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Dessau utilisait de fausses factures pour financer les partis politiques

Dessau utilisait de fausses factures pour financer les partis politiques
Radio-Canada.ca

La firme de génie-conseil Dessau faisait de fausses factures pour obtenir l'argent comptant nécessaire pour répondre aux demandes de financement que lui présentaient les partis politiques provinciaux et montréalais.

C'est ce qu'a admis le vice-président principal Amérique latine de la firme, Rosaire Sauriol, lors du témoignage qu'il a commencé à livrer mardi après-midi devant la commission Charbonneau.

Le témoin a admis qu'il était le grand responsable de ce dossier chez Dessau mais que le grand patron de la firme, son frère Jean-Pierre Sauriol, était au courant de toute l'affaire.

Rosaire Sauriol avait expliqué au préalable qu'en raison de la croissance de Dessau, les demandes des partis politiques étaient devenues « de plus en plus importantes ». « La pression a beaucoup monté », a -t-il dit.

« Compte tenu de la pression, de ces demandes-là qu'on recevait [...] le chemin qu'on a pris pour arriver à ça a été, malheureusement, de faire de la fausse facturation », a admis Rosaire Sauriol. « C'est moi qui faisais ça », a-t-il admis. « J'ai pris la responsabilité totale de ces gestes-là ».

Le témoin a dit qu'il voyait mal comment Dessau aurait pu demander à ses actionnaires de retirer l'argent de leur compte en banque personnel pour faires du financement politique, comme cela a été fait chez BPR, selon le témoignage livré hier par son président, Pierre Lavallée.

Il aurait été en outre « inacceptable » de recourir à un stratagème de faux extras, comme le groupe Genius l'a fait, selon la témoignage de son PDG, Michel Lalonde, puisque cela aurait constitué une faute professionnelle.

Faire de la fausse facturation constitue également une infraction à la loi, a reconnu Rosaire Sauriol, mais il s'agissait plutôt d'une infraction de nature commerciale.

L'ingénieur soutient que Dessau utilisait deux contacts qui avaient des « réseaux d'entreprises » pouvant faire de la fausse facturation, soit Rapid Check (Réjean Robert) et Commerce Al-Shark (Charles Ghorayeb). Ce dernier avait des liens avec des commerces établies dans la réserve de Kahnawake, a-t-il précisé.

« On demandait à ces gens de rédiger le texte de ce qu'on voulait voir sur la facture. Essentiellement, c'était toujours "développement de projets, développement de ci, développement de ça", parce que toutes ces factures-là étaient imputés dans le poste vente et marketing [...] avec des dépenses de fondtions, de tournois de golf « , a expliqué Rosaire Sauriol.

« C'était une facture avec TPS et TVQ qu'on recevait. Nous on la payait et, de mémoire, je dirais que quelques jours après, on recevait 90 % du montant de la facture. Donc, si c'était une facture de 100 000 $, on recevait 90 000 $ », a-t-il poursuivi.

Selon des données présentées par la commission, Dessau a ainsi obtenu plus de 2 millions de dollars entre le 1er mai 2005 et le 30 avril 2010.

« On ne voulait surtout pas contaminer nos activités commerciales », a expliqué le vice-président principal de Dessau pour expliquer pourquoi les fausses factures étaient acquittées à partir d'un compte que Dessau utilisait pour ses activités de « vente et marketing ».

Rosaire Sauriol soutient que l'affaire a fonctionné pendant environ 5 ans, jusqu'en 2009, année où la firme a cessé cette pratique, dans le cadre d'un processus de révision des processus d'affaires, mais aussi en raison notamment de la création de l'escouade Marteau et de la publication de diverses enquêtes journalistiques.

« « Le cancer était partout. Il fallait arrêter ça. » — Rosaire Sauriol, au sujet de la divulgation volontaire.

Dessau a finalement divulgué les fausses factures aux autorités fiscales fédérales et provinciales en janvier 2011 dans le cadre d'un processus de divulgation volontaire, a expliqué Rosaire Sauriol. La firme a dû acquitter une facture de 2 millions pour couvrir les impôts, les intérêts et les taxes impayés sur ces montants.

« Vous dites que c'est un acte criminel? Vous avez raison. On l'a nous-mêmes dénoncé aux autorités fiscales. » — Rosaire Sauriol, en réponse à une remarque du procureur Denis Gallant.

Le procureur en chef adjoint, Me Denis Gallant, avait annoncé en introduction qu'il entendait l'interroger sur les contrats obtenus par sa firme à Montréal, dans d'autres municipalités et au MTQ.

Il a précisé que M. Sauriol ou un autre associé de Dessau reviendra dans un second temps pour être interrogé spécifiquement sur les contrats de Dessau à Laval, où se trouve le siège social de la firme.

L'équipe de procureurs de la commission a déjà fait savoir que la question de Laval ne serait abordée que plus tard dans les travaux de la commission, pour des raisons stratégiques.

M. Lalonde avait identifié Rosaire Sauriol comme son interlocuteur chez Dessau dans le cadre du système de collusion des firmes de génie à Montréal, qu'orchestrait l'argentier d'Union Montréal Bernard Trépanier.

Un retour dans le temps : le projet Sushi

La commission Charbonneau a effectué peu avant un retour dans le temps en se penchant sur l'opération policière de 2002 qui a entraîné le dépôt d'accusations de corruption contre les ex-conseillers municipaux de l'arrondissement St-Laurent, Irving Grundman et René Dussault.

C'est le sergent Jocelyn Nadeau de la Sûreté du Québec qui a exposé à la commission les tenants et aboutissants de cette affaire, pour lesquels les deux conseillers ont finalement écopé d'une peine de 23 mois de prison avec sursis et à des amendes.

Irving Grundman et René Dussault avaient admis, avant même l'ouverture de leur procès, qu'ils ont cherché à recevoir 75 000 $ de la part de deux entrepreneurs, José Sardano et Luis Vitorino, en échange d'un changement de zonage nécessaire à la construction d'un centre communautaire pour la communauté copte.

Des extraits d'écoute électronique déposée en preuve pendant le procès des deux entrepreneurs laissaient croire que les 75 000 $, versés au printemps 2002, devaient renflouer les finances d'Union Montréal, dans le rouge depuis l'élection municipale de 2001.

Jocelyn Nadeau, qui avait témoigné dans le cadre de ce procès, avait expliqué que toute l'affaire était apparue sur l'écran radar de la SQ parce que José Sardano avait été placé sous écoute électronique dans le cadre d'une affaire de fabrication d'alcool.

José Sardano a été arrêté avant que l'affaire ne soit conclue, mais la SQ a réussi à le remplacer par un agent double, qui a mené la transaction à terme. Sitôt la transaction conclue, Irving Grundman et René Dussault avait été arrêtés.

Les deux conseillers ont finalement démissionné de leur poste de conseiller, ce qui a entraîné la tenue d'élections partielles en décembre 2004. C'est lors de ces élections que l'ex-conseiller politique Martin Dumont, a dit en octobre dernier, avoir réalisé qu'Union Montréal tenait une double comptabilité pour masquer des dépenses électorales.

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Tony Accurso

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