’est incroyable mais je ne peux dire aucun mal d’elle après cette rencontre, elle a été charmante: elle serait probablement de bonne compagnie!"

Plaisanteries à part, Jackson est certain que l’église se méfiait déjà de sa présence et qu’elle s’attendait à quelque chose.

“Ils sont extrêmement intelligents et je suis prêt à parier que lorsque j’ai emménagé dans le quartier ils ont fait des recherches. D’autant plus que je conduis une Toyota Prius sur laquelle on peut voir un autocollant qui invite à "Voter pour la réélection de Jimmy Carter". Traduction: je suis un vrai gaucho".

Le début d’un combat pour l’égalité

Aaron Jackson affirme aussi avoir déjà vu des membres de l’église prendre des photos de la maison et du mât qu’il a installé en opposition aux mâts de la Westboro Baptist Church sur lesquels flottent, à l’envers, les drapeaux gay et américains. "On dirait une manifestation des Nations Unies à coups de drapeaux. Ces mâts sont immenses. Ils savent que nous avons récoltés beaucoup de fonds [pour nous en procurer un]", estime Jackson.

Tout ce suspens a donc pris fin mardi 19 mars. Grâce aux nouvelles nuances qu’arbore désormais la maison, le message est clair: la Westboro Baptist Church n’aura plus besoin de se creuser la tête pour savoir ce qu’Aaron Jackson peut bien fabriquer chez lui.

En plus de peindre la Equality House aux couleurs du drapeau arc-en-ciel (drapeau qui sera d’ailleurs installé sur le mât flambant neuf installé dans le jardin), ce dernier travaille déjà à la nouvelle étape de son combat pour l’égalité: "Nous voulons que cette maison soit un message, nous voulons faire comprendre que là où il y a de la haine, il y a aussi de l’amour." (l'article continue après le diaporama)

En finir avec le harcèlement

"Nous voulons aussi sensibiliser et récolter des fonds pour créer des programmes contre le harcèlement (en particulier en milieu scolaire) et soutenir les initiatives de ce genre déjà en place", assure Jackson. "Au-delà du message symbolique qu’envoie cette maison, elle servira de domicile aux volontaires qui souhaitent travailler sur la promotion de l’égalité dans le monde entier et s’occuper de ces programmes que nous voulons créer."

Même si Jackson sait pertinemment que la Westboro Baptist Church se nourrit de toute cette attention que lui portent les médias et ses opposants, il estime qu’il est tout de même primordial de ne pas ignorer leur message de haine: "Les médias leur ont déjà offert tribune immense et je ne pense pas que ça s’arrêtera de sitôt. Nous utilisons toute cette énergie qui leur est consacrée et essayons d’en faire quelque chose de positif pour le mouvement LGBT. C’est comme ça que nous comptons procéder."

"Les homos remporteront la victoire"

Jackson considère d’ailleurs que l’Equality House est un pas de plus vers le démantèlement de l’organisation religieuse. Depuis quelques mois, le groupe est la cible de réactions négatives de la part d’anciens membres — à l’instar de Lauren Davis qui a publié un livre racontant sa vie au sein de l’église, suggérant d’ailleurs que le leader, Fred Phelps, serait lui-même gay — et d’autorités locales, qui ont voté des lois visant à limiter le droit des membres à manifester.

"Je pense que le futur de la Westboro Baptist Church est très sombre. Avec un peu de chance, d’autres membres continueront de quitter cette église. Malheureusement, les enfants sont nombreux là-bas et n’ont pas le pouvoir de prendre des décisions eux-mêmes."

Jackson est confiant que cette perte de légitimité et de pouvoir de l’organisation n’est qu’un des nombreux éléments positifs qui attendent la communauté LGBT: "J’adore voir tous ces républicains et tous ces gens qui ont été anti-homos pendant des années soudainement changer d’avis parce qu’ils savent qu’ils ne sont pas du bon côté de l‘Histoire. C’est quelque chose d’absolument incroyable."

"Je me rends bien compte qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour combattre l’intolérance, mais nous savons tous que les homos remporteront la victoire. Cela finira par arriver."

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