Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

« C'est stupide, on n'aurait jamais dû faire ça »

« C’est stupide, on n’aurait jamais dû faire ça »
Radio-Canada.ca

Le président de BPR Inc., Pierre Lavallée, confirme qu'il a accepté de payer la ristourne de 3 % exigée par le directeur du financement d'Union Montréal Bernard Trépanier pour avoir accès aux contrats de la Ville de Montréal, comme l'avait affirmé devant la commission son ancien employé, Charles Meunier.

« C'est stupide, on n'aurait jamais dû faire ça, mais on l'a fait » — Pierre Lavallée.

Pierre Lavallée affirme que BPR a payé cette ristourne sur cinq contrats en 2007 et en 2008, année où la firme a décidé de cessé de collaborer, puisque les contrats de la municipalité avaient cessé d'être rentables.

Au total, de 145 000 $ à 155 000 $ ont été remis à l'argentier d'Union Montréal par l'intermédiaire de Charles Meunier. Selon Pierre Lavallée, ce sont cinq actionnaires de BPR Inc. qui réunissaient les montants nécessaires en puisant dans leur propre compte de banque.

« On ne connaissait aucun autre moyen d'avoir de l'argent comptant. On ne voulait pas trafiquer la comptabilité de l'entreprise », a-t-il expliqué.

Le président de BPR a passé en revue les cinq contrats pour lesquels la firme a versé une ristourne de 3 %. Ses propres relevés de compte bancaire montrent qu'il effectuait des retraits avant même que ces contrats aient été accordés en bonne et dûe forme.

Dans plusieurs cas, Pierre Lavallée a retiré à lui seul une somme de 9500 $ en vue de paiements de 22 000 $. Le témoin soutient que les banques le prévenaient que la transaction allait être signalée aux autorités si le retrait excédait 10 000 $.

Pierre Lavallée dit que BPR a payé une dernière ristourne de 60 000 $ ou 69 000 $ dans le cadre d'un contrat obtenu en consortium avec CIMA en 2008. Il dit être incertain de la somme parce que la firme a décidé à ce moment qu'elle arrêtait de suivre les règles du jeu dictées par Bernard Trépanier.

Le président de BPR Inc dit que la firme avait calculé à l'époque que sa marge de profit pour des contrats effectués à Montréal n'était plus que de 4 %. Conséquemment, travailler à Montréal ne valait plus le coup.

Pierre Lavallée a par ailleurs précisé que BPR n'a jamais versé de somme forfaitaire à Bernard Trépanier en vue du scrutin de 2005, comme d'autres firmes ont dit l'avoir fait. « La somme n'a pas été demandée et n'a pas été payée », a-t-il dit.

Accablé par la honte

M. Lavallée dit que la décision de payer M. Trépanier s'est pris lorsque Charles Meunier, qui avait la responsabilité de percer le marché montréalais pour BPR, lui a dit qu'à Montréal : « c'est ça ou on ne travaille pas ».

« On était tous mal à l'aise à BPR » a précisé M. Lavallée, qui a souligné que, dans tout cela, son ex-employé, Charles Meunier, était simplement le porteur du message.

C'est la première fois que nous faisait une demande pour de l'argent, ce n'est jamais arrivé ailleurs au Québec ou avant ce moment à Montréal, a-t-il soutenu.

« Je trouvais ça honteux, dégradant et je n'ai pas demandé à quoi allait servir l'argent. » — Pierre Lavallée

Il explique que s'il n'a pas dénoncé la situation, c'est qu'il ne savait pas auprès de qui le faire, mais il croit, avec le recul, que c'était de la « lâcheté », qu'il se sentait impuissant et honteux.

« On pensait qu'on avait toutes les qualités pour soumissionner », a-t-il déploré.

