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BD. Mort de Didier Comès, l'auteur de Silence

Didier Comès réduit au Silence
Catherine Henry

BANDE DESSINÉE - L'immense auteur de BD Didier Comès est mort ce mercredi 6 mars, à l'âge de 71 ans. Un noir et blanc profond, un trait simple, le dessin de l'auteur de "Silence" évoquait celui d'Hugo Pratt mais avec une noirceur absente du maître italien. De ses BD ressortait souvent une ambiance pesante. Plus dans la contemplation que dans l'action, il faisait preuve dans ses albums d'une économie de dialogues rendant chacun d'entre eux plus percutant, plus tranchant encore.

Chez lui, les visages des personnages, volontairement peu expressifs (les lèvres ne bougent pas et les bouches restent fermées lorsqu'ils parlent) renforcent un peu plus la froideur de ses récits.

Fils de la guerre, né en 1942 en Belgique, dans le village de Sourbrodt, il se lance dans la BD en 1969, en parallèle du jazz, sa seconde passion. Même s'il s'est essayé à plusieurs reprises à la couleur, son album phare restera Silence, l'histoire d'un muet au coeur pur opprimé par son maître. Et son regard innocent et poétique sur le monde qui l'entoure.

Paru en 1980, cet album est une claque pour de nombreux lecteurs pour lesquels la BD se réduit à l'époque au style humoristique franco-belge. Autre album phare de cet auteur, Eva: en plein milieu de la campagne, Neige a une panne de voiture. Elle trouve refuge dans une maison habitée par deux jumeaux, Yves et Eva. Cette dernière étant en fauteuil roulant. Une relation sulfureuse démarre dans un angoissant et dérangeant jeu à trois digne de Psychose.

François Schuiten, un autre immense auteur de BD, lui a rendu un hommage écrit, reproduit ici:

C'est avant tout un ami avec lequel je n'ai jamais cessé de parler de ce métier, de la façon de raconter des histoires, de l'exigence du dessin, du noir et blanc mais aussi de nos inquiétudes et de nos rêves.

L'isolement qu'il a choisi dans ses Ardennes natales lui donne un regard si particulier, une telle authenticité sur le monde, une vraie profondeur qui fait du bien.

Je reste toujours ébloui devant la beauté de ses planches, la façon dont il traduit le mystère des forêts qui l'entourent. Il travaille le végétal comme un orfèvre ou un artiste japonais. Il donne à chaque arbre une âme, une vie intérieure qui transcendent ses histoires. Il a su travailler le mouvement des cadres et des plans comme un musicien, avec le sens rythmique du batteur qu'il a été.

Dernièrement, alors que je l'interrogeais sur la façon dont il arrivait à des noirs aussi profonds et aussi parfaits dans ses planches, il me disait avec un sourire en coin qu'il accumulait ses vieilles bouteilles d'encre comme ses bons crus. Avec le temps, leur densité lui permettait d'obtenir cette profondeur. Ce souci de perfection révélait ses qualités de grand artisan, de maître incontestable du noir et blanc.

J'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi cohérent par rapport à son œuvre. Il a vraiment tout donné dans ses livres. Il représente pour moi un point de repère autant humain qu'artistique.

Une retrospective lui avait été consacré mi-2012 à Liège. Cliquez icipour accéder aux photos de l'exposition, cliquez ici pour accéder à la vidéo de l'exposition.

Au total, il aura édité seulement dix albums, dont la plupart sont devenus des classiques. Retrouvez-les dans le diaporama ci-dessous (par ordre chronologique):

Le Dieu vivant

Les 10 albums de Didier Comès

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