Les partis politiques provinciaux sollicitaient directement BPR

En fin d'après-midi, Pierre Lavallée a soutenu que les partis politiques provinciaux ont longtemps sollicité directement le président et chef de la direction de BPR de l'époque pour obtenir du financement politique. Il a précisé que ce sont d'autres employés de la firme qui lui ont rapporté cette situation, lui-même n'ayant jamais été sollicité directement.

Il soutient que cette pratique a cessé en mai 2008, lorsque lui-même est devenu président et chef de la direction de la firme de génie-conseil.

« Tous les partis politiques faisaient des demandes, qu'ils soient dans l'opposition ou au pouvoir. Même la deuxième opposition faisait aussi ses demandes », a-t-il dit, en soulignant que les solliciteurs exigeaient des montants précis. « De mémoire [...], on me parlait toujours de 30 000 $ à 50 000 $ » a-t-il dit.

Le solliciteur qui pouvait représenter le parti au pouvoir pouvait par exemple dire à BPR : « Vous avez fait beaucoup de contrats pour le gouvernement, donc vous devriez soutenir nos opérations politiques » Les partis d'opposition ajustaient quelque peu ce discours, a-t-il souligné.

« « On nous demande comme hommes d'affaires qui avons reçu des contrats du gouvernement du Québec de faire notre part au soutien de tel ou tel parti politique » » — Pierre Lavallée.

BPR Inc. réunissait alors ses associés pour discuter de la demande. Ces derniers avaient la liberté de contribuer au parti de leur choix, mais n'étaient pas remboursés pour leurs dons. La firme récoltait cependant les chèques et les remettait aux solliciteurs des partis. Ceux-ci ne se gênaient pas pour revenir à la charge si la somme demandée n'avait pas été amassée, affirme Pierre Lavallée.

« Les associés pouvaient donner au parti de leur choix lors de la première ronde de financement par les partis, mais pas lors de la seconde. Parce que quand ils revenaient et disaient qu'ils n'avaient pas eu assez d'argent, ben là, il fallait refaire une ronde pour dire : il manque de l'argent à tel parti. », a-t-il précisé. « Tous les partis demandaient ça ».

Selon un tableau préparé par la commission à partir des données du Directeur général des élections, les associés de BPR Inc. et certains de leurs proches ont donné 564 490 $ aux trois grands partis politiques du Québec entre 1998 et 2010. Pierre Lavallée a lui-même donné 12 000 $ aux trois grands partis, tandis que sa femme a versé 3000 $.

Pierre Lavallée note que la dernière fois où il a fait une contribution par conviction politique au provincial remonte à l'époque où Jacques Parizeau était chef du Parti québécois. Au municipal, il dit avoir fait des contributions légales à l'ancien maire de Québec Jeau-Paul L'Allier et à l'actuel maire Régis Labeaume, parce qu'il appréciait la qualité de leur travail.

Pierre Lavallée a aussi été interrogé sur trois rencontres au club privé qui soulèvent l'intérêt de la commission, dont les deux rencontres auxquelles a participé l'ex-vice-première ministre libérale Line Beauchamp.

Le président de BPR Inc. soutient qu'il n'a jamais assisté à la première rencontre avec la ministre Beauchamp, le 26 février 2007. Il est allé à la seconde, tenue le 18 mai 2007, à la demande du président de l'époque de BPR, qui ne pouvait y assister.

Pierre Lavallée soutient qu'il n'est resté qu'une heure à cette rencontre avec la nouvelle ministre de l'Environnement. Il dit en avoir profité pour suggérer diverses améliorations que pourraient apporter le ministère à ses façons de faire.

La troisième rencontre, tenue le 16 décembre 2008, s'est déroulée en présence de Rosaire Sauriol de Dessau et de Frank Zampino, qui venait de se joindre au même groupe. Pierre Lavallée soutient qu'il y a été question d'un projet d'ozonation de l'eau à la Ville de Montréal.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

INOLTRE SU HUFFPOST

Tony Accurso

La commission Charbonneau en bref

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